Sous les étendards des Mousquetaires (groupe Intermarché), l’enseigne semblait tailler sa route sans accroc. Mais un an et demi après une acquisition historique, un virage vient réveiller le secteur.
Intermarché : 680 emplois seraient menacés par la fermeture de trente anciens Casino

Le 3 avril 2025, le groupe Intermarché a annoncé lors d’un Comité social et économique (CSE) la possible fermeture d’environ 30 magasins, sur les 294 qu’il avait rachetés au groupe Casino entre 2023 et 2024. Résultat : 680 salariés pourraient voir leur poste disparaître.
L’annonce a fait l’effet d’un séisme pour des équipes encore en phase de transition. Les sites concernés, parmi lesquels figurent déjà Lyon et Boissy-Saint-Léger, ont été qualifiés par la direction de « commercialement inexploitables ». Une expression lisse, mais lourde de sens, traduisant un abandon progressif de points de vente jugés irrécupérables par la direction.
Un pari Casino qui vire à l’addition salée pour Intermarché
Intermarché n’a pas racheté n’importe quoi. En mettant la main sur 294 magasins Casino, le distributeur avait revendiqué une opération « historique » représentant « quinze ans de développement de surface commerciale », selon un communiqué du groupe en mars 2025. Objectif affiché : générer 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel supplémentaire. Mais la réalité économique a rapidement refroidi les ambitions.
Dans un communiqué adressé à la presse, Intermarché justifie son revirement par « un manque d’investissements trop important ces dernières années, des charges trop élevées et une politique commerciale inadaptée ayant conduit à une perte massive de clientèle ». Une déclaration sans fard qui replace la faute sur l’héritage laissé par Casino.
Le groupe Casino, lui, n’en est plus à un naufrage près. Fin 2022, il comptait encore près de 200 000 salariés dans le monde. À l’issue de sa déconstruction accélérée en 2024, il ne conserve plus que 25 500 employés, concentrés sur des enseignes résiduelles comme Monoprix ou Franprix. Les ventes de magasins ont permis d’engranger 1,8 milliard d’euros.
Un plan social maquillé ? Des syndicats vent debout
Si la direction s’évertue à parler d’« accompagnement individuel » et promet des offres d’emploi au sein du groupement, le doute s’installe chez les syndicats.
« On comptait sur Intermarché pour relancer un grand plan d'investissement », s’indigne Fabrice Ore, élu CSE-CGT du magasin Intermarché La Riche. Le choc est d’autant plus rude que ces salariés pensaient leur avenir sécurisé après leur transfert hors de la galaxie Casino.
Les repreneurs affirment que l’ensemble des fermetures sera géré « au cas par cas », mais les perspectives de reclassement sont minces dans certaines zones déjà saturées en offres d’emploi. La piste d’un rachat par des enseignes concurrentes est évoquée, mais semble très incertaine. Selon L’Humanité, l'équation économique est trop défavorable pour intéresser des repreneurs potentiels.
Une redistribution brutale des cartes dans la grande distribution
Derrière cette décision d’Intermarché, c’est un modèle entier de la grande distribution française qui vacille. En 2024, Auchan avait déjà annoncé la suppression de 2 389 postes, mettant un terme à sa stratégie d’hypermarchés tentaculaires. Casino, de son côté, s’est désintégré en cédant tous ses formats historiques.
Aujourd’hui, Intermarché se retrouve avec un portefeuille à deux vitesses : d’un côté, des magasins intégrés avec succès ; de l’autre, une trentaine de structures qui plombent sa rentabilité et qu’il entend sacrifier.
Le syndicat Force Ouvrière dénonce déjà un climat « d’incertitude permanente » pour les personnels concernés, et pointe « l’absence totale d’anticipation sociale dans les processus de fusion et de rachat ».
Un effet domino en marche
Cette information montre que la reprise d’un géant en crise ne se transforme pas toujours en miracle économique. Intermarché, troisième acteur de la grande distribution en France, affronte à son tour les conséquences d’une stratégie de croissance précipitée.
Derrière les chiffres froids, 680 travailleurs attendent désormais de savoir si leur magasin deviendra une coquille vide ou un miraculé. En 2025, même pour les Mousquetaires, la redistribution est impitoyable.