Loto, jeux à gratter… Les gains des jeux d’argent bientôt taxés ?

Le 24 décembre 2024, un rapport explosif du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), rattaché à la Cour des comptes, a jeté un pavé dans la mare. Dans un document détaillé, ce conseil préconise une refonte majeure de la fiscalité des jeux d’argent et de hasard en France, incluant une mesure inédite : la taxation des gains des joueurs.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 30 décembre 2024 à 10h15
Le gouvernement envisage de légaliser les jeux de casino en ligne. Unsplash
Le gouvernement envisage de légaliser les jeux de casino en ligne. Unsplash - © Economie Matin
6%Quelque 6% des joueurs, soit 370.000 personnes, souffrent d'un risque modéré ou excessif d'addiction.

L’idée d’imposer les gains n’est pas nouvelle, mais elle a toujours été écartée pour diverses raisons, notamment la complexité de sa mise en œuvre et la crainte d’un rejet massif de la population. Pourtant, le CPO avance des arguments chocs. Les jeux d’argent, rappelle le rapport, génèrent déjà une fiscalité spécifique qui rapporte près de sept milliards d’euros annuellement, soit 45 % du produit brut des jeux. Mais ce système, bien qu’efficace, est jugé incomplet et incohérent.

Jeux d’argent : Quels gains veut taxer le CPO ?

Aujourd’hui, seuls les gains des joueurs professionnels sont soumis à l’impôt sur le revenu. Pour tous les autres, notamment les amateurs de loteries comme le Loto ou l’Euromillions, les gains sont totalement exonérés, indépendamment de leur montant.

Le rapport propose de remédier à cette inégalité en introduisant une imposition sur les gains nets dépassant 500 euros. Ce seuil, pensé pour protéger les petits joueurs occasionnels, viserait les plus gros gagnants, parfois bénéficiaires de sommes astronomiques. La mesure pourrait rapporter un milliard d’euros supplémentaires chaque année, un montant que le CPO recommande d’affecter directement à la Sécurité sociale, soulignant l’urgence de combler le déficit chronique de cette dernière. Un aiguillage de ces nouvelles ressources qui représenterait un geste fort en faveur de la santé publique, est jugée légitime au regard des risques associés aux jeux d’argent : addiction, endettement et impacts sociaux dévastateurs.

Quelles taxes sur les jeux d’argent ?

Parmi les mesures détaillées par le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, plusieurs innovations fiscales méritent une attention particulière. En premier lieu, la taxation des gains nets au-delà de 500 euros serait calculée après déduction des mises engagées, afin de ne pas pénaliser les joueurs réguliers à faibles revenus. Une imposition progressive pourrait également être envisagée pour éviter un effet de seuil dissuasif. En parallèle, le rapport propose une augmentation des taxes sur les dépenses publicitaires et les bonus promotionnels, visant à limiter les incitations jugées excessives, notamment envers les jeunes et les joueurs à risque. Enfin, une fusion des multiples prélèvements actuels en une seule taxe unifiée sur le produit brut des jeux (PBJ) simplifierait la fiscalité, tout en introduisant des taux différenciés selon les types de jeux, en fonction de leur impact social et économique. Ces propositions s’accompagnent d’un appel à renforcer la transparence des opérateurs pour garantir une collecte fiscale équitable et éviter tout contournement.

Taxation des jeux d’argent : des réactions mitigées

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Les opérateurs, en premier lieu, dénoncent une initiative qui pourrait dissuader les joueurs et réduire leurs propres recettes. La Française des Jeux, acteur historique et emblématique, a vu son titre chuter en Bourse à l’annonce de cette potentielle réforme. Les associations de protection des joueurs problématiques, en revanche, saluent une mesure qui pourrait freiner la promotion excessive des jeux et leurs effets néfastes. Le rapport cible notamment les pratiques marketing agressives des opérateurs, qui investissent massivement dans des publicités attirant les jeunes et les populations fragiles. Une taxe sur ces dépenses publicitaires, déjà envisagée à hauteur de 15 %, pourrait être étendue à d’autres formes de marketing, augmentant encore les recettes fiscales.

Les gains des jeux d’argent sont déjà taxés ailleurs en Europe

Comparée à d’autres pays européens, la France est en retard sur cette question. En Espagne, en Suède ou encore en Suisse, les gains issus des jeux d’argent sont déjà taxés, bien que les taux et modalités varient selon les législations nationales. Ces exemples montrent que la mise en œuvre technique est possible, mais qu’elle doit être accompagnée de pédagogie pour éviter une fronde des joueurs. En France, le Conseil d’État a toujours considéré les gains des jeux comme des revenus issus du hasard, échappant ainsi à une définition fiscale stricte. Le CPO remet cette analyse en question, plaidant pour une harmonisation avec d’autres sources de revenus spéculatifs comme les gains boursiers, qui sont, eux, lourdement imposés.

Les interrogations demeurent toutefois nombreuses. Comment s’assurer que cette réforme ne poussera pas les joueurs vers des opérateurs étrangers ou illégaux, hors du champ fiscal français ? Quels seront les effets sur les pratiques des joueurs, déjà surveillés pour des comportements problématiques ? Enfin, l’introduction de cette nouvelle taxe ne risque-t-elle pas de décourager les gros jackpots, souvent perçus comme des moments d’espoir collectif, particulièrement en période de crise économique et sociale ?

En toile de fond, c’est une refonte complète du système fiscal des jeux d’argent qui est envisagée. Le rapport propose de fusionner les 33 prélèvements actuels, jugés illisibles, en une taxe unifiée et simplifiée. Les taux, jusqu’alors variables, seraient recalibrés pour mieux refléter les effets sociaux de chaque type de jeu. Les paris sportifs, par exemple, souvent prisés par les jeunes et considérés comme plus addictifs, pourraient être davantage taxés que les loteries traditionnelles.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

Aucun commentaire à «Loto, jeux à gratter… Les gains des jeux d’argent bientôt taxés ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis