La réforme des retraites va-t-elle faire l’objet d’un 49.3 ? Si le gouvernement n’a pas encore officiellement émis cette hypothèse, tout semble indiquer que ce sera le cas. Pas de débats à l’Assemblée nationale, donc, mais un texte validé en mettant sur la table la responsabilité du gouvernement. Une formalité pour LaRem qui dispose d’une très large majorité.
Le 49.3 « justifié » par les amendements ?
Les débats sur la réforme des retraites avancent… très lentement. Arrivée sur les bancs de l’Assemblée nationale le 17 février 2020, aucun article n’a été validé. Dimanche 23 février 2020, les députés discutaient encore de l’article 1er. La technique de l’opposition pour faire obstruction au texte semble donc marcher.
Plus de 40.000 amendements ont en effet été déposés ce qui rend la validation de l’ensemble des articles impossible dans le temps imparti, soit deux semaines. L’opposition assume cette obstruction, technique rarement utilisée en France mais, par exemple, très commune en Italie. Et, désormais, les cadres et élus du parti commencent à évoquer le 49.3… plus ou moins à demi-mot. Car la question est taboue : le 49.3 ne jouit pas d’une bonne réputation auprès des Français.
D’autant plus qu’Emmanuel Macron n’en serait pas à son coup d’essai… en quelque sorte. En 2015, c’est la loi Macron, le Président était alors ministre de l’Économie, qui est votée par 49.3. Mais une fois élu, c’est par ordonnances qu’il va faire évoluer le Code du travail en 2017, se refusant à faire usage du 49.3 à ce sujet qu’il n’appréciait guère… à l’époque. Mais, apparemment, en 2020 les choses ont évolué.
Le 49.3 : un coup de force ou un « coup d’État » ?
Le 49.3 est, normalement, le dernier recours d’un gouvernement en crise : l’article de la Constitution prévoit l’adoption du texte, qui ne peut porter que sur « un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale ». L’opposition peut alors déposer une « motion de censure » dans les 24 heures qui doit être signée par au moins un dixième des députés (soit 58) et qui est ensuite votée.
Cette motion de censure, si elle est adoptée, fait tomber le gouvernement : le Premier ministre démissionne, un nouveau est nommé ou l’Assemblée est dissoute et de nouvelles élections législatives sont organisées. Mais, pour ce faire, la motion de censure doit être adoptée par au moins la majorité des députés… chose improbable en 2020. LaRem dispose, dans ses rangs, de 300 députés, soit plus que la majorité, l’Assemblée nationale comptant 577 sièges.
Utiliser le 49.3 dans ces conditions revient donc à être certain de faire passer, en force, la loi… sans même risquer la motion de censure. De quoi supprimer tout débat démocratique, quand bien même celui-ci serait parasité par les milliers d’amendements. Un « coup d’État », de la part du gouvernement…