Prélèvement à la source : il faudra attendre pour pouvoir réclamer en cas de bug

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 30 janvier 2019 à 18h09
Reclamation Prelevement Source
@shutter - © Economie Matin
2 moisEn principe, Bercy s'est engagé à traiter les réclamations concernant le prélèvement à la source en deux mois. En principe...

Si vous avez constaté un bug sur votre fiche de paie, le plus courant étant l'application d'un mauvais taux pour le prélèvement à la source, pas de panique : vous pouvez contester. Seulement voilà : Bercy ne peut pas traiter votre réclamation pour l'instant...

L'arrivée des fiches de paie entre les mains des quelques 20 millions de salariés français s'accompagne de quelques mauvaises surprises. Les réseaux sociaux bruissent de plus en plus de messages de contribuables victimes d'un mauvais prélèvement à la source.

Cas le plus courant : le taux appliqué par l'employeur, ou son cabinet comptable, n'est pas celui choisi par le contribuable en ligne, ou fixé unilatéralement par l'administration. Embêtant quand le taux personnalisé est de 0 %, c'est à dire que le salarié n'est pas soumis au prélèvement à la source comme plus de la moitié des Français. Et que sa fiche de paie est pourtant ponctionnée de 3 %, 4,5 %, 6 %, 7,5 %, 9 % etc, soit les taux par défaut fixés par l'administration en fonction du salaire net.

Prélèvement à la source : le service téléphonique aux abonnés absents

Qu'à cela ne tienne, Bercy a promis que les contribuables pourraient signaler à ses services les erreurs constatées, ou encore, demander des précisions sur leur situation. Un numéro de téléphone a ainsi été dédié à cette mission, le 0809 401 401. Même Gérald Darmanin, le ministre des Comptes et de l'Action Publique, s'est prêté à l'exercice de répondre au téléphone devant les caméras. Et les équipes chargées de répondre aux contribuables ont été doublées, après la saturation du service dès le premier jour.

Malgré cela, le numéro d'information et d'assistance sur le prélèvement à la source demeure à ce jour, mercredi 30 janvier, totalement inaccessible. Mieux ! Son fonctionnement est déconcertant. Une fois le numéro composé, une voix de synthèse demande en effet de taper sur la touche "9" du téléphone. Aussitôt, un message automatisé se déclenche, et annonce "vous allez recevoir un SMS avec la réponse à la question posée". Problème : vous n'avez posé aucune question, puisque nous n'avez pas dépassé le menu d'accueil du serveur vocal interactif...

Le SMS, lui, arrive bien, et contient un lien, avec le message "Accédez à votre réponse via ce lien dédié"... lien qui vous renvoie en fait sur la page d'accueil du site d'information sur le prélèvement à la source. Kafkaïen.

Les réclamations sur le prélévement à la source prises en compte "au plus tôt en février"

Reste donc la solution d'envoyer un mail, via la messagerie sécurisée dont tout contribuable (aguerri aux outils informatiques) dispose sur le site du ministère des Finances. Pour le coup, le chemin à suivre pour envoyer un message et signaler un problème est "relativement" logique, même si l'on hésite entre plusieurs solutions. Une fois l'une d'entre elles (espérons, la bonne) choisie, vous voilà prêt à rédiger votre réclamation. Mais là, patatras ! Le champ "message" est en fait déjà rempli par un texte d'avertissement, que voici reproduit in extenso :

"Votre réclamation pourra être prise en compte au plus tôt à partir de février 2019, date à laquelle l'administration disposera des éléments nécessaires à son traitement. Si vous êtes salarié(e) ou retraité(e), votre employeur ou organisme verseur de revenus (caisses de retraites, Pôle Emploi,...) dispose d'un délai maximum de deux mois pour appliquer le taux actualisé transmis par l’administration. Dans ce cas, nous vous invitons donc à formuler votre réclamation à compter de cette prise en compte qui sera mentionnée sur votre bulletin de salaire ou de pension et dans votre espace particulier sur impots.gouv."

On en vient à se demander si tout n'est pas fait pour décourager le contribuable. Le service téléphonique est injoignable, et vous jette en 30 secondes en l'échange de la promesse de l'envoi d'un SMS (fonctionnalité qui échoue lamentablement d'ailleurs lorsque l'on appelle depuis un téléphone fixe). Et le contribuable est dissuadé d'envoyer un mail de demande de renseignement ou de réclamation par un message d'avertissement qui lui annonce déjà que sa demande sera prise en compte "au plus tôt à partir de février 2019", ce qui laisse encore une large latitude d'interprétation quant à la notion de "au plus tôt"...

La direction de la communication de la DGFIP nous a cependant précisé mercredi matin qu'une réclamation effectuée par exemple début février serait traitée en mars, exceptionnellement, début avril. En revanche, une réclamation effectuée vers le 20 février basculera fort probablement sur avril. La même direction de la communication ajoute cependant que "la plupart des erreurs n'en sont pas. C'est bien souvent parce que le contribuable a réalisé une action, comme par exemple, modifier son taux, mais l'a oublié".

Prélèvement à la source : pas de "bugs", mais des contribuables qui ont "oublié"

La DGFIP précise par la même occasion dans quelles conditions un trop-perçu sera remboursé au contribuable. S'il s'agit d'une erreur imputable à l'administration (qui refuse le terme de "bug"), le remboursement sera effectué sous deux mois. En revanche, si le trop-perçu a été provoqué par le contribuable, même, à son insu, par exemple en faisant mal ses calculs de taux personnalisés dans le cas d'un couple de salariés, ou encore, en ayant oublié avoir fait une modification sur son taux, alors, il lui faudra attendre 2020 pour être remboursé....

On le voit en tout cas, le prélèvement à la source n'est pour l'instant pas de tout repos pour les contribuables, ni non plus pour tous ceux chargés de le collecter par délégation, bien souvent à leur corps défendant.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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