Macroéconomie : L’effet papillon

L’année 2024 a été cruciale pour la démocratie, avec des élections clés entraînant des conséquences importantes et durables. En 2025, l’incertitude électorale cédera la place à l’incertitude quant aux politiques économiques qui seront mises en place sous Donald Trump, créant potentiellement des répercussions à travers le monde. La demande intérieure sera la principale source de croissance en Europe et en Chine, alors que la réorganisation de la mondialisation continue et met en lumière le risque de dépendance au commerce extérieur. Bien que les tarifs douaniers posent un risque pour les attentes en matière d’inflation, les banques centrales devraient continuer à réduire les taux d’intérêt en 2025.

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Par Bénédicte Kukla Publié le 11 janvier 2025 à 8h30
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Macroéconomie : L’effet papillon - © Economie Matin
29,9%l’Allemagne a le sixième taux d’imposition sur les sociétés le plus élevé de l’OCDE, à 29,9 %

UN VIRAGE UNANIME

Lors des élections présidentielles de 2024, ce n’était finalement pas un basculement d’un État ou d’un secteur pour Donald Trump, mais un bas- culement national vers la droite, donnant à Donald Trump un mandat clair pour l’économie américaine et l’« américanisation ». L’impact sur la croissance dépendra de la mesure dans laquelle Donald Trump tiendra ses promesses électorales intenses. Les États-Unis sont sur la voie d’un scénario « d’atterrissage en douceur », où la croissance devrait se normaliser autour de 2 % d’ici 2025, légère- ment au-dessus de la croissance potentielle à long terme (estimée à 1,8 %). La consommation se modère en parallèle à l’évolution des salaires dans un marché du travail moins tendu, avec un retour au taux de chômage de 4 % observé en 2019.

L’extension probable des précédentes réductions d’impôts de Donald Trump (TCJA, loi sur les réductions d’impôts et l’emploi) fin 2025 est prise en compte dans notre scénario et devrait aider à maintenir le rythme de la croissance. La mise en œuvre d’un tarif douanier de 60 % sur les produits chinois semble également probable, justifiée par les subventions de production jugées déloyales. Ces deux mesures largement acceptées pourraient atténuer la baisse actuelle de l’inflation des biens. Une remontée temporaire de l’inflation inciterait la Réserve fédérale (Fed) à faire preuve de prudence. Cela ne devrait cependant pas empêcher la Fed de maintenir une politique moins restrictive, même si le taux d’intérêt naturel est sans doute plus élevé.

La Fed a clairement indiqué dans un document du FOMC (Comité fédéral des marchés ouverts) de 2018, à la suite des premières restrictions commerciales de Donald Trump, qu’elle pourrait choisir de « faire abstraction » de ce genre de choc. Autrement dit, la réponse monétaire consisterait à ignorer une hausse temporaire de l’inflation et à abaisser le taux directeur. Cette approche serait appropriée en réponse aux augmentations tari- faires, à condition que les anticipations d’inflation restent fermement ancrées et n’affectent pas les salaires. Ces derniers seront donc à surveiller. Enfin, certaines propositions de Trump n’ont pas été prises en compte dans notre scénario en rai- son de l’incertitude entourant leur mise en œuvre, notamment la baisse du taux d’imposition des sociétés à 15 %, ce qui représente un risque à la hausse pour notre scénario. Inversement, l’instauration d’un tarif universel proposé de 10 % et les mesures visant à réduire drastiquement l’immigration auraient des effets stagflationnistes.

UN FREIN À L’ENDETTEMENT OU UNE RUPTURE FISCALE ?

La croissance du PIB devrait s’améliorer à mesure que le pouvoir d’achat augmente et que les investissements bénéficient de la baisse des taux d’intérêt. Toutefois, la divergence de croissance dans la zone euro persistera en 2025. L’Allemagne reste la principale incertitude dans notre scénario 2025. Le pays dispose d’un niveau d’épargne des ménages important (à 20% des revenus au deuxième trimestre), qui pourraient se débloquer avec la baisse des taux, mais les incertitudes politiques continuent d’affaiblir la confiance des entreprises. La rupture soudaine de la coalition au pouvoir en Allemagne relancera le débat sur le frein à l’endettement inscrit dans la constitution et sur la nécessité de stimuler les investissements.

La formation d’un nouveau gouvernement prendra du temps, mais cette nouvelle source d’investissements pourrait offrir une lueur d’espoir pour une Europe en difficulté. Malheureusement, les bonnes nouvelles s’arrêtent là : l’Allemagne continue de se retrouver sur la défensive dans la com- pétition fiscale avec les États-Unis (l’Allemagne a le sixième taux d’imposition sur les sociétés le plus élevé de l’OCDE, à 29,9 %) et la concurrence par les prix avec la Chine. En France, où le ratio dette publique/PIB atteindra 115 % en 2025, les efforts pour maîtriser les dépenses sont conséquents, avec un ajustement structurel (hors impact du cycle économique et des paiements d’intérêts) de plus de 1 % du PIB prévu dans le projet de budget. Au cours des 20 dernières années, il n’y a eu qu’un seul cas de resserrement budgétaire de plus d’un point de pourcentage du PIB enregistré en France (et c’était pendant la crise de la dette souveraine européenne). Pour l’Espagne et l’Italie, le resserrement budgétaire intérieur sera au moins partiellement compensé par les dépenses du plan de relance pour l'Europe, qui devraient augmenter l’année prochaine avant la date limite de 2026 (seuls 40 % des 650 milliards d’euros alloués aux pays ont été déboursés).

Avec les deux principaux moteurs économiques tournant au ralenti en 2025, la zone euro devrait croître de moins de 1 % en 2025 . La Banque centrale européenne (BCE) devra réduire les taux de manière plus agressive si la croissance du PIB européen faiblit significativement. Néanmoins, cela s’annonce compliqué car des craintes d’inflation pourraient resurgir dans un contexte de dépréciation significative de l’euro et de représailles tarifaires.

MARCHÉS ÉMERGENTS

Pour les marchés émergents, les résultats des élections ont été mitigés en termes de stabilité. L’Inde a vu la chute de ses gouvernements majoritaires ; ce qui pourrait rendre plus difficile l’avancement de ses ambitieux programmes de réforme. Au Mexique, la continuité du leadership avec la présidente Claudia Sheinbaum pourrait permettre une certaine cohérence politique. Cependant, son administration fait face à des défis, notamment la gestion d’un déficit élevé et la renégociation imminente de l’accord commercial Canada– États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2026, ce qui limitera sa flexibilité politique, notamment avec la Chine. L’Asie émergente continuera d’être le principal moteur de la croissance du PIB en 2025, même si la Chine devrait connaître une croissance modérée et que la croissance indienne reviendra à des niveaux pré-pandémie. La Chine devrait consacrer davantage de ses ressources au développement de la demande intérieure et régionale. La transformation de la mondialisation se poursuit et ses fractures s’intensifient. Les marchés émergents sont vulnérables aux tarifs douaniers sur la Chine. Cependant, des pays comme le Vietnam, l’Inde et la Corée du Sud pourraient bénéficier des tarifs douaniers potentiels sur la Chine, comme cela est déjà le cas actuellement. Ainsi, en termes de croissance on s’attend à ce que l’Asie pèse plus lourd que l’Amérique latine, même si la vigueur de la croissance du PIB au Brésil se distingue par rapport au Mexique.

LES RISQUES EXPONENTIELS DE GUERRE COMMERCIALE

Avec le retour de Donald Trump au pouvoir, l’incertitude concernant les politiques économiques à venir s’est accrue. Le principal risque souligné par le Fonds Monétaire International (FMI) est qu’une augmentation universelle des tarifs douaniers entraîne plus d’inflation, avec seulement de petits effets sur la balance commerciale. Des tarifs douaniers plus élevés aux États-Unis entraîneront une réduction de la demande américaine de biens produits dans la zone euro ou en Chine, réduisant ainsi l’inflation dans ces régions. Toutefois, ils entraînèrent également une appréciation du dollar américain, rendant les importations plus coûteuses pour les consommateurs mondiaux.

De plus, des tarifs de rétorsion devraient entrer en vigueur d’ici 2026; ce qui augmentera encore les prix à la consommation. Sous Donald Trump, une inflation plus élevée, des taux d’intérêt plus élevés et un dollar plus fort, pourraient également avoir un impact négatif sur les devises des marchés émergents. Si ces tendances se prolongent ou deviennent excessives, les banques centrales des marchés émergents pourraient être contraintes de stabiliser leurs devises par moins de baisses de taux d’intérêt.

Enfin, le conflit en Ukraine et au Moyen-Orient devrait se prolonger l’année prochaine. Cependant, l’impact sur les prix mondiaux du pétrole (souvent bouc émissaire de la géopolitique) pourrait être atténué par les changements structurels de la demande énergétique, notamment l’adoption des véhicules électriques qui réduit la consommation de pétrole et le nouveau dynamisme de production des États-Unis, désormais premier producteur mondial de pétrole.

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Bkukla

Senior Investment Officier chez Indosuez Wealth Management

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