À chaque kilowattheure consommé en France, un tarif spécifique s’ajoute : le TURPE, ou Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité. Ce système finance les gestionnaires des infrastructures électriques, notamment RTE pour la haute tension et Enedis pour la moyenne et basse tension. En théorie, ce tarif garantit l’entretien, la modernisation et l’extension des réseaux pour accompagner les mutations énergétiques, comme l’essor des énergies renouvelables ou l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques.
Électricité : la Cour des Comptes s’inquiète d’une flambée des factures des Français
Mais ce 18 décembre 2024, un rapport cinglant de la Cour des comptes relance le débat sur la hausse inexorable des factures d’électricité. Elle critique le système TURPE et prévient : les prix de l’électricité vont flamber dans les années à venir si rien ne change.
TURPE : Un « péage » sur l’électricité qui pèse lourd sur les foyers
Mais derrière cette justification technique, les conséquences sont alarmantes. La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme : entre 2023 et 2030, le coût du TURPE pourrait augmenter de 10 euros par mégawattheure, soit une hausse de 21 %. Pour les consommateurs, cette montée en flèche se traduit par des factures alourdies. Les ménages se retrouvent à supporter la charge d’investissements massifs, parfois mal anticipés, pour maintenir et développer un réseau jugé essentiel.
Les gestionnaires des réseaux, RTE et Enedis, font en effet face à des défis colossaux. RTE prévoit des investissements de 100 milliards d’euros d’ici 2040, tandis qu’Enedis table sur 96 milliards. Ces montants visent à répondre à plusieurs enjeux majeurs : moderniser des infrastructures parfois vétustes, raccorder les nouvelles installations solaires et éoliennes, et accompagner l’électrification des usages, notamment avec les bornes de recharge pour voitures électriques.
Pourtant, la Cour des comptes, dans son rapport du 18 décembre 2024, dévoile un paradoxe inquiétant. Ces dépenses, supposées accompagner une hausse de la consommation d’électricité, reposent sur des prévisions qui ne se concrétisent pas. La consommation nationale stagne, voire diminue, grâce aux efforts de sobriété énergétique et à une baisse de l’activité industrielle. En conséquence, une partie des investissements prévus pourrait être inutile, entraînant un surdimensionnement des réseaux. Une erreur stratégique que les consommateurs paieront au prix fort.
Prix de l’électricité : RTE et Enedis touchent trop de dividendes
Les critiques vont plus loin. La Cour pointe du doigt une rémunération excessive des gestionnaires de réseau. Entre 2017 et 2023, RTE et Enedis auraient bénéficié de gains financiers de 500 millions d’euros chacun, une somme jugée disproportionnée compte tenu des risques limités qu’ils encourent. En effet, ces réseaux sont des monopoles naturels, indispensables au transport et à la distribution de l’électricité.
Pourquoi alors appliquer des primes de risque élevées à des acteurs qui ne sont pas exposés à une véritable concurrence ? La Cour appelle à une refonte de leur mode de rémunération, ainsi qu’à une meilleure régulation des dividendes qu’ils versent à leurs actionnaires.
Une répartition injuste des charges sur l’électricité
Outre la question de la gestion des réseaux, le rapport soulève un problème fondamental : la répartition des coûts sur la facture des consommateurs. Aujourd’hui, près de 70 % de la facture d’électricité correspond à des taxes et au TURPE, tandis que la part liée à la consommation réelle d’électricité s’amenuise. Cette structure tarifaire soulève une double interrogation.
D’un côté, elle réduit l’incitation des consommateurs à adopter des comportements vertueux. Si économiser l’électricité n’a qu’un impact marginal sur le montant total de la facture, pourquoi continuer à faire des efforts ? De l’autre, elle accentue les inégalités. Les foyers modestes, souvent contraints de limiter leur consommation, se retrouvent malgré tout à payer une facture alourdie par des coûts fixes qu’ils ne peuvent réduire.
Une réforme du marché de l’électricité est nécessaire
La Cour propose des pistes pour réformer le marché de l’électricité. Parmi elles, une meilleure régulation des dividendes versés par RTE et Enedis, afin de limiter les bénéfices excessifs. Elle recommande également de revoir la structure du TURPE pour mieux prendre en compte les besoins réels et les capacités de paiement des consommateurs. Mais ces mesures suffiront-elles à rétablir la confiance ?
Plus largement, le débat autour des factures d’électricité reflète une problématique plus vaste : celle de la gouvernance énergétique en France. Entre régulation, justice sociale et impératifs environnementaux, l’équilibre est difficile à trouver. Pourtant, il est essentiel. Car c’est la crédibilité même de la transition énergétique qui est en jeu.