Pour Édouard Philippe, le 49.3 est « une arme destinée à museler la majorité »

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 2 mars 2020 à 14h28
Edouard Philippe Greve Noel 1
14%Le système actuel des retraites en France pèse 14% du PIB.

La décision risque de rester dans l’Histoire de la Vème République, mais pas pour les bonnes raisons : samedi 29 février 2020, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé que la réforme des retraites allait bénéficier du 49.3, donc que le débat parlementaire était clos. Une décision prise alors qu’un début de couvre-feu touche la France à cause du coronavirus.

Le 49.3 : quand LaRem le critiquait

La décision de recourir à l’article du 49.3, prise samedi 29 février 2020 par le gouvernement, a fait réagir, d’une manière générale en mal. À commencer par l’objet initial du Conseil des ministres durant lequel la décision a été prise : il devait traiter du coronavirus, et était censé y être dédié, car il est désormais en phase épidémique en France.

Autre détail : le retournement de veste du gouvernement sur le 49.3. Emmanuel Macron avait, alors encore ministre de l’Économie, critiqué en 2015 le recours à cette option de passage en force pour faire adopter la « loi Macron ». Et lorsque Manuel Valls, alors Premier ministre, utilise le même article pour faire adopter la « loi El Khomri », c’est Édouard Philippe, alors député LR, qui critique vivement ce recours au point de se lever et quitter l’hémicycle. Décidément, 5 ans plus tard, les avis sur la question ont bien changé.

Internet n’oubliant rien, Twitter a exhumé l’entretien que l’alors député LR et aujourd’hui Premier ministre, avait accordé à Sud Radio en 2016. Il y déclarait « le 49.3 n’a jamais été une arme destinée à museler l’opposition ! C’est une arme destinée à museler la majorité. C’est quand le gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée, quand il n’est pas sûr de faire adopter un texte, qu’il l’utilise ».

Et Bruno Le Maire, alors député LR et aujourd’hui ministre de l’Économie, d’enfoncer le clou sur RTL à la même époque : « quand on est obligé, dans une majorité, d’utiliser un instrument aussi brutal pour un texte de loi aussi creux, ça sent la fin de règne ! ».

Rassemblements interdits en France : contestations interdites ?

Il reste la question du timing : en pleine crise du coronavirus, est-ce une bonne idée que d’adopter une réforme, vivement contestée dans la rue, en activant le 49.3 ? Dès son annonce, plusieurs centaines de personnes se sont spontanément rassemblées, le samedi 29 février 2020, devant l’Assemblée nationale et dans plusieurs villes de France.

Le gouvernement a, le 29 février 2020, interdit les rassemblements confinés de plus de 5.000 personnes, comme dans des salles de concert par exemple, mais plusieurs événements sportifs ont été annulés pour cause de coronavirus, comme le semi-marathon de Paris… pourtant dans un espace non confiné.

Et Olivier Véran, ministre de la Santé, a également précisé que les préfets pourront interdire des événements extérieurs s’il y a un risque de mélange « avec des populations issues de zones où le virus circule ». Or, ce sont les préfets qui doivent donner les autorisations pour les manifestations.

Avec 130 cas confirmés en France au 1er mars 2020, les Français sont une « population issue de zones où le virus circule ». Les préfets pourraient alors interdire des manifestations contre le 49.3 en jouant la carte de la sécurité sanitaire… ce qui pourrait mettre le feu aux poudres de la contestation sociale.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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