Rendez-vous médicaux : la « taxe lapin » rejetée par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a invalidé la « taxe lapin », une mesure qui devait pénaliser les absences injustifiées chez le médecin.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 5 mars 2025 15h33
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27 millionsles rendez-vous non honorés représentent jusqu’à 27 millions d’absences par an

Le 28 février 2025, le Conseil constitutionnel a censuré 14 articles de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS 2025), dont la fameuse "taxe lapin". Cette mesure controversée visait à imposer une pénalité aux patients ne respectant pas leurs rendez-vous médicaux. Si le gouvernement défendait un moyen de lutter contre le gaspillage de temps médical, le Conseil constitutionnel a jugé la mesure mal encadrée et potentiellement inégalitaire.

Une taxe pour responsabiliser les patients : une fausse bonne idée ?

Le projet de « taxe lapin », porté par le gouvernement, visait à lutter contre les nombreux rendez-vous médicaux non honorés, qui représentent une perte de temps et d’argent pour les professionnels de santé. Selon les chiffres du ministère de la Santé, entre 5 et 10 % des consultations médicales seraient annulées sans préavis, privant d'autres patients d’un créneau disponible. La mesure prévoyait un système de prépaiement pour toute prise de rendez-vous médical et une pénalité automatique en cas d’absence non signalée. Un décret gouvernemental devait fixer le montant et les modalités de la sanction.

Cette mesure avait suscité une levée de boucliers, notamment chez les associations de patients et certains élus. En cause, une atteinte potentielle à l’accès aux soins pour les personnes ne disposant pas de carte bancaire ou ne pouvant anticiper financièrement chaque consultation.

Pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré la « taxe lapin » ?

La décision du Conseil constitutionnel repose sur plusieurs arguments. Tout d’abord, l’article 52 du LFSS 2025 renvoyait à un décret la fixation du montant de la pénalité, ainsi que le délai minimal pour annuler un rendez-vous. Or, selon les Sages, le législateur aurait dû encadrer ces points lui-même plutôt que de laisser carte blanche au gouvernement.

Un autre argument repose sur le risque d’inégalités d’accès aux soins. Les députés de La France Insoumise (LFI), qui avaient saisi le Conseil, ont souligné que les patients les plus précaires risquaient d’être pénalisés, faute de moyens de paiement dématérialisés. Cette absence de prise en compte des inégalités sociales a pesé dans la décision des Sages.

Le Conseil constitutionnel a aussi jugé que la "taxe lapin", bien que visant un objectif d'intérêt général, ne respectait pas les exigences constitutionnelles de sécurité juridique.

Une censure qui divise le milieu médical

En réaction à la censure du Conseil constitutionnel, le corps médical affiche des positions contrastées. De nombreux médecins libéraux regrettent l’abandon d’une sanction financière qui, selon eux, aurait permis de responsabiliser les patients et d’optimiser l’organisation des soins. L'Union Française pour une Médecine Libre (UFML) souligne que les rendez-vous non honorés représentent jusqu’à 27 millions d’absences par an, soit près de deux heures de consultation perdues chaque semaine par médecin.

Le SYNGOF défend un meilleur encadrement de la loi pour permettre son application rapide. Il interpelle le gouvernement sur la nécessité de préciser les délais d’annulation et le montant de la pénalité. Le syndicat rappelle que le Conseil constitutionnel n’a pas contesté l’objectif d’intérêt général, mais a pointé un cadre juridique insuffisant. Selon lui, pénaliser ces comportements permettrait de fluidifier l’accès aux soins.

À l’opposé, plusieurs associations de patients et syndicats saluent la censure d’une taxe jugée injuste. Pour eux, la priorité devrait être donnée à des alternatives comme les rappels automatiques, la double confirmation et l’amélioration des plateformes de prise de rendez-vous.

Quelles solutions pour lutter contre les rendez-vous fantômes ?

Si la "taxe lapin" a été censurée, le problème des rendez-vous médicaux non honorés reste entier. Le gouvernement pourrait explorer d’autres pistes. Parmi les solutions envisageables figurent la mise en place de rappels automatiques par SMS, e-mails ou appels téléphoniques, ainsi que l’instauration de pénalités encadrées par la loi avec un montant fixe et des exceptions pour les cas justifiés.

Une autre alternative pourrait être l’application d’un système de double confirmation des rendez-vous, à l’image de ce qui se pratique dans l’hôtellerie. Enfin, une réflexion est engagée sur la possibilité de sanctions sur le remboursement des soins pour les patients récidivistes.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

1 comment on «Rendez-vous médicaux : la « taxe lapin » rejetée par le Conseil constitutionnel»

  • Laure

    Bonjour , En Suisse un rendez-vous médical non honoré et non annulé au moins 24 heures à l’avance doit être payé par le patient et n’est pas remboursé, cela depuis de nombreuses années.

    Répondre
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