Le 10 avril 2025, une étude titanesque menée par l’université de Tsinghua à Pékin, publiée dans la revue Communications Earth & Environment, a jeté un pavé dans la mare de plastique : en 2022, sur 400 millions de tonnes produites, seulement 9,5 % provenaient de matériaux recyclés. Et ce n’est pas une faute de frappe.
Plastique : 9 % seulement recyclés, l’industrie ment-elle ?

« Malgré leurs technologies avancées, les États-Unis affichent l’un des plus faibles taux de recyclage : 5 % », pointent les auteurs de l’étude, cités par Le Point. L’Union européenne fait à peine mieux, selon les données croisées de l’OCDE : 114 kg de déchets plastiques par habitant chaque année, contre 216 kg aux États-Unis.
La production de plastique a explosé depuis les années 1950, passant de 2 à 400 millions de tonnes par an. À ce rythme, les 800 millions seront atteints d’ici 2050. Mais dans cet emballement, un constat glacial s’impose : le recyclage ne suit pas. L’OCDE, dans son rapport Global Plastics Outlook (février 2022), affirme sans ambages : « Le monde produit deux fois plus de déchets plastiques qu’il y a vingt ans, mais seulement 9 % sont recyclés avec succès. »
Recyclage du plastique : une industrie en trompe-l’œil
Sous l’étiquette verte des flacons ou des sacs, la réalité est bien moins reluisante. Produire du plastique vierge coûte moins cher que recycler. Voilà le talon d’Achille d’une industrie qui préfère la rentabilité au bon sens.
Les chercheurs de Tsinghua sont formels : « Cette barrière économique décourage l’investissement dans des infrastructures et des technologies de recyclage, perpétuant ainsi le cycle des faibles taux de recyclage », indiquent-ils selon La Dépêche du Midi. Le plastique est roi, mais sa couronne est fossile : 98 % des plastiques produits en 2022 l’ont été à partir de pétrole ou de gaz.
Mais il y a plus sournois encore : même parmi les plastiques triés, seule la moitié est véritablement recyclée. Le reste ? Incineré (41 %) ou enfoui (8,4 %). C’est ce qu’explique Le Point citant les mêmes chercheurs : « L’incinération émerge comme la méthode de traitement dominante, avec 34 % des déchets. »
Et la Chine ? Elle montre une autre facette du problème. Malgré ses 811 installations d’incinération déjà opérationnelles en 2022, elle incinère désormais 60 % de ses déchets plastiques et limite la mise en décharge à 14 %. Pas de quoi pavoiser : cela produit de l’énergie, certes, mais aussi une pollution atmosphérique non négligeable. Comme le souligne Quanyin Tan : « Cette méthode nécessite des technologies avancées et un cadre réglementaire strict pour limiter les impacts négatifs. »
Pollution, santé, biodiversité : le plastique ne recule nulle part
Le recyclage du plastique ne stagne pas seulement sur le plan industriel. Il aggrave une crise sanitaire et écologique d’ampleur mondiale. L’étude rappelle que des millions de tonnes de plastiques finissent chaque année dans les océans, se fragmentant en micro-particules invisibles, qui s’infiltrent dans les eaux souterraines, les chaînes alimentaires… et le corps humain.
L'OMS (Organisation mondiale de la santé) a lancé une initiative mondiale pour documenter les risques sanitaires associés au plastique, soulignant que chaque étape du cycle de vie – production, utilisation, élimination – expose les humains à des perturbateurs endocriniens, des polluants et des cancers.
Quant à la biodiversité, elle paie l’addition la plus lourde : ingestion mortelle, asphyxie, altération des habitats marins. Le plastique, loin de disparaître, se sédimente dans les cours d’eau et dans les mers, assure l’OCDE, avec 30 millions de tonnes déjà dans les océans et 109 millions dans les rivières. Ce stock invisible continuera à contaminer les écosystèmes même si la production s’arrêtait demain.
De la loi à l’illusion : où sont les vrais leviers de changement ?
Alors, à qui la faute ? Les ONG ? Trop isolées. Les citoyens ? Trop démunis. L’industrie ? Trop peu contrainte. Les politiques publiques restent, elles, dramatiquement en retrait. L’OCDE le martèle : les interdictions de sacs ou pailles en plastique sont anecdotiques. Moins de 15 % des déchets plastiques collectés pour recyclage aboutissent réellement à une seconde vie. « Les taxes sur l’incinération ou les décharges sont rares, les filières de responsabilité élargie du producteur sous-utilisées, et le plastique recyclé reste perçu comme un substitut, non comme une norme », dénonce le rapport.
Les chercheurs de Tsinghua appellent à « une conception écoresponsable dès la fabrication : matériaux simples, sans additifs, facilement démontables ». Le triptyque « réduire, réutiliser, recycler » doit évoluer vers un quatuor impératif : réduire, réutiliser, recycler… restaurer. L’ONU tente depuis 2022 de faire émerger un traité international contraignant sur la pollution plastique. La dernière session à Busan, en décembre 2024, s’est soldée par un échec. Prochain round à Genève en août 2025.