Par Eliza Barnea, Ambassadrice Jeune de l’Énergie pour l’EUSEW, qui met l’accent sur la nécessité d’un Pacte Vert et Social dans l’UE afin de garantir une transition écologique juste et équitable, en équilibrant l’action climatique avec la protection sociale des groupes vulnérables.
La transition verte à un carrefour : comment l’équité peut la faire avancer

Un nouveau chapitre pour la transition verte
Alors que la nouvelle Commission européenne entre en fonction, les débats concernant les priorités du bloc pour l'avenir en cette période de permacrise sont en plein essor. De la pandémie de COVID-19 à l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, en passant par la crise énergétique et des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, les événements de ces dernières années ont maintenu l'UE dans un état de réponse constante aux crises. Pourtant, les défis actuels sont de nature structurelle et d'envergure à long terme. Le coût de la vie, le paysage de la sécurité internationale, l'état de la démocratie et le changement climatique figuraient parmi les principales priorités qui ont amené les citoyens aux urnes lors des élections européennes, enregistrant le taux de participation le plus élevé des 30 dernières années.
Peut-être que l’ambition la plus transformatrice en termes d’impact potentiel est celle de l’UE de mener la transition vers la neutralité climatique. Pourtant, cela a été accueilli avec des frustrations croissantes de la part des travailleurs, frustrations qui ont été exploitées par le discours politique extrémiste à travers l’Europe. Comme on l'a vu dans les résultats des récentes élections en Roumanie, la montée des mouvements populistes risque de nous ramener à la case départ en remettant en question la notion même de changement climatique. L'avenir du Pacte vert pour l'Europe (EGD) et du paquet Fit for 55 semble encore incertain, alors que la nécessité d’agir devient de plus en plus urgente à chaque instant qui passe. Selon le Rapport sur l'écart d'émissions publié par le PNUE en octobre, le monde est en passe d’enregistrer une hausse de température pouvant atteindre 3,1°C. C'est plus du double du seuil de 1,5°C auquel les gouvernements du monde entier se sont engagés il y a presque 10 ans avec l'Accord de Paris.
Les effets désastreux du changement climatique ont continué de ravager le continent cette année, entraînant des pertes humaines et matérielles se chiffrant en dizaines de milliards d'euros. En conséquence, les résultats des élections européennes montrent clairement la nécessité de mieux traiter les tensions perçues entre les objectifs environnementaux et l'équité sociale. Une politique climatique ne peut fonctionner que si elle répond également aux besoins sociétaux.
Action climatique et justice sociale, deux faces d’une même pièce
Un exemple frappant de l’interconnexion entre l’action climatique et la justice sociale est la vague de manifestations agricoles de 2024 à travers l’Europe. Un point de contentieux commun concerne les réglementations environnementales strictes de l’UE et l’accord commercial récemment conclu entre l’UE et le bloc commercial sud-américain Mercosur. Selon les agriculteurs français, l’accord inondera le marché de l’UE avec des produits bon marché, élaborés selon des normes environnementales moins strictes. En réponse au mécontentement des agriculteurs, la Commission a retiré la proposition de réglementation sur l'utilisation durable, qui visait à réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 dans le but de bâtir des chaînes de production alimentaire durables et de soutenir la restauration de la biodiversité.
Mais l’agriculture n’est pas le seul secteur stratégique où la pression pour une action climatique plus rapide affecte de manière disproportionnée les plus vulnérables. La transition verte est un processus qui concerne l’ensemble de l’économie, un changement de paradigme qui se répercutera aussi bien sur les communautés locales que sur les dynamiques géopolitiques.
Certaines étapes importantes ont été franchies, des objectifs de suppression progressive du charbon ou des chaudières à combustibles fossiles à l’introduction du Système d’échange de quotas d’émission pour les bâtiments et le transport routier (ETS2) à partir de 2027. Mais bien que ces mesures soient essentielles pour réduire les émissions de GES dans l’UE, leur effet peut être une arme à double tranchant, se faisant sentir à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. L'absence d'atténuation des coûts de transition disproportionnés pour les citoyens européens les plus vulnérables risque d'aggraver encore davantage les inégalités nationales, d’alimenter l’extrémisme et le sentiment eurosceptique. Hors des frontières de l’UE, la course à l’électrification risque de déplacer les activités polluantes, d’aggraver les dommages environnementaux et sociaux dans les pays riches en ressources et d’accroître le risque de conflits et de déplacements dans des régions déjà fragiles.
Le Fonds social pour le climat et le Fonds pour une transition juste, une approche intégrée de l’action climatique
Dans ce contexte, il est indéniable que la législation verte de l’exécutif européen doit s’orienter vers un Pacte Vert et Social, qui entremêle soigneusement des mesures de protection sociale et environnementale tout au long des chaînes de valeur. Le Mécanisme pour une transition juste et le Fonds social pour le climat sont de tels instruments. S’ils sont bien mis en œuvre, ils peuvent atténuer l’impact disproportionné des politiques vertes sur les groupes vulnérables, tout en créant des opportunités pour tous.
Créé en 2023, le Fonds social pour le climat ((UE) 2023/955) collectera les revenus des enchères de quotas du nouvel ETS2 couvrant les émissions de CO2 issues de la combustion de carburant dans les bâtiments, le transport routier et les petites industries. Il devrait mobiliser plus de 86 milliards d’euros sur la période 2026-2032, aidant les pays de l’UE à faire face à l’augmentation de la précarité énergétique et des transports. Accéder à ces fonds dépendra de l’élaboration de plans nationaux pour le climat social, et les paiements seront conditionnés à des objectifs sociaux et climatiques.
Un autre instrument essentiel visant à équilibrer l’équité sociale et l’action climatique est le Fonds pour une transition juste (JTF, (UE) 2021/1056)). Adopté en 2021, le JTF reconnaît que l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 de l’UE posera des défis disproportionnés aux régions dépendantes des industries polluantes en déclin. Doté d’un budget de plus de 17,5 milliards d’euros pour 2021-2027, il vise à relever de manière intégrée les défis sectoriels qui se posent dans la décarbonation des régions mono-industrielles, en particulier les régions charbonnières.
La voie à suivre pour la transition verte
Créer des conditions équitables dans la transition verte doit être une priorité du prochain cadre financier pluriannuel. Alors que le prochain budget de l’UE à long terme sera négocié, l’accent doit rester sur la poursuite du travail ambitieux déjà engagé par le Pacte Vert pour l’Europe.
Les domaines de priorité doivent se concentrer sur la fourniture d’un financement adéquat pour un soutien ciblé avec une approche territoriale, basée sur un dialogue social significatif, une négociation collective et une gestion partagée transparente. Protéger ceux qui sont le plus touchés en intégrant des conditions sociales et environnementales fortes et en abordant les liens entre vulnérabilité sociale et changement climatique doit être un principe directeur. L'accès aux fonds publics doit également s’accompagner de responsabilités publiques envers le bien commun. Cela signifie soutenir les autorités locales avec des outils financiers et non financiers pour développer les connaissances nécessaires afin d’orienter leurs villes et villages vers la neutralité climatique. Rapprocher l’action climatique et ses bénéfices des citoyens reste essentiel pour garantir une acceptation publique à long terme et soutenir le changement comportemental nécessaire pour intégrer la durabilité en tant que valeur sociétale.
De plus, les efforts doivent se poursuivre pour combler les lacunes en matière de systèmes alimentaires durables et de bien-être animal, de transformation industrielle verte et d’achats publics écologiques en ligne avec les objectifs du Pacte Vert européen, notamment en matière d’efficacité, de suffisance et de circularité. Enfin, l’empreinte externe des politiques du Pacte Vert européen et des accords commerciaux sur les droits des travailleurs et la protection de l’environnement doit recevoir une attention accrue si nous voulons prendre la tête de la transition mondiale vers la durabilité et agir comme un catalyseur de sécurité et de prospérité.
Une transition verte juste est une opportunité sans précédent pour créer le changement de paradigme nécessaire afin de relever la triple crise du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution, d’une manière transformative plutôt que réformiste. Comme exposé dans le paquet Fit for 55, la transition verte est « une opportunité de réduire les inégalités systémiques » et d’avancer vers un nouveau modèle économique qui place le bien-être des personnes et de l’environnement au cœur de son action. La mission de faire avancer cette vision politique tournée vers l’avenir doit être soutenue à la fois par les institutions européennes et les gouvernements nationaux.
La promesse du Pacte Vert européen pour une transition équitable vers un modèle économique plus vert et plus équitable est peut-être l’entreprise la plus ambitieuse menée par l’UE depuis sa création. De la même manière que la Déclaration Schuman de 1950 a proposé ce qui allait devenir l’UE, réaliser cet objectif historique exige des « efforts créatifs proportionnés aux dangers qui la menacent ». Il ne devrait pas être nécessaire de choisir entre protéger l’environnement, l’économie ou les citoyens. Transformer l’économie pour qu’elle serve tous les citoyens et notre environnement, voilà ce que doit être la voie à suivre.
Cet article est publié dans le cadre de la Semaine européenne de l'énergie renouvelable dont EconomieMatin et l'Energeek sont partenaires. L'article a été traduit par l'IA avec relecture humaine.