François Bayrou, 73 ans, nommé Premier ministre le 13 décembre 2024, a dit, sur le perron de l’hôtel Matignon, qu’il se trouvait face à un « Himalaya » de difficultés. La question est donc de savoir si ce vieux routier de la politique (qui en a fait sa profession depuis 45 ans) est bien taillé pour une telle épreuve.
Mission impossible pour François Bayrou
Au plan politique, sa carrière déjà longue, le situe parfaitement au centre du jeu politique : tantôt au centre droit, avec Valéry Giscard d'Estaing, puis Alain Juppé, et ensuite au centre gauche, avec Jacques Delors et même François Hollande (en 2012).
Au sein de l'actuelle Assemblée nationale, son groupe, avec 36 députés, pèse moins lourd que les écologistes (38) ou les Républicains (47).
Au delà du "bloc central" (210 députés), encore réputé "macroniste", l'apport des Républicains, très incertain à l'heure actuelle, ne lui donne toujours pas de majorité.
François Bayrou, pour éviter durablement la censure, dès la présentation de son budget ou après, doit donc obtenir un engagement de non-censure soit des socialistes (66), soit du RN (140, groupe d'Eric Ciotti compris).
Que cela soit dit ou non, le principal argument dont dispose le nouveau Premier ministre est celui de l'instauration d'un scrutin proportionnel, souhaité par une majorité de formations politiques.
C'est jouable, mais difficile et incertain...
Au plan économique, réduire les déficits, stabiliser puis réduire la dette publique, avant d'équilibrer les comptes publics, comme ils l'étaient avant 1974, nécessite un plan de redressement très sérieux.
Sans aller jusqu'à l'usage de la tronçonneuse, emblème du président argentin, ou prétendre pouvoir réduire d'un tiers les dépenses publiques, comme Donald Trump et Elon Musk, il est aujourd'hui clair qu'un petit rabot comme celui que Michel Barnier se proposait d'utiliser est tout à fait insuffisant.
Or François Bayrou, qui nous alerte sur les risques de la dette publique depuis plus de dix ans, est aussi un adepte de la redistribution des revenus, de la taxation des plus riches, et de la cogestion syndicale (qu'il a pratiquée entre 1994 et 1997, quand il était ministre de l'Education nationale). On voit mal, dans ces conditions, quel pourrait être son chemin pour le redressement de nos finances publiques.
Car notre pays ne souffre pas seulement d'un excès de règlementations, point sur lequel un certain consensus semble se former, mais aussi, et plus encore, d'une obésité de l'Etat-providence.
Là, et pas ailleurs, se trouve le vrai gisement d'économies budgétaires : les aides, les subventions, les prises en charge, les tickets modérateurs, les minima sociaux... L'obsession des inégalités, la chasse aux riches, les prestations sociales payées par les entreprises et leurs salariés... Bref, 80 ans de social-démocratie, d'abord financée sur le dos des actifs (cf retraite dite par répartition, puis sur celui des enfants et de nos petits-enfants (via l'endettement public).
Comme aucun homme politique, en tout cas dans cette assemblée, issue de la funeste dissolution du 9 juin 2024, ne peut rassembler une majorité pour renverser la table sacrée de l'Etat-providence, il fallait aller chercher le Premier ministre parmi les experts de la société civile, comme semble le souhaiter, d'ailleurs, l'opinion publique, puisque plus de deux Français sur trois (66% d'entre eux) se disent favorables à la constitution d'un gouvernement technique, composé d'experts, qui ne seraient pas issus d'un parti politique, à en croire un sondage Elabe, effectué après la chute du gouvernement Barnier.
Deux citations
"Nos démocraties représentatives sont en devenues des "inaptocraties", où ceux qui sont incapables de gouverner sont élus par ceux qui ne veulent pas travailler, afin que les premiers organisent légalement la spoliation de ceux qui acceptent de travailler, au profit des passagers clandestins, les entretenant ainsi dans une oisiveté confortable", Charles Gave.
"Chaque mois, quand les Français voient leur paie, ils se demandent pourquoi ils paient tant d'impôts. Pour attendre 9h aux urgences ? Pour financer 15 milliards d'euros d'aide publique au développement ? Pour former des magistrats aux Comores alors qu'on en manque chez nous ?...", Sarah Knafo, LinkedIn