Ce n’est pas une question de Chine ou d’Europe. C’est une question de briser le cycle.

Alors que tout le monde débat pour savoir si la nouvelle rhétorique tarifaire de Trump relève du protectionnisme, de la stratégie électorale ou de la géopolitique, l’essentiel passe totalement sous silence. Ce qui ressemble à du protectionnisme pourrait en réalité être une stratégie anti-récession.

Demuth
By Eric Demuth Published on 6 avril 2025 9h00
Droits de douane : 7 Français sur 10 prêts à la guerre économique contre les USA
Ce n’est pas une question de Chine ou d’Europe. C’est une question de briser le cycle. - © Economie Matin
4,20%Aujourd’hui, le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans tourne autour de 4,20%

Une dette colossale à refinancer

Le gouvernement américain fait face à une vague massive de refinancement. D’ici la fin de 2026, 9 000 milliards de dollars en obligations du Trésor arrivent à échéance. L’essentiel de cette dette a été émise durant les années de taux d’intérêt quasi nuls, une période qui ne reviendra pas de sitôt.

Aujourd’hui, le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans tourne autour de 4,20%, après un pic de 4,60 % au quatrième trimestre 2024. Cest ce chiffre qui compte. Chaque point de base réduit signifie des milliards économisés en intérêts sur la prochaine décennie.

Une récession forcée ?

Voici la vérité brutale : la seule façon réaliste de faire baisser ce rendement est de ralentir l’économie. Par la force, si nécessaire.

Cest là qu’entrent en jeu les tarifs douaniers. Cest là qu’entre en jeu le « nationalisme économique ». Cest là qu’entrent en jeu des mesures qui paraissent irrationnelles, mais qui visent en réalité à réduire les attentes de croissance à long terme.

Bien sûr, les droits de douane peuvent être inflationnistes à court terme. Mais ce que nous observons ici est une stratégie systématique et à grande échelle qui, à moyen terme, pourrait déclencher une récession aux États-Unis. Et cest précisément le scénario décrit plus haut.

Une économie affaiblie entraîne des attentes d’inflation plus basses, une demande de capital réduite et, par conséquent, des rendements obligataires plus faibles. Cest exactement ce dont Trump, et en réalité n’importe quel dirigeant d’une superpuissance endettée, a besoin aujourd’hui.

Une stratégie en trois actes

Il ne s’agit pas seulement de tarifs douaniers. On observe une tolérance, voire une ingénierie d’un ralentissement économique.

Le plan est clair :

  1. Faire baisser les rendements maintenant.
  2. Refinancer des milliers de milliards à moindre coût.
  3. Réenclencher un stimulus, raviver l’économie et rouvrir les vannes monétaires.

Ce scénario s’est déjà joué. Rappelez-vous 2020-2021 : assouplissement quantitatif massif, taux zéro, rallye explosif sur les actifs à risque. Cela ne se reproduira pas avant que ce cycle de refinancement soit terminé et que le rendement des obligations à 10 ans soit sous contrôle.

Une guerre des rendements, pas une guerre commerciale

En attendant, la liquidité reste tendue. La FED continue de réduire la taille de son bilan, et les actifs à risque, en particulier dans la tech et les cryptos, restent sous pression.

Donc, la prochaine fois que quelqu’un dira que Trump « déclenche une guerre commerciale », regardez les choses sous un autre angle. Ce n’est pas une guerre commerciale. Cest une guerre des rendements. Et pour ceux qui suivent les marchés : gardez un œil sur la courbe des rendements des obligations du Trésor à 10 ans. Cest là que l’histoire réelle est en train de s’écrire.

Demuth

Eric Demuth est le PDG et cofondateur de Bitpanda. Après s'être lancé dans une carrière de mécanicien naval, il change de voix et débute des études d'économie à la WU Wien et à la London School of Economics and Political Science. En se plongeant dans le monde des crypto-monnaies, il s'est senti frustré par la difficulté d'acheter et de vendre des crypto-monnaies. C'est dans cette optique qu'il a cofondé Bitpanda en 2014, afin de faire tomber les barrières à l'investissement et de rendre l'investissement simple, accessible et disponible à tous. Aujourd'hui, Eric façonne activement la communauté fintech mondiale en tant qu'entrepreneur, investisseur et leader d'opinion dans plusieurs domaines.

No comment on «Ce n’est pas une question de Chine ou d’Europe. C’est une question de briser le cycle.»

Leave a comment

* Required fields