Le climat international se tend, les finances publiques s’essoufflent, et la Défense devient un mot qu’on n’ose plus murmurer sans frissonner. Mais au Lavandou, on a choisi de faire plus que murmurer.
Défense nationale : face à la menace de guerre, cette commune met la main au portefeuille

Le 31 mars 2025, le conseil municipal du Lavandou (Var) a pris une décision inédite en France : voter l’octroi d’une subvention de 64 000 euros au ministère des Armées. Une aide directe, sans contrepartie, ni demande de compensation. Dans un contexte où la défense nationale pèse lourdement sur un budget public exsangue, cette petite commune balnéaire fait entendre une voix résolument singulière — et clivante.
Un geste local pour une cause nationale : quand le Lavandou parle de défense
« L’État a besoin, Le Lavandou est là. » Ces mots de Gil Bernardi, maire LR de la commune varoise, résonnent comme un écho volontairement dissonant au ronron institutionnel habituel. Alors que la dette publique française frôle les 3 300 milliards d’euros, que les besoins en armement se multiplient face à la menace russe, ce vieux routier de la politique municipale a choisi l’acte pur : verser 10 euros par habitant au ministère des Armées. Une contribution directe, exceptionnelle, mais sans prélèvement supplémentaire.
Le vote, intervenu le 31 mars, a recueilli 20 voix favorables contre 4 oppositions au sein du conseil municipal. « C’est un sujet qui relève du régalien, normalement c’est l’État tout seul qui doit faire face. Mais l’État, c’est nous », a justifié l’édile à BFMTV Toulon Var. S’il concède que l’idée est inhabituelle, Bernardi s’appuie sur la santé budgétaire solide de sa ville : un excédent de deux millions d’euros, une baisse des taxes locales de 6 %, et un service public jugé performant.
Un choix polémique, entre patriotisme et provoc’ budgétaire
La décision n’a pas manqué de faire grincer les dents. À commencer par Jean-Laurent Félizia, élu d’opposition, qui fustige « un pseudo-effort de guerre » et dénonce « un climat anxiogène » inutile (propos provenant de France 3 Régions). Et d’ajouter : « L’État demande aux communes de réduire la voilure et nous, on dépense de l’argent pour ça ? »
Réponse du maire ? Une salve tout aussi tranchante : « Je n’ai jamais parlé d’effort de guerre. Bien sûr que non. C’est la défense nationale. [...] Quand une commune a un excédent, elle peut en consacrer une petite part pour la Nation » (France Bleu).
Cette mise au pot local suscite aussi des réactions contrastées chez les habitants. « C’est rien dix euros, surtout ici. Il faut défendre la patrie », confie un riverain au micro d’Europe 1. D’autres s’interrogent : « Est-ce que cet argent ira là où il faut ? », « Est-ce que c’est aux communes de prendre en charge des fonctions régaliennes ? ».
Un précédent dangereux ou un réveil républicain ? Le Lavandou face à l’Histoire
Derrière cette opération d’un montant modeste – 64 000 euros – se profile une question vertigineuse : les collectivités locales doivent-elles se mêler de sécurité nationale ? Pour Gil Bernardi, la réponse est sans détour. S’inspirant de John F. Kennedy, il déclare, toujours sur France Bleu : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays. Ce n’est pas de la morale, ce sont des convictions ».
Et si l’initiative restait symbolique ? Le maire lui-même reste évasif sur l’utilisation des fonds : « Je n’en sais rien. Ce n’est pas à moi de dire si ça financera un treillis ou une ration de combat. L’État fera ce qu’il a à faire » (France Bleu). Le chèque, une fois validé par la préfecture, sera remis au ministère de la Défense, sans fléchage, ni protocole particulier.
Une première en France. Et peut-être un signal. Car à l’heure où la notion de “budget de guerre” refait surface dans les débats parlementaires, et où la résilience stratégique devient un enjeu territorial, la manœuvre du Lavandou n’est peut-être pas si anecdotique. À l’instar d’un signal faible dans une machine déréglée, elle pourrait bien annoncer un changement de paradigme : celui d’une nation solidaire qui ne s’en remet plus uniquement à Paris pour survivre. Alors à qui le tour ?