Prime de Partage de la Valeur : entre opportunité sociale et prudence budgétaire

Créée pour répondre à l’urgence sociale, la Prime de Partage de la Valeur (PPV) est aujourd’hui pleinement intégrée dans le paysage des dispositifs de rémunération. Mais six ans après son lancement, et malgré des conditions fiscales et sociales avantageuses, son adoption reste timide.

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By Cyril Brégou Published on 10 avril 2025 5h00
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Serez-vous éligible à la prime d'activité en 2025 ? - © Economie Matin
24%En 2023, seules 24 % des entreprises ont versé une PPV à leurs salariés

Selon les dernières données de l’URSSAF, en 2023, seules 24 % des entreprises ont versé une PPV à leurs salariés, pour un montant moyen de 885 €. Et les prévisions pour 2024 et 2025 ne sont pas plus encourageantes : d’après une étude menée fin 2024 par Les Echos auprès de 120 DRH, 82 % des entreprises déclarent ne pas avoir versé de PPV en 2024, et 78 % n’envisagent pas de le faire en 2025.

Une prime modulable et exonérée, mais souvent mal comprise

Initialement introduite sous le nom de « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » (PEPA), la PPV a évolué au fil des années pour s’adapter aux enjeux économiques et sociaux. Son principal atout : une grande souplesse. L’entreprise peut décider librement du montant, de la fréquence (jusqu’à deux versements par an), et des critères d’attribution (ancienneté, rémunération, temps de travail, etc.).

Dans certaines configurations, elle permet même d’atteindre 6 000 € d’exonération par salarié et par an. Des plafonds rarement atteints : en 2023, la majorité des salariés ont perçu une prime inférieure à 1 000 €, et près d’un bénéficiaire sur trois a reçu moins de 500 €. Les plus généreux ? Les TPE de moins de 9 salariés, avec une moyenne de 1 141 €. À l’inverse, les entreprises de 250 à 499 salariés versent les montants les plus faibles (737 € en moyenne).

Des disparités fortes selon les secteurs et les régions

Certains secteurs se distinguent par la hauteur des primes versées : cokéfaction et raffinage (2 891 € en moyenne), production d’électricité et de gaz (1 371 €), ou encore les services financiers et juridiques (entre 1 100 et 1 300 €). À l’autre extrémité, les salariés de l’intérim ou du médico-social reçoivent en moyenne moins de 500 €. Les écarts sont également marqués entre régions : la Guyane (1 037 €) et l’Île-de-France (1 005 €) arrivent en tête, tandis que la Bretagne (750 €) et la Bourgogne-Franche-Comté (796 €) ferment la marche.

Une prime sans repère clair, difficile à justifier

L’une des limites de la PPV, c’est son absence de cadre d’attribution structuré. Dans de nombreuses entreprises, elle est distribuée de manière uniforme, sans critère de performance ou de contribution identifiable. Le salarié ne sait pas toujours pourquoi il la reçoit… ou pourquoi il ne la reçoit pas.

Cette opacité nuit à l’impact réel de la prime sur l’engagement et la motivation des collaborateurs. Contrairement aux dispositifs comme l’intéressement ou la participation, la PPV n’est généralement pas adossée à des objectifs collectifs ou à des résultats économiques.

Les dispositifs collectifs restent privilégiés

Les chefs d’entreprise privilégient de plus en plus les mécanismes d’intéressement et de participation, qui présentent deux atouts majeurs : ils reposent sur des critères objectifs et génèrent un partage effectif de la valeur créée. En 2022, les montants moyens versés au titre de ces dispositifs étaient largement supérieurs à ceux de la PPV (2 066 € pour l’intéressement, 1 799 € pour la participation, contre 806 € pour la PPV). Cette préférence s’explique aussi par leur caractère directement lié à la performance, et par la sécurité juridique et fiscale qu’ils offrent. Ils permettent aux entreprises de piloter avec finesse le ratio masse salariale / valeur ajoutée, un indicateur particulièrement stratégique en période de tension économique.

Une approche globale de la rémunération

Pour les entreprises, la mise en place d’un dispositif de rémunération – individuel ou collectif – ne peut être envisagée sans articulation avec leur stratégie globale. La performance de l’entreprise repose à la fois sur les individus et sur les collectifs de travail. L’enjeu, c’est de bâtir des systèmes de rémunération équilibrés, incitatifs, justes, et porteurs de sens.

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Cyril Brégou est associé-gérant de People Base CBM.

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