Désindustrialisation : pourquoi Ligier quitte la Vendée

La fermeture de l’usine Ligier à Montaigu (Vendée) met en lumière les failles d’un secteur automobile français en pleine mutation. Entre concurrence féroce des géants comme Stellantis et délocalisations stratégiques, cette décision soulève des questions sur la compétitivité industrielle du pays et les choix politiques qui l’ont menée à cette impasse.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 16 janvier 2025 à 10h15
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4%Le secteur automobile français représente environ 4 % du PIB

Le constructeur Ligier, pionnier des voitures sans permis, a annoncé le 13 janvier 2025 la fermeture de son site vendéen. Cette décision, qui laisse 126 salariés sur le carreau, s’inscrit dans un contexte de crise généralisée pour l’industrie automobile française. Entre transformations structurelles, concurrence internationale et choix stratégiques discutables, ce déclin soulève une question essentielle. La France a-t-elle encore les moyens de soutenir son industrie automobile face aux géants mondialisés ?

La fermeture de Montaigu : un naufrage programmé

La direction de Ligier justifie la fermeture de son usine de Montaigu par des frais généraux jugés trop élevés par rapport à des volumes de production en baisse constante. Mais cette explication ne convainc pas totalement. Si le marché des voitures sans permis connaît effectivement un tassement, il reste dynamique, notamment grâce à une clientèle urbaine et jeune.

Alors, pourquoi ce désengagement ? La réponse se trouve dans l’incapacité de Ligier à rivaliser avec les acteurs dominants comme Stellantis, qui a pénétré ce marché avec une agressivité déconcertante.

Relocalisation ou rationalisation des coûts ?

La production de Ligier sera transférée à Abrest dans l’Allier, un site qui, selon la direction, pourra absorber les volumes tout en améliorant la rentabilité.

Cette stratégie révèle une rationalisation forcée, dictée par un manque de compétitivité globale. La consolidation des activités dans une seule usine reflète aussi un recentrage sur des segments plus lucratifs, comme le haut de gamme, un pari risqué dans un contexte où l’innovation technologique devient l’unique levier de différenciation.

Stellantis : un rouleau compresseur industriel

La montée en puissance de Stellantis sur le marché des voitures sans permis, notamment grâce à la Citroën Ami, a bouleversé l’écosystème des petits constructeurs. En combinant production à grande échelle, fabrication hors Europe et technologies modernes, Stellantis bénéficie d’une économie d’échelle inégalée.

Cette stratégie lui permet de proposer des modèles attractifs à des prix défiant toute concurrence. Ligier, avec ses volumes modestes et ses coûts de production plus élevés, ne pouvait espérer rivaliser.

L’utilisation de sites de production hors d’Europe par Stellantis, où les coûts de main-d'œuvre sont bien inférieurs, soulève la question d’une concurrence déloyale. Ces choix, bien que légalement acceptables, mettent en lumière les lacunes des politiques européennes en matière de protection industrielle. Pendant que l’Union européenne tarde à imposer des mécanismes de régulation efficaces, des milliers d’emplois disparaissent dans des régions comme la Vendée, sacrifiées sur l’autel de la compétitivité mondiale.

Une crise industrielle qui s’accélère

La fermeture de l’usine Ligier s’inscrit dans un mouvement plus large de désindustrialisation. En 2024, le secteur automobile en France a enregistré douze fermetures de sites pour une seule ouverture. Ces chiffres alarmants traduisent une incapacité à s’adapter aux bouleversements du marché, notamment la transition vers l’électrique. Les ventes de véhicules neufs ont chuté de 24 % en France au printemps 2024, aggravant une crise déjà profonde.

Malgré des profits record pour certains groupes européens en 2023, les choix politiques n’ont pas permis de protéger les acteurs locaux. Les droits de douane européens, limités à 48 % pour certains véhicules importés de Chine, restent bien en deçà des mesures protectionnistes américaines. Cette faiblesse a permis à des constructeurs chinois d’envahir le marché européen avec des modèles massivement subventionnés par Pékin, renforçant la pression sur les industriels français.

Vers une désindustrialisation irréversible ?

Pour Ligier, l’avenir passe par un recentrage sur les segments haut de gamme et les marchés internationaux. Mais ce repositionnement, coûteux en investissements technologiques, ne garantit pas un succès face à des géants comme Stellantis, déjà bien implantés sur ces segments. Sans soutien public clair, les acteurs de niche risquent de disparaître.

La fermeture de l’usine Ligier à Montaigu symbolise les faiblesses structurelles de l’industrie automobile française, prise en étau entre une concurrence internationale féroce et des politiques publiques inefficaces. Si aucune mesure forte n’est prise pour soutenir les acteurs nationaux, la France risque de perdre non seulement des milliers d’emplois, mais aussi sa souveraineté industrielle dans un secteur clé de son économie.

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Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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