Alléger à tort et à travers la charge fiscale pesant sur les entreprises n’aura qu’un effet marginal sur leur capacité à se redresser après l’épidémie actuelle de Covid-19, mettent en garde deux chercheurs britanniques.
Les baisses d’impôts, une aubaine pour les grandes entreprises
Peu après que l’épidémie de Covid-19 a frappé, nombre de gouvernements ont annoncé des baisses voire des annulations d’impôts pour les entreprises. Mais un tel choix ne bénéficie en rien aux salariés, affirment Sandy Brian Hager, maître de conférences en économie politique internationale à City University of London et Joseph Baines, maître de conférences en économie politique au King's College à Londres, dans une étude publiée dans la revue Politics & Society et sur The Conversation.
Les deux économistes rappellent que, d’après différentes études, à chaque fois qu’elles ont la possibilité de réduire leur imposition, les grandes entreprises saisissent l’opportunité pour augmenter leurs capacités de production (et procéder à quelques embauches, peut-on imaginer). Mais une telle croissance a en réalité un impact négatif sur la société dans son ensemble car les grandes entreprises pratiquent majoritairement des salaires bas. De ce fait, le nombre de personnes qui sont obligées de choisir entre travailler malgré la situation sanitaire actuelle, et rester chez soi sans ressources, augmente dans nos sociétés.
Depuis le milieu des années 1980, en moyenne mondiale les grandes entreprises sont moins imposées que les petites
Seuls bénéficiaires de ces mesures de soutien : les actionnaires. Dans les années 1970, pour chaque dollar de dépense en capital, les grandes entreprises attribuaient en effet 30 centimes au paiement de dividendes et au rachat d’actions. Entre 2010 et 2018, le montant qu’elles dépensent pour enrichir leurs actionnaires est passé à 93 centimes. Ainsi, les baisses d’impôts creusent les inégalités non seulement entre les grandes et les petites entités, mais également entre les ménages les plus aisés et les ménages modestes.
Les baisses d’impôts actuelles s’inscrivent dans le prolongement d’une tendance engagée au milieu des années 1980. Comme le montrent les deux chercheurs, le système fiscal mondial était progressif dans les années 1970. Les grandes entreprises payaient alors des taux légèrement plus élevés que les petites (37%, contre 34%). Au milieu des années 1980, la situation s’est inversée, et cela n’a pas changé depuis. Entre 2015 et 2018, les petites sociétés cotées en Bourse payaient effectivement un taux de 41% sur leurs bénéfices, tandis que les grandes sociétés payaient 28%.