Les droits de douane “réciproques“, annoncés par Donald Trump le 2 avril, ont provoqué un tremblement de terre financier. L’inéligibilité de Marine Le Pen, prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars, marque un tournant dans l’histoire politique française.
Comprendre Donald Trump et Marine Le Pen avant de les juger

Comprendre Donald Trump
L’analyse graphologique de la signature de Donald Trump confirme - si l’on en doutait - que l’on a affaire à un homme doté d’un ego sur-dimensionné.
On sait que ce n’est pas un économiste, mais un chef d’entreprise, d’un genre particulier : un promoteur/marchand de biens fait “des coups“ (des deals), mais il n’est ni un créateur, ni un investisseur à long terme. Les économistes et les hommes d’affaires qui, aujourd’hui, entourent le 47ème président, ont de ce fait, abandonné leur libre arbitre…
Engagé dans la vie politique américaine depuis quarante ans, il a toujours été isolationniste et populiste (compagnon de route de Ross Perot).
Pendant sa dernière campagne, s’engageant à ré-industrialiser l’Amérique, il a annoncé qu’il procéderait à une augmentation des droits de douane. Selon une grille, présentée le 2 avril, où figurent des chiffres, dont on a dit qu’ils ont été déterminés à l'aide d'une méthode de calcul simpliste.
Par exemple, selon cette formule, l'Union européenne s'est vue imposer un droit de douane de 20 %, et la Chine de 34 %.
Que ce mode de calcul soit fondé ou non, il n’en demeure pas moins que le montant des droits de douane affiché officiellement par chaque entité territoriale concernée est loin d’être sincère.
L’UE déclare, par exemple, que le taux moyen de ses droits de douane sur les produits américains est entre 1 % et 4,8 %. Donald Trump les estime à 39%…
Les commentateurs autorisés sur nos médias crient au n’importe-quoi…
Pourtant, si l’on tient compte de la TVA ; des barrières non-tarifaires; et de la sous évaluation du dollar/sous évaluation de l’euro, le compte de Donald Trump est proche de la réalité.
Emmanuel Macron a dit au Président Trump, le 24 février : “ce ne sont pas des droits de douane“. Mais ce sont biens des éléments qui renchérissent, pour les consommateurs européens, les prix des produits américains, et donc leur compétitivité.
- Sur la TVA : il n’y en a pas aux Etats-Unis. Leur “sales tax“ varie de 0 à 10% selon les Etats. Il est si vrai qu’elle frappe les produits importés, qu’en France, les partisans de la TVA dite “sociale“, en tirent argument pour l’augmenter, en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales…
- Sur les barrières non-tarifaires, notre ministre de l’Economie lui-même, Eric Lombard, envisage de les accroitre, en riposte au coup de force de Donald Trump…
- Quant à la sur-évaluation du dollar, souvent évoquée par le FMI lui-même, il était évalué par le Trésor américain à quelque 6% en 2023…
Donc, contrairement à ce qui est souvent dit de ce coté de l’Atlantique, Donald Trump ne manque pas d’arguments.
Pour autant, de nos jours, aucune raison, même bonne, ne justifie de déclencher une guerre économique mondiale !
Quant à ses objectifs de politique intérieure - à savoir ré-industrialisation (des Etats fédérés qui ont voté pour lui en novembre dernier) - et en attendant qu’ils se réalisent, peut être, c’est l’inflation par les prix, la baisse du pouvoir d’achat, une possible récession… qui se profile à l’horizon des Américains, et déjà, une baisse très sensible de leurs patrimoines et de ceux des fonds de pension, qui servent leurs retraites…
Déjà, les élections de “mid-term“ de novembre 2026 se profilent à l’horizon. Le 1er avril, contre toute attente, une juge démocrate à été élue à la Cour suprème du Wisconsin.
Donald Trump pensait obliger Chinois et Européens à négocier, comme l’ont fait avant eux les britanniques. Erreur ! les premiers ont déjà riposté avec des droits à 34%, et l’Europe prépare une réponse un peu plus nuancée…
Revenons, pour finir sur ce point, à un peu de théorie économique.
- Tout impôt est finalement à la charge des personnes physique. Les impôts sur la consommation, TVA ou droits de douane, se payent cash. Ils pèsent immédiatement sur le pouvoir d’achat. Dire que l’augmentation immédiate d’un impôt sur la consommation permettra demain de réduire l’impôt sur le revenu n’est qu’une promesse politique illusoire.
- Dans un monde interdépendant, une mauvaise décision pour les Etats-Unis l’est également pour le reste du monde. Une sorte de Covid économique… Paraphrasant La Fontaine (“Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés“) on peut dire : “tous les pays seront frappés, mais certains plus que d’autres“. Il en résultera donc une redistribution au niveau mondial. Comme après chaque guerre. Et les pays les mieux dirigés seront alors les mieux placés…
Comprendre l’affaire des assistants parlementaires du FN/RN au Parlement européen
Dans son jugement en délibéré du 31 mars 2025 (252 pages, disponible ici), dans l’affaire dite des assistants parlementaires du FN/RN au Parlement européen, le Tribunal correctionnel de Paris a commencé par écarter toutes les demandes préjudicielles des parties. En particulier du fait que l’accusation, en l’espèce, se repose sur un article du code pénal ( Article 432-15), qui vise le détournement de fonds publics, alors que le tribunal dira par ailleurs, qu’il n’y a eu ni corruption, ni enrichissement personnel, mais un supposé “ enrichissement partisan“
- invention sémantique de ce Tribunal - ce qui ne mérite pas, selon lui, d’être porté devant le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une QPC, question priortaire de constitutionnalité….
- quant à l’exécution provisoire de l’inéligibilité de plusieurs prévenus, elle repose explicitement sur des critères politiques, et donc subjectifs (page 45 : “Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement“). Après avoir dit, page 38 : “Le tribunal ne méconnait pas les conséquences qu’une peine complémentaire assortie de l’exécution provisoire revêtirait dans la présente affaire “.
On aura aussi remarqué (page 37) que le Tribunal fonde la sévérité de son jugement sur “l’absence de reconnaissance des faits“, comme si les prévenus ne contestaient pas principalement la qualification de ces faits…
C’est dans ce contexte que dès le lendemain soir la Cour d’appel de Paris annonçait un nouvel examen, avec décision “à l’été 2026“.
Toute cette affaire repose sur les conditions de l’emploi, par des parlementaires européens, des attachés mis à leur disposition par le Parlement.
Depuis toujours, en France, les élus ont considéré que les collaborateurs payés par les assemblées auxquelles ils appartiennent, sont à leur disposition, pour des tâches dont ils décident librement. Au niveau des groupes politiques, des pools sont souvent formés.
A l’Assemblée nationale, depuis 1975, ces collaborateurs sont employés par les parlementaires, avec des contrats de droit privé.
Au Parlement européen, c’est ce dernier qui signe les contrats. En l’espèce, le député sélectionne son assistant et soumet une demande à l'Autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement (AHCC) du Parlement européen. Après approbation de l'AHCC, le contrat est signé par l'assistant et le Parlement européen, officialisant ainsi l'engagement.
(Dans la même enveloppe mise à disposition par le Parlement européen, le député peut aussi recruter des collaborateurs locaux, avec des contrats signés directement par lui…)
Jusqu’à une date récente, illustrée par l’affaire Fillon, les seuls abus sanctionnés en France concernaient des contrats de complaisance, signés au profit de parents, conjoint(e) ou enfants, sans travail effectif.
Avec l’affaire des assistants parlementaires des députés européens, d’abord ceux du Modem et du LFI, puis ceux du FN/RN, qui ont travaillé soit pour leurs patrons soit pour leurs partis, les juges, et le Parlement européen, partie civile, prétendent aujourd’hui vérifier l’utilisation de ces collaborateurs, leurs tâches et l’effectivité de leurs travaux.C’est un grand pas en avant vers la judiciarisation de la vie politique…
Depuis plus de quarante ans, les partis dits de gouvernement, de droite comme de gauche, ont prétendu lutter contre ce nouveau concurrent en l’ostracisant, en le diabolisant. Or, sur toute cette période, et jusqu’à aujourd’hui, le FN/RN n’a fait que croître et embellir !
Laurent Fabius, parangon de la bien-pensance, a bien pu dire en 1984 que le FN d’alors posait “les bonnes questions“ (sur la sécurité et l’immigration, déjà…), mais les électeurs du FN/RN estimaient que les réponses des autres formations n’étaient pas à la hauteur. Pire : beaucoup prétendaient même qu’il ne s’agissait même pas des bonnes questions…
La coalition anti-Le Pen apparut clairement comme constituant un “système“ lors du deuxième tour des élections présidentielles de 2002, quand Jean-Marie Le Pen fut candidat. Une levée en masse se mobilisa alors, allant de tous les adversaires politiques, aux syndicats, au patronat, au monde associatif, médiatique et culturel, celui de la justice, et même aux autorités religieuses…
Ce “système“, bien visible à ce moment, est aujourd’hui toujours prêt à se re-mobiliser. Et il apparait, de temps à autre, de-ci de-là, comme lundi dernier, au Tribunal correctionnel de Paris.
Mon opinion, déjà plusieurs fois exprimée ici, est la suivante :
- la façon choisie par les partis politiques dits de gouvernement de combattre le FN/RN n’est pas la bonne. Si la sécurité et l’immigration sont de vrais problèmes, il convient d’y apporter de bonnes réponses… En se coalisant contre le FN/RN, avec toutes les ressources possible de l’Etat profond, qu’ils contrôlent, ils victimisent leur adversaire et alimentent son recrutement électoral (plusieurs dizaines de milliers de nouveaux adhérents au RN, selon cette formation).
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Marine Le Pen candidate ou non, le score de son parti aux prochaines élections présidentielles sera boosté par cette affaire de cornecul.