Vers une parlementarisation de la Vème République

Quand le président de la République n’a plus de majorité parlementaire, et que les oppositions sont multiples, le Parlement retrouve ses droits, et les partis politiques leurs délices…

Alain Dumait
Par Alain Dumait Modifié le 12 décembre 2024 à 11h36
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Vers une parlementarisation de la Vème République - © Economie Matin

Sous la Vème République, quand un président de la République est mis en minorité par le peuple, à l’issue d’un référendum pour lequel il a engagé sa responsabilité, il s’en va. Ce que n’avait pas fait le président Chirac après le rejet de la constitution européenne le 29 mai 2003. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis lors, il n’y en a plus eu… Ce qui est un grand tort !

Quand le soutien parlementaire du président est en minorité, s’il s’en accommode, il cohabite…

Et si aucune majorité ne se dessine, on change de régime politique, on passe à la Vème République-bis, version parlementarisée.

Michel Barnier, censuré le 4 décembre 2024, n’avait sans doute pas tout à fait compris cette bascule. Pas plus d’ailleurs que le président Macron…

Sa majorité très relative ayant tourné le dos au Nouveau Front populaire, piloté par LFI de M Mélenchon, et ne pouvant pas aller jusqu’à solliciter la participation active du Rassemblement national, il lui fallait au moins son soutien, sans participation, à son gouvernement. Le “respecter“ seulement n’était pas suffisant…

Le prochain gouvernement - le quatrième en moins d’une année… - devra donc disposer d’une majorité élargie, ou au moins de l’appui d’un complément, s’engageant à ne pas censurer avant juillet prochain.

Où trouver ce complément ? Telle est, à date, la question de politique intérieure du jour. Viendra-t-il du RN, ou du PS ?

À ce moment vient sur la table des négociations le dossier souvent caché du mode de scrutin.

On se souvient que, pour les élections législatives de 1986, le président Mitterrand, déjà en mauvaise posture, avait instauré un éphémère scrutin proportionnel, départemental, à un tour.

Bien que ne figurant ni dans le préambule ni dans les 118 articles de notre Constitution, le mode de scrutin est un élément déterminant du fonctionnement des Institutions. Et du comportement - ce qui est moins souvent dit - des partis politiques.

Avec un scrutin proportionnel, même avec une barre à 5% des suffrages exprimés, un parti bien établi sait qu’il pourra survivre aux tempêtes. Le fonds de commerce résistera… Alors qu’avec un scrutin majoritaire uninominal, le risque est plus grand… D’où le comportement du Parti socialiste, qui, dans la foulée de la dissolution du 9 juin 2024, en un seul jour, sut faire alliance avec Mélenchon, pourtant honni la veille encore !

Or, aujourd’hui, seul le LR est encore farouchement attaché au scrutin majoritaire.

Que le prochain Premier ministre s’engage à faire voter un tel changement de la loi électorale, et tout change s’agissant de l’intérêt des paris et de leurs fonds de commerce.

Mais quel sera, du RN ou du PS, celui qui sera le plus sensible à cet argument ? Et où est l’intérêt, à cet égard, du prochain Premier ?

Arithmétiquement, avec ses 140 députés, alliés et apparentés compris, le groupe du RN à l’Assemblée nationale pèse plus lourd que les 62 socialistes.

Les premiers constituent un meilleur appoint, mais cela suppose une normalisation républicaine au bénéfice du RN, c’est à dire reconnaitre, explicitement ou non, que le Front républicain, destiné à re-diaboliser le RN lors des dernières législatives, n’était pas très… “républicain“ !

Tel est, me semble-t-il, le contexte dans lequel se situent les consultations en cours, à l’Elysée, pour la désignation d’un nouveau Premier ministre.

Philippe Bilger

Philippe Bilger, 81 ans. À la Libération, son père, fondateur d'une organisation d'extrême droite, est condamné à dix ans de travaux forcés pour faits de collaboration. Cette condamnation est pour lui une injustice. Cette opinion l'aurait influencé dans son choix de carrière.

En conclusion, je me contente de citer l’excellent Philippe Bilger, ancien avocat général près la Cour d’appel de Paris, et chroniqueur sur Cnews, que je me permet de reprendre à mon compte :

Il me semble assez paradoxal d’avoir toujours répugné à faire entrer le RN, malgré sa multitude d’électeurs, dans le jeu politique classique comme s’il avait la peste – et quelle complaisance en même temps à l’égard de LFI ! – et en même temps de réclamer du parti le plus important à l’Assemblée nationale qu’il se comporte comme s’il était traité sur un mode équitable. Cette discrimination explique sans doute cette attitude, pour le RN, de baroudeur imprévisible et inconséquent, blessé et frustré plus que lucide, dans ses desseins parlementaires.

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Alain Dumait

Alain Dumait, 79 ans, est journaliste depuis 1970. Il devient éditeur de journaux en 1978 et crée La Lettre A, lance "Les 4 Vérités-Hebdo", puis plusieurs autres publications. Il a racheté L’Essor de la Gendarmerie en 2012, qu'il dirige toujours.

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