Les Européens sont amenés à se prononcer sur le thème et le graphisme des futurs billets en euros. Au-delà de considérations esthétiques et inclusives, c’est aussi la sécurité et la lutte anti-contrefaçon qui dictent le choix de la BCE de mettre en circulation de nouveaux billets de banque.
La BCE se prépare à renouveler les billets en euros
Les billets en euros vont bientôt changer de visage. Plus de vingt ans après la mise en circulation des premières coupures (le 1er janvier 2002), la Banque centrale européenne (BCE) travaille à l’élaboration d’une nouvelle série de billets. La décision de modifier leur graphisme a été prise en décembre 2021. Objectifs affichés : faire en sorte que les billets restent disponibles et accessibles, demeurent un moyen de paiement sécurisé et efficace, qu’ils soient aussi durables et respectueux de l’environnement que possible, mais également « inclusifs pour tous les Européens », notamment les personnes souffrant de déficiences visuelles.
Les citoyens européens mis à contribution
Durant l’été 2023, la BCE a invité les habitants de la zone euro à s’exprimer sur le design des futurs billets. Au total, près de 400.000 personnes ont exprimé leurs préférences sur sept thèmes présélectionnés : « Les oiseaux : libres, résilients et inspirants », « La culture européenne », « Le reflet des valeurs européennes dans la nature », « Le futur vous appartient », « Mains : construire l’Europe ensemble », « Notre Europe, nous-mêmes », « Fleuves : les rivières de la vie en Europe ». L’un de ces thèmes est destiné à remplacer progressivement celui utilisé pour les billets actuels, « Epoques et styles architecturaux », qui caractérise différentes périodes de l’histoire européenne.
Selon les résultats de cette enquête, trois thèmes se sont largement détachés. Le thème « Culture européenne », plébiscité par 21 % des habitants de la zone euro, est arrivé en tête, suivi des thèmes « Fleuves » et « Oiseaux », qui ont recueilli respectivement 18 % et 17 % des voix. La BCE a choisi de fusionner ces deux derniers thèmes pour n’en former qu’un seul, « Fleuves et oiseaux », qui s’ajoute donc à « Culture européenne » pour constituer les deux thèmes finalement retenus. C’est sur cette base que le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé, le 29 novembre 2023, de lancer la prochaine étape du processus de conception des nouveaux billets en euros.
Sur la base des deux thèmes retenus, un concours de graphisme va être organisé prochainement, et en 2025, les Européens seront à nouveau sollicités pour choisir leurs graphismes préférés. La BCE tranchera ensuite sur le futur graphisme en 2026, puis fixera le calendrier de production et d’émission des futurs billets, avant de les mettre en circulation quelques années plus tard.
Lutter contre la contrefaçon
Mais le développement d’une nouvelle génération de billets ne répond pas seulement à des motivations « esthétiques » ou « inclusives ». En mettant de nouveaux billets en circulation, généralement tous les dix à quinze ans, les banques centrales cherchent aussi à améliorer la sécurité et la résistance à la contrefaçon. L’élaboration de nouvelles séries de billets, utilisant des technologies de pointe en matière d’impression, est en effet nécessaire pour garder une longueur d’avance sur les faussaires, dont les techniques se perfectionnent régulièrement et qui utilisent de plus en plus des matériels et des logiciels d’imagerie numérique.
Déjà, dans la seconde série de billets en euros émis entre 2013 en 2019, de nouveaux signes de sécurité avaient fait leur apparition : lettres minuscules lisibles uniquement à la loupe, nombre émeraude détectable sous infrarouge, fibres incorporées dans le papier visibles seulement à la lumière ultraviolette… Des signes de sécurité mis au point par la BCE en concertation avec les acteurs européens de l’imprimerie fiduciaire.
C’est à ce prix que le nombre de faux billets en euros reste faible : 467.000 billets contrefaits ont été retirés de la circulation en 2023, soit 16 billets contrefaits détectés par million de coupures authentiques en circulation (0,0016 %), ce qui représente l’une des proportions les plus faibles enregistrées depuis l’introduction des billets en euros.
Des imprimeries de pointe qui innovent en permanence
Seules onze imprimeries européennes hautement sécurisées sont accréditées pour produire les billets en euros, qui sont ensuite distribués aux différentes Banques centrales nationales. Tous les billets sont produits selon la même norme, et tout au long du processus de production, des centaines de tests sont menés pour vérifier que les coupures sont identiques quel que soit le lieu d’impression.
La Banque de France, référence en matière de maîtrise technique, de qualité et de traçabilité, est le premier imprimeur de billets de l’Eurosystème. L’institution dispose de sa propre imprimerie à Chamalières (63), ainsi que d’un pôle recherche et développement. Celui-ci exploite les dernières avancées de l’optique, de la chimie, de la physique et de l’électromagnétisme, et développe notamment des signes de sécurité de dernière génération incluant des capteurs. L’imprimerie de la Banque de France est équipée de deux lignes complètes d’impression avec les machines les plus modernes actuellement disponibles sur le marché. Elle dispose également d’ateliers de finition entièrement automatisés, capables de garantir la traçabilité totale des billets.
Parmi les innovations récentes, figure par exemple un système (Sealgn@ture) qui permet, grâce à un code sécurisé fondu dans la trame du billet et sensible à la copie, d’authentifier immédiatement les billets via une connexion à un service informatique dédié… L’imprimerie de la Banque de France développe également la technologie EverFit, qui permet de multiplie par 4 la résistance des billets aux salissures. Un moyen donc d’augmenter la durée de vie de ces billets et de répondre mieux ainsi aux aspirations écologiques.
En plus des imprimeries nationales, une petite poignée d’acteurs privés soumis à une sélection drastique ont également la responsabilité d’imprimer les billets de la zone euro. De rares entreprises capables d’assurer une production d’une qualité parfaite et quasiment impossible à reproduire pour les faussaires. C’est le cas en particulier du Français Oberthur Fiduciaire et de l’Allemand Giesecke + Devrient.
Faire du billet de banque une « forteresse technologique »
Acteur mondialement reconnu de l’impression de haute sécurité et imprimeur historique des billets en euros, l’entreprise française Oberthur Fiduciaire a placé la sécurité au cœur de sa stratégie et a fait de l’innovation dans ce domaine un facteur de différenciation. Les multiples brevets déposés par la société témoignent de ses investissements conséquents en recherche et développement. Grâce à des process et des technologies de pointe, et à un système de traçabilité qui fait référence dans l’industrie, l’entreprise bretonne garde la confiance de la BCE.
Oberthur Fiduciaire développe par exemple une encre qui change de couleur de façon réversible sous l’action d’un léger frottement lorsqu’elle est révélée sous lumière UV (Avalon), ou encore une nouvelle génération de fils 3D (Relief). Conjointement avec Rolling Optics, société suédoise qu’elle a acquise en 2023, l’entreprise française a également lancé la technologie Anima, un fil de sécurité révolutionnaire fondé sur un système micro-optique lenticulaire. Autant d’innovations de haut niveau qui viennent renforcer plus encore une sécurité poussée à l’extrême, jusqu’à rendre quasiment impossible le travail des faussaires.
L’imprimeur français est même allé plus loin en développant et en perfectionnant, depuis 2009, une solution de protection des billets de banque contre les virus, les bactéries et les champignons microscopiques. Baptisée Bioguard, cette solution a déjà été utilisée pour protéger plus de dix milliards de billets dans le monde. Elle s’est même montrée efficace contre les coronavirus, participant ainsi à la sécurisation des échanges durant la pandémie. En protégeant les billets contre les champignons microscopiques, cette technologie contribue également à augmenter leur durée de vie, ce qui va dans le sens, souhaité par la BCE, de billets toujours plus éco-responsables.
Le groupe allemand Giesecke+Devrient (G+D), spécialisé dans les technologies de sécurité, est également un imprimeur historique des billets en euros. Parmi ses innovations, l’entreprise propose des fonctions de sécurité reconnues par des machines uniquement présentes dans les banques, et notamment la technologie FIRST, un laser qui génère un code sur le billet de banque, qui ne peut être lu que par un dispositif avec lumière infrarouge…
L’imprimeur allemand est également à l’origine de la « Green Banknote Initiative by G+D », qui vise à développer un billet de banque avec la plus faible empreinte carbone possible. Une initiative qui a été distinguée en 2023 par le « prix du meilleur nouveau programme de durabilité environnementale » de l’International Association of Currency Affairs (IACA).
Grâce à toutes ces technologies anti-contrefaçon ultrasophistiquées, le billet de banque est devenu une véritable « forteresse technologique », quasiment infalsifiable. Tout en étant plus proches des Européens et plus inclusifs, les futurs billets en euros seront donc également plus sûrs et plus durables. Une évolution positive dont on ne peut que se féliciter.