Rentrée difficile sur les marchés: l’opinion du Président d’Athymis Gestion

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Par Michel Delapierre Modifié le 3 août 2021 à 11h36
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@shutter - © Economie Matin

Dans un entretien exclusif, Stéphane Toullieux, le Président de la société de gestion d’actifs Athymis Gestion nous livre sa vision des marchés financiers en cette rentrée 2018. Une interview garantie sans langue de bois !

Quelle est la situation sur les marchés depuis le début de l’année ?

Sur le marché actions, globalement, c’est assez médiocre. A l’exception du secteur technologique nord-américain, on est entre zéro et un pourcent. C’est donc une petite année sur les grands marchés occidentaux, depuis le début 2018. Les marchés émergents sont négatifs, particulièrement l’Amérique Latine, ainsi que l’Asie.

Le contexte est extrêmement difficile sur les marchés obligataires. Les marchés des dettes émergentes souffrent énormément parce que l’appréciation du dollar leur fait très mal. Seuls s’en sortent les pays exportateurs de pétrole car le pétrole s’apprécie bien depuis le début de l’année.

La gestion alternative est extrêmement dure et le monétaire rapporte moins que zéro. Si l’on regarde l’ensemble des classes d’actifs, c’est donc un premier semestre difficile.

Et chez Athymis ?

Dans ce contexte de rentrée difficile, notre premier semestre a été très bon. Notre fond Athymis Millenial est à +6,35% en termes de performance cette année. Sur le fond européen, nous sommes à près de 4%. Nos fonds Athymis Patrimoine et Athymis Global, qui sont des fonds diversifiés, nous sommes juste en-dessous de zéro alors que la quasi-totalité des fonds est nettement dans le rouge. Je reprends à mon compte la parfaite formule de l’AMF « les performances passées ne préjugent pas des performances futures » mais chez Athymis nous nous tenons plutôt bien.

Expliquez-nous les performances d’Athymis ?

Nous avons un biais croissance et les entreprises de croissance ont surperformé. En d’autres termes, les entreprises qui dans le temps voient leur chiffre d’affaires et leur marge progresser sont récompensées par le marché. A contrario, le marché est sans pitié pour les « canards boiteux », tout dossier compliqué est nettement sanctionné.

C’est encore plus vrai aux États-Unis où les valeurs technologiques ont très bien tenu et nous avons une certaine pondération dans ce secteur.

Par ailleurs, nous faisons attention à certains paramètres de risque. Nous faisons ainsi très attention à la dette. Nous sommes aussi très attentifs à la liquidité et il faut savoir équilibrer son portefeuille et vendre les valeurs qui ont bien monté. Je suis adepte de la théorie du bonsaï : quand une valeur commence à monter et à devenir trop importante dans un portefeuille, il faut s’en délester un peu.

Pouvez-vous revenir sur la question de la dette ?

Le sujet de la dette été oublié ces dernières années parce que la dette ne valait rien. Ce ne sera pas toujours le cas et quand elle vaudra à nouveau quelque chose, certains actifs vont s’effondrer et les gens qui ont des coffres forts pleins de cash seront plébiscités. Ceux qui seront riches en cash seront mieux rémunérés. Ils pourront racheter leurs actions, acheter des actifs moins chers, ils auront des marges de manœuvre.

C’est un peu ce qui est en train de se passer aux États-Unis où la dette recommence à peser. Ce n’est pas encore le cas en Europe. Ici les taux restent bas et ça ne devrait pas changer dans l’immédiat mais les choses pourraient évoluer à moyen terme.

Donc, en ce moment, nous choisissons des dossiers qui sont plutôt riches en cash, des dossiers de qualité, de croissance. Nous avons réduit notre risque sur la partie émergente notamment la dette et nous l’avons fait tout le temps durant le semestre.

C’est une période où tout le monde prend des coups, il ne faut donc pas hésiter à réduire la voilure sur les dossiers qui génèrent de l’inquiétude. Nous avons plutôt étendu le nombre de lignes sur notre portefeuille pour éviter d’être concentrés sur des valeurs qui peuvent être dans la tourmente. Il faut être prudents, bien sélectif.

Est-ce une période qui va freiner l’élan des épargnants vers le marché actions ?

Aux États-Unis, c’est déjà le cas. C’est la grosse inquiétude de ce que l’on appelle l’inversion de la courbe, c’est à dire que le placement sécurisé de court terme offre une rémunération décente et commence à devenir un vrai challenge pour les actions. En Europe, l’investissement sans risque rémunère tellement peu que les actions restent toujours plus intéressantes.

Que conseilleriez-vous aux gens qui hésitent à aller sur le marché action ?

La méthode est d’investir en actions l’argent dont on n’a pas besoin et de ne pas oublier que lorsqu’on a 45 ans, on a encore 40 ans de vie devant soi. Ce n’est donc pas la peine de mettre tout sur du monétaire ou du fonds euros quand on a un horizon à 40 ans. Et force est de constater que dans la durée, l’investissement en actions est le plus rentable. Beaucoup de gens sont encore dans un schéma qui est de ne pas aller sur les actions par peur de tout perdre, et c’est vrai que les crises de 2008 et 2011 font peur, mais au-delà des crises, sur la durée on est gagnant.

Ensuite, quand on est dans un train en marche, il faut savoir ne pas sortir. Le magazine Fortune a fait une étude qui montre qu’entre les investisseurs qui sont sortis au moment où le marché baissait et revenus un an après et ceux qui sont restés sur le marché durant la tourmente, les écarts de performance sont monstrueux parce que ce sont sur les grandes journées de rebonds que se font les retours d’affaires. C’est assez logique car attraper le rebond au bon moment est extrêmement difficile, on le rate en général toujours. Quand on a du temps devant soi, je crois qu’il faut savoir prendre le juste risque et savoir être patient.

Où vont les marchés en cette rentrée 2018 ?

Il est impossible de prédire précisément les perspectives des marchés. Les marchés, on ne sait pas vraiment où ils vont, nous avons des indicateurs mais avouons-le, personne ne sait vraiment.

Il y a les apôtres de l’apocalypse qui vous disent que tout va s’effondrer. De temps en temps ils ont raison et bâtissent une carrière sur leur prédiction.

Il y aussi ceux qui vous disent que tout est formidable et que cette fois-ci le marché va tenir. Ils n’ont pas plus raison. Un jour le secteur technologique américain sera secoué, la réalité économique s’imposera, les taux de croissance baisseront et tout le monde arrêtera de rêver. Une fois que l’on a dit cela, on n’est pas très avancé.

Comment appréhender une telle période d’incertitude ?

Personnellement, je ne sais pas vraiment où vont les marchés mais je sais qu’il y a des chefs d’entreprises d’excellente qualité qui savent profiter de tendances extrêmement porteuses à un instant T. Chez Athymis, nous analysons précisément ces tendances et nous cherchons à identifier ceux qui les exploitent au mieux.

Pouvez-vous décliner ces tendances ?

Dans les tendances porteuses aujourd’hui, il y a celles qui sont associées aux millenials notamment les changements d’habitude de consommation. C’est un sujet qui me travaille en permanence. Cela inclut quoi : le e-commerce qui est train de muter, derrière le e-commerce, il y a les paiements, ensuite il y a tout ce qui est logistique lié à ce qui faut livrer en bout de chaine. Donc, nous cherchons à investir sur toute cette chaîne de valeur.

Dans les grandes tendances, il y a aussi la santé et le bien-être, des sujets que tout le monde plébiscite, pour améliorer et allonger notre durée de vie et dans ces domaines nous avons investi sur des fournisseurs de solutions, dans le sport, la lutte contre diabète, etc...

Dans les grandes tendances, même si c’est difficile pour le secteur automobile de façon conjoncturelle, il y a la mutation durable de l’auto vers l’électrique. Nous allons également vers des voitures sans chauffeur, la connectivité des véhicules va se développer, la mutation du secteur automobile est très importante.

Dans l’immobilier, les tendances bougent également, les millenials sont dans l’expérience et le choix de la propriété à tout prix n’est plus une évidence, Airbnb est emblématiques en ce sens.

Ce sont aussi les usages qui changent, par exemple pourquoi acheter des CD pour la musique quand pour 10 euros par mois vous avez tout ce que vous voulez avec Spotify ou Apple Music. Là encore, nous sommes sur une génération de l’usage et moins de la propriété.

C’est aussi une génération qui est en quête de sens, qui cherche de l’authenticité, des produits qui lui ressemblent, c’est pour cette raison que nous avons créé Athymis Better Life l’année dernière. C’est une génération qui n’a pas seulement envie d’aller au travail pour un grade ou gagner du l’argent mais pour apporter quelque chose en plus. Des entreprises comme Salesforce avec toute leur dimension philanthropique font un malheur et leur démarche leur permet d’attirer les meilleurs ingénieurs.

Donc, à moyen terme, les entreprises qui jouent ces tendances-là vont gagner et nous allons selon nous apprécier le capital de nos clients dans le temps en ayant investi sur ces tendances également.

Quels sont les autres critères dans votre appréciation des valeurs ?

Les équipes, il faut avoir les bonnes équipes. Prenons l’exemple de Microsoft.

C’est une entreprise qui avait la rente Windows et qui aurait pu décliner lentement si elle n’avait misé que sur Windows. En 2014, Satya Nadella le nouveau PDG est arrivé. Lors de sa première présentation aux analystes il n’a même pas parlé de Windows. Il s’est projeté, il a énormément parlé du Cloud. Aujourd’hui, les derniers résultats du groupe sont phénoménaux. La société est largement au-dessus des attentes du marché, chaque trimestre ils battent des records. Pourquoi, parce qu’ils ont complètement pivoté en passant des systèmes traditionnels du type Windows vers le Cloud. Ils sont même en train de prendre des parts de marché au leader Amazon Web Services. Ce sont ces majors qui ont des visions et qui les exécutent qu’il faut savoir détecter, suivre et accompagner.

C’est la même chose pour des valeurs plus petites. On a par exemple une affaire dans le Cloud qui s’appelle Box. J’ai eu la chance de rencontrer le fondateur, Aaron Levie lors d’une conférence il y a trois ans. C’est une personnalité exceptionnelle, il a une vision sur le Cloud, les services qu’il peut proposer et sa société explose.

Ce que je veux dire, c’est que ce sont ces gens-là qui vont gagner et qu’il faut accompagner. Je crois à ces leaders qui ont une vision et savent mettre en œuvre une exécution optimale en s’entourant des meilleures équipes.

Est-ce limité au secteur technologique ?

Non pas du tout, c’est valable pour tous les secteurs. On peut aussi réussir dans des secteurs assez traditionnels. L’Oréal par exemple fait un travail absolument remarquable. C’est une entreprise qui a tout réussi mais qui s’est retrouvée confrontée à cette révolution des usages et qui a su pivoter.

Nous avons nos GAFA en France, Kering, Hermès, LVMH, etc, dont les produits attirent notamment beaucoup les millenials asiatiques. Ces produits ont une belle barrière à l’entrée parce qu’ils sont extrêmement qualitatifs et se renouvellent. LVMH par exemple fait des partenariats avec la marque Supreme que les millenials adorent. Donc, nous avons là un savoir-faire génial pour l’emploi français. Je ne suis pas chauvin mais nous avons des acteurs fantastiques en France.

Si l’on accompagne ces tendances sur le long terme, on peut gagner de l’argent. Mais bien entendu, il y aura des chocs, il y aura des twitts du Président Trump. Il y aura des crises, qu’elles soient politiques, géopolitiques, il y aura des moments de stress, parce que les marchés ont peur et retirent parfois l’argent de la table.

Paradoxalement, je ne crois pas trop à ce que l’on appelle le « market timing », acheter en fonction des humeurs du marché . On peut se renforcer sur certaines valeurs effectivement mais on peut aussi ne pas bouger, attendre que ça remonte surtout quand on n’a pas besoin de son argent. Je crois au rééquilibrage du risque du portefeuille. Quand un actif a bien monté, il faut savoir en mettre un peu de côté. Mais on ne sait jamais si l’on est au plus haut ou au plus bas.

Un dernier mot ?

Je crois que la curiosité n’est pas un vilain défaut. Lorsqu’on s’intéresse aux marchés il faut lire beaucoup, être curieux et avoir un regard international. Il y a plein de choses formidables en France mais il y en a aussi ailleurs. Ensuite, l’enthousiasme, je crois beaucoup à l’enthousiasme, à l’envie de découvrir, d’innover et d’accompagner l’innovation, en cela je suis entouré chez Athymis gestion d’une équipe formidable. Enfin, être réaliste, car « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ». Ce sont mes principes de base.

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