A l’Hubris de certains, la force tranquille des autres

La brutalité inégalée de la nouvelle administration américaine pourrait bien être confrontée à une action d’envergure non violente née au XIX e siècle, sous le nom de boycott. Simple, basique, cette arme au demeurant inoffensive, peut se révéler destructrice et massive surtout à l’ère du digital et des réseaux sociaux. Les départs d’une trentaine d’acteurs politiques français (Lescure, Hidalgo, Valls, Hamon…) de la plateforme X (ex-Twitter) propriété de Musk, permet de souligner et de rappeler la force d’un tel acte de protestation, souvent à l’aube de changements politiques conséquents.

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By Frédéric Dosquet et Patrick Soumet Published on 5 avril 2025 9h30
Manifestation Protester Mecontentement Boycott
@shutter - © Economie Matin
65%65% des Français se disent prêts à boycotter les produits américains

A son origine économique, issu d’une querelle en 1880 entre Charles Boycott, alors au sommet de sa toute puissance et ses fournisseurs à l’agonie, le concept éponyme a largement débordé de la sphère des affaires pour prendre son ampleur dans le monde politique. L’Histoire regorge de faits sur des boycotts réussis ayant permis de grandes avancées sociales et des chamboulements diplomatiques et politiques, alors que la situation semblait désespérée pour les plus fragiles, qui liés et ligués ont par leur action, sans effusion de sang d’un blocus (boycott) fait chuter l’acteur ou le système qui les opprimait.

Des victoires sociales et politiques grâce au boycott

Aux Etats-Unis, dès la fin du XVIIIe siècle, les mouvements abolitionnistes en Angleterre et aux États-Unis ont appelé à boycotter le sucre produit par les esclaves dans les colonies. Cette action contribua à augmenter la pression politique, qui a mené à l’abolition de l’esclavage au XIXe siècle (1833 en Angleterre, 1865 aux Etats-Unis). La fin de la ségrégation aux Etats-Unis au XXe siècle (Civil Rights Act en 1964 ; Voting Rights Act en 1965 et le Fair Housing Act en 1968) trouve aussi son origine dans une action de boycott des bus Montgomery. Quand Rosa Parks, en 1955, refusa de céder sa place assise à un homme blanc dans un bus en Alabama et qu’elle fut arrêtée pour cette raison, la communauté afro-américaine organisa un boycott massif des bus de cette compagnie. Cette opération orchestrée sous la direction de Martin Luther King Jr. a duré près de 381 jours et conduit la Cour suprême des États-Unis à déclarer la ségrégation illégale dans les transports publics initiant ainsi des avancées sociales majeures pour la communauté noire.

En Inde, le boycott décrété par Mahatma Gandhi, des textiles anglais au profit du Khadi (tissu local) permit d’affaiblir la Couronne britannique. Cette action de désobéissance civile non-violente conduira l’ancienne colonie jusqu’à l’indépendance quelques années après en 1947 après plus de deux cents ans d’occupation anglaise. En Afrique du Sud, la décision de certaines multinationales à interrompre (forme de boycott) leurs productions dans ce pays a participé à provoquer la chute du régime de l’Apartheid (1991).

Une arme contre l’hubris des puissants

Le constat est donc limpide. Le boycott est bien une arme non-violente produisant des séismes insoupçonnés touchant des puissants et des puissances qui se pensaient invincibles. Le tourbillon de la puissance et de la démesure peut créer des failles dans lesquelles les plus petits gangrènent l’ensemble qui finit par vaciller jusqu’à en tomber. Dans la plupart des cas de boycott envers une personne, une marque ou un pays, on y retrouve l’hubris. Ce concept né et devenu clé dans la culture grecque désigne l’arrogance et l’orgueil dévastateur du puissant qui s’arroge de toute forme d’humanité et de respect des lois naturelles, jusqu’à sa propre perte. D’Icare, à Achille en passant par Xerxés, la liste des gagnants-perdants est longue et n’est pas près de s’interrompre… L’abus de pouvoir mêlé à la désinvolture amorce la chute de celui qu’il l’exerce. Cette chute peut être d’autant plus rapide dans le cas où le boycott y participe. Cette action de protestation, cette sorte de « force tranquille » devient dès lors le quasi unique moyen pour l’offensé de tenter de contrecarrer la toute-puissance de l’agresseur.

La nouvelle équipe occupant la Maison Blanche aurait tout intérêt à méditer les leçons de l’Histoire et la sagesse des Anciens, car à force de trop vouloir tout gagner, on court le risque de tout perdre.

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Frédéric Dosquet, Docteur en Sciences de Gestion et enseignant-chercheur à Eklore, et Patrick Soumet, Docteur en Sciences de Gestion

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