Les retraités bénéficient depuis des décennies d’un abattement fiscal de 10 % sur leurs pensions. Cette niche fiscale, deuxième plus coûteuse pour l’État, est désormais dans le viseur du Medef. Patrick Martin, président de l’organisation patronale, soutient sa suppression, une mesure qui promet de bouleverser le paysage fiscal des retraités en France.
Déficit : Le Medef veut réduire les retraites de tous les Français !
Le 9 janvier 2025, Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef), a relancé un débat majeur sur la fiscalité des retraités. Il a plaidé pour la suppression de l’abattement fiscal de 10 %, une mesure mise en place en 1978 pour compenser la perte de revenus des seniors. Ce dispositif, qui coûte à l’État près de 4,5 milliards d’euros par an, est qualifié de "contre-nature" par Patrick Martin. Mais que signifie cette réforme pour les retraités ?
Un abattement fiscal pour les retraités dans le viseur du Medef
Depuis près de cinquante ans, les retraités bénéficient d’un abattement fiscal automatique de 10 %, destiné à réduire leur revenu imposable. Conçu pour des raisons d’équité avec les actifs, qui bénéficient également de cet abattement forfaitaire sauf à faire le choix de la déduction des frais réels, cet avantage fiscal est toutefois plafonné à 4 321 euros par an en 2024.
L’abattement de 10 % constitue la deuxième niche fiscale la plus coûteuse pour l’État, juste après le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile. Selon le ministère de l’Économie, il représente un coût annuel de 4,54 milliards d’euros. Contrairement aux actifs, cet abattement n’a jamais été présenté comme une « dépense fiscale » mais plutôt comme une mesure de simplification administrative.
Coût des principales niches fiscales en 2024 :
Rang | Nom de la niche fiscale | Coût annuel (en milliards d’euros) |
---|---|---|
1 | Crédit d’impôt emploi à domicile | 6,17 |
2 | Abattement de 10 % sur les pensions | 4,54 |
3 | Exonération sur l’épargne salariale | 2,58 |
4 | Exonération des allocations familiales | 1,85 |
5 | Exonération des heures supplémentaires | 1,78 |
Le Medef veut faire des économies sur le dos des retraités
La proposition initiale de supprimer cet abattement a été formulée par Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), lors d’un entretien aux Échos début janvier 2025. Selon lui, cette mesure rapporterait environ 4 milliards d’euros par an tout en épargnant les retraités les plus modestes, qui ne paient pas d’impôts sur le revenu.
Patrick Martin a vivement soutenu cette idée, la qualifiant de « mesure de bon sens ». Lors d’une interview sur BFM TV, il a déclaré : « Qu'un retraité bénéficie d'une niche fiscale pour frais professionnels, c'est contre-nature, c'est aberrant. » Pour le Medef, cette suppression permettrait de rationaliser une fiscalité jugée incohérente et de réaffecter les fonds à des dépenses prioritaires. Une manière pour Patrick Martin et le Medef de ne pas risquer que les coupes budgétaires frappent les entreprises à qui l’État verse plus de 90 milliards d’euros chaque année (92,4 milliards en 2024) en aides diverses. « J'ai le plus grand respect pour les retraités, (...) mais on ne peut pas continuer à faire supporter l'effort sur des agents économiques, les entreprises au premier chef, qui sont déjà les plus taxés au monde », a déclaré le patron du Medef sur BFMTV.
Qui sont les gagnants et les perdants de cette réforme des retraites ?
La suppression de cet abattement impacterait essentiellement les retraités imposables, laissant indemnes les 20 % de retraités les plus modestes. Selon une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la réforme aurait un impact minime sur les petites pensions mais se traduirait par une hausse d’impôts significative pour les 20 % les plus aisés. Ces derniers pourraient voir leur facture fiscale augmenter de plus de 700 euros par an.
Comparaison des effets fiscaux pour les retraités :
Catégorie de retraités | Impact de la suppression (annuel) |
---|---|
20 % les plus modestes | Aucun |
20 % les plus aisés | +700 euros et plus |
Les défenseurs de l’abattement, en revanche, soulignent qu’il compense la faiblesse des pensions de nombreux retraités. Ils estiment également qu’une suppression risquerait de faire basculer davantage de foyers dans l’impôt, rendant la réforme politiquement risquée.
Suppression de l'abattement pour les retraites : une économie pour l’État, un risque pour les seniors ?
En théorie, cette réforme pourrait améliorer significativement les finances publiques. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) estime en effet que des niches fiscales comme l’abattement de 10 % sont injustifiées et contribuent à creuser le déficit public. Toutefois, en pratique, elle pourrait alimenter un mécontentement croissant chez les retraités, une catégorie déjà fragilisée par les réformes récentes.
La proposition du Medef de supprimer l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités soulève de nombreuses questions. Si elle promet des économies substantielles pour l’État, elle pourrait également accroître les inégalités entre les retraités les plus modestes et les plus aisés.