La production nationale de gaz renouvelables a bondi en 2024. Mais derrière ces chiffres encourageants se cache de grandes incertitudes. Objectifs contestés, soutien vacillant, technologies délaissées, investissements en suspens… malgré cette progression, la filière s’inquiète de l’absence d’un cap clair de la part du gouvernement.
Énergies renouvelables : la production de biogaz explose en 2024

Objectifs contestés, soutien vacillant, technologies délaissées, investissements en suspens… malgré cette progression, la filière s’inquiète de l’absence d’un cap clair de la part du gouvernement.
Biogaz : une production en hausse de près de 30 % en 2024, mais...
Le 10e Panorama des gaz renouvelables, publié le 3 avril 2025 par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et ses partenaires (Gaz et Territoires, GRDF, NaTran et Teréga), révèle que la production de biogaz en France a atteint un niveau record en 2024 : 11,6 térawattheures (TWh) injectés dans les réseaux, soit une hausse de 27 % par rapport à 2023. C’est le genre de courbe ascendante qui ferait briller n’importe quel tableau de bord ministériel. Pourtant, le chemin reste long : cette production ne couvre que 3,2 % de la consommation nationale de biogaz, soit l’équivalent de 756 000 foyers ou 40 000 véhicules lourds.
La progression est indéniable, mais les acteurs de la filière s’inquiètent d’un essoufflement : seules 79 nouvelles installations ont été mises en service en 2024, contre 139 l’année précédente. Un chiffre qui ramène la dynamique au niveau de 2019. Pourquoi ce coup d’arrêt ? La réponse tient en trois lettres : PPE, la loi de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) – censée définir les grandes orientations énergétiques de la France jusqu’en 2035 – qui fait actuellement face à une levée de bouclier de la part des parlementaires, et qui, selon les acteurs de la filière, ne définit aucun cap clair pour le développement du biogaz français.
« La France ne peut pas prétendre à une souveraineté énergétique en important deux tiers de ses énergies fossiles », dénonce Jules Nyssen, président du SER, dans une déclaration publiée par Ecolobizz. Il pointe du doigt une feuille de route gouvernementale « peu ambitieuse », qui fixe un plafond jugé insuffisant de 79 TWh pour 2035, quand la filière en espérait au moins 100.
La méthanisation règne au détriment des technologies émergentes
Dans le détail, le 10e Panorama des gaz renouvelables révèle que, parmi les 731 sites de production actifs en France, 65 % sont d’origine agricole (7 636 GWh), ce qui représente plus de la moitié du biogaz distribué à l’échelle nationale. Les projets dits « territoriaux » – souvent portés par des intercommunalités – assurent encore 25 % de la production, tandis que le reste provient principalement des boues de stations d’épuration et des ISDND (installations de stockage de déchets non dangereux).
Et les technologies émergentes ? Pyrogazéification, gazéification hydrothermale, power-to-methane ? Elles sont, pour l’heure, mises à l’écart, déplorent le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et ses partenaires. La PPE n’intègre aucun objectif chiffré pour ces procédés pourtant essentiels à la diversification de la filière. L’ensemble des acteurs interrogés dans le cadre du Panorama dénonce une triple impasse : absence de soutien réglementaire, incertitude sur l’avenir des Certificats de production de biogaz (CPB) au-delà de 2028, et instabilité économique chronique depuis la révision tarifaire de 2020.
Une filière vulnérable malgré un chiffre d'affaires flatteur
Malgré le ralentissement des installations, la filière des gaz renouvelables affiche un chiffre d’affaires estimé à 3 milliards d’euros. Mais cet apparent dynamisme est trompeur : 75 % des projets en file d’attente sont de petite taille (moins de 25 GWh/an), donc financièrement vulnérables.
Pis : 983 projets sont toujours en attente de raccordement, représentant 15,4 TWh supplémentaires encore bloqués. En somme, la production de biogaz progresse en France, mais la filière déplore un manque d’ambition gouvernementale. Du reste, les porteurs de projets réclament également une dérogation à la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette), qu’ils jugent incompatible avec l’implantation de nouveaux méthaniseurs.