La censure du gouvernement Barnier, votée début décembre 2024, a plongé la France dans une incertitude budgétaire sans précédent depuis 62 ans. Derrière cette crise institutionnelle se cache une réalité inquiétante pour des millions de Français : une augmentation inévitable des impôts en 2025.
Impôts : pourquoi le futur gouvernement ne pourra pas les baisser
Mais pourquoi le gel du budget 2024 provoque-t-il un tel séisme fiscal ? Tout simplement car le barème de l’impôt est maintenu. Quant à la « loi spéciale » promise par Emmanuel Macron pour garantir la continuité de l’État… elle ne pourra pas grand-chose contre l’augmentation des impôts des Français en 2025.
Impôts : le gel du barème fiscal, une opération punitive pour les ménages
La reconduction des dispositions fiscales de 2024, imposée par l'absence d'un budget 2025 voté, laisse présager un choc fiscal majeur pour les contribuables. Chaque année, le barème de l'impôt sur le revenu est normalement ajusté à l'inflation pour préserver le pouvoir d'achat. Mais cette année, ce mécanisme pourrait être abandonné. Selon Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, « si on reconduit le budget 2024, on fait rentrer mécaniquement 380 000 foyers français supplémentaires dans l’impôt sur le revenu, parce que le barème n’aura pas suivi l’inflation, et 17 millions de foyers paieront plus également. » Le projet de loi de Budget 2025 prévoyait, lui, une augmentation des seuils de l’impôt sur le revenu de 2% pour éviter une hausse des taxes. Mais ce ne sera pas le cas.
Prenons un exemple concret : en 2024, un célibataire est imposable à partir de 11 295 euros de revenus nets annuels. Avec une revalorisation, ce seuil aurait dû passer à 11 521 euros. Mais dans le scénario actuel, ce contribuable sera imposé plus tôt, et sa charge fiscale augmentera proportionnellement à ses revenus.
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a chiffré cette catastrophe fiscale. Les classes moyennes perdront entre 50 et 100 euros par an, soit entre 0,2 % et 0,3 % de leur niveau de vie annuel. Pour les 15 % de ménages les plus aisés, la facture grimpe à 250 euros. « Ce sont plutôt les classes moyennes qui vont être impactées », a résumé Éric Heyer, économiste de l'OFCE, interrogé par Public Sénat. Et pour les ménages modestes ? Le gel pourrait même les propulser dans la première tranche d'imposition, ajoutant une couche supplémentaire à leur précarité.
Loi spéciale : un remède limité à une plaie béante
Face à ce désastre annoncé, Emmanuel Macron, lors de son allocution présidentielle, a promis une loi spéciale avant la mi-décembre 2024. Ce dispositif permettra de reconduire les recettes et les dépenses de 2024, mais il reste juridiquement incapable de modifier le barème de l'impôt sur le revenu. Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a mis en garde dans Le Figaro : « La loi spéciale n’est pas faite pour modifier le barème de l’impôt sur le revenu. Elle est là pour assurer une continuité, rien de plus. »
Si les parlementaires souhaitaient intégrer une revalorisation rétroactive des seuils fiscaux, il faudrait une majorité solide pour adopter un budget rectificatif début 2025. Mais ce scénario est tout sauf garanti. En effet, plusieurs obstacles juridiques et politiques se dressent :
- Jurisprudence fiscale stricte : La rétroactivité des mesures fiscales ne peut dépasser le 1er janvier de l'année en cours, sauf exception.
- Délais administratifs : Même en cas de budget voté en janvier, il faudrait plusieurs mois au fisc pour ajuster les prélèvements.
Impôts : les retraités, gagnants inattendus de la crise ?
Ironie du sort, la censure pourrait bénéficier aux retraités. En l’absence d’un nouveau budget de la Sécurité sociale, les pensions devraient être automatiquement revalorisées au niveau de l’inflation dès janvier, conformément au Code de la Sécurité sociale. Initialement, le gouvernement Barnier avait prévu de repousser cette revalorisation à juillet 2025. Une mesure qui aurait permis d’économiser plusieurs milliards d’euros sur le dos des retraités.
Mais pour les actifs, la note sera salée. Les prélèvements à la source resteront inchangés en début d’année, mais le fisc pourra appliquer des ajustements rétroactifs dès la déclaration des revenus, entre mai et juin. Comme l’a souligné Éric Pichet, professeur de fiscalité sur FranceInfo , « en début d’année, le taux restera le même. Mais à partir de la déclaration de revenu, le fisc pourra ajuster le taux d’imposition moyen, et cela s’appliquera sans doute en août ou en septembre 2025. »
Hausse des impôts en 2025 : quelles solutions pour éviter le chaos fiscal ?
Un précédent historique donne une lueur d’espoir. En 1980, une loi de finances votée en janvier avait permis d’indexer le barème fiscal rétroactivement. Mais ce scénario demande une volonté politique forte et un consensus entre les forces parlementaires. Pierre Moscovici reste prudent : « Il faut une stabilité dans les finances publiques pour éviter de perdre la confiance des marchés. » Une confiance déjà mise à mal par une dette publique flirtant avec 115 % du PIB.
En attendant, les Français doivent se préparer au pire : une hausse des impôts pour des millions de foyers et une réduction significative de leur pouvoir d’achat. Comme l’a déclaré Emmanuel Macron, « nous devons agir dans l’urgence, mais avec une vision de long terme. » Une urgence qui se fait déjà ressentir sur les feuilles de paie et dans les portefeuilles des contribuables.
Va-t-il y avoir une hausse des impôts des Français en 2025 ?
La situation reste volatile, et la crainte d’un chaos fiscal ne fait que grandir. Les Français devront surveiller de près les débats parlementaires à venir, dans l’espoir que des mesures correctives soient prises rapidement. Mais entre les contraintes juridiques, les lenteurs administratives et les jeux politiques, l’année 2025 s’annonce comme un véritable casse-tête pour les contribuables.
Aspect | Situation actuelle (post-censure) | Conséquences | Solutions envisagées |
---|---|---|---|
Barème de l’impôt sur le revenu | Reconduction du barème de 2024 sans ajustement à l’inflation | - 380 000 nouveaux foyers imposables - 17,6 millions de foyers voient leur impôt augmenter - Classes moyennes touchées : +50 à +100 euros/an - Foyers aisés : +250 euros/an |
Adoption d’un budget rectificatif en 2025 pour intégrer une revalorisation rétroactive (ex. : précédent de 1980). |
Impact sur les actifs | Pas de modification immédiate des prélèvements à la source | Ajustement rétroactif après la déclaration des revenus (mai-juin 2025), impact effectif dès août ou septembre 2025. | Application rétroactive dès l’adoption d’un nouveau budget début 2025, avec remboursement des trop-perçus éventuels. |
Impact sur les retraités | Revalorisation automatique des pensions indexée sur l’inflation prévue en janvier 2025 | Les retraités bénéficieront de cette revalorisation, initialement prévue pour juillet 2025, offrant un gain immédiat de pouvoir d’achat. | Pas d’action nécessaire : la loi actuelle garantit la revalorisation. |
Loi spéciale | Promesse d’Emmanuel Macron pour une loi spéciale reconduisant les dispositions budgétaires de 2024 | - Ne permet pas de modifier le barème fiscal. - Ne répond pas à l’urgence des ajustements liés à l’inflation. - Conséquences limitées aux actions administratives de base (continuité des paiements et dépenses publiques). |
Adoption rapide au Parlement pour éviter un blocage administratif, mais nécessite un budget complet pour répondre aux enjeux fiscaux. |
Endettement public | Dette publique à environ 115 % du PIB. Pas d’ajustement possible sans un budget structuré pour 2025. | Risque de dégradation de la crédibilité financière de la France auprès des marchés internationaux, avec une potentielle augmentation des coûts d’emprunt. | Consensus politique pour un budget équilibré permettant de stabiliser les finances publiques et éviter un déficit supérieur à 6 % en 2025. |
Confiance des ménages | Incertitude fiscale et absence de visibilité pour 2025 | Réduction du pouvoir d’achat et crainte d’une augmentation continue des impôts : impact négatif sur la consommation des ménages et sur l’économie globale. | Communication gouvernementale claire et rapide pour rassurer les contribuables, accompagnée d’un calendrier précis pour l’adoption des mesures. |
Entreprises | Flou persistant sur la fiscalité des sociétés en l’absence de budget structuré | - Incertitude sur les éventuelles surtaxes ou baisses de taxes. - Difficultés à anticiper les coûts fiscaux de 2025, impactant la prise de décisions stratégiques. |
Clarification rapide dans le cadre de la loi spéciale ou du prochain budget pour éviter de freiner les investissements et les recrutements. |
Obstacles juridiques | Rétroactivité limitée par le droit fiscal (Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’homme) | Les mesures fiscales rétroactives doivent être limitées au 1er janvier de l’année en cours (2025). | Utilisation de mécanismes comme le remboursement différé des trop-perçus pour contourner les restrictions légales. |
En attendant, les ménages doivent-ils ajuster leurs finances ? Les économistes appellent à la vigilance, car la réalité pourrait s’avérer plus brutale encore que les projections. Une chose est sûre : l’ombre de la censure plane encore lourdement sur les impôts des Français.