Censure de Barnier : la dette va s’enflammer

La motion de censure adoptée par l’Assemblée nationale, mercredi 4 décembre 2024, a plongé la France dans une instabilité politique qui suscite de nombreuses inquiétudes quant à ses éventuelles répercussions économiques. Avec une dette publique qui atteint déjà plus de 113 % de son PIB et un déficit projeté à 6,2 % du PIB en 2024, quelles sont les perspectives pour la dette ?

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 5 décembre 2024 à 19h17
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Censure de Barnier : la dette va s'enflammer - © Economie Matin
113%Le dette publique de la France s'élève à 133% de son PIB (soit à plus de 3 200 milliards d'euros)

La Bourse de Paris n'a pas été prise de panique malgré le vote de la censure du gouvernement Barnier, et l'agence de notation Moody's a décidé de maintenir la note de crédit de la France à AA2. Mais les perspectives concernant la dette publique de la France, l'une des plus importantes d'Europe, ne sont pour autant pas des plus rassurantes.

La charge de la dette de la France va encore augmenter

L'objectif de réduire le déficit public de la France à 5 % en 2025 n'était déjà plus considéré comme atteignable depuis le mois d'octobre 2024. Le projet de loi de finances qui devait fixer le budget de 2025 de la France est tombé à l'eau avec le renversement du gouvernement Barnier. C'est donc le budget de 2024 qui est reconduit via une loi spéciale conformément à l'article 47 de la Constitution de 1958, en attendant qu'un nouveau budget pour 2025 soit élaboré. En conséquence, le déficit public, projeté à 6,2 % en 2024, pourrait atteindre 6,4 % du PIB de la France. Une situation qui n'empêche pas la France d'emprunter, mais qui abaisse encore davantage l'état des finances publiques déjà sous pression. La charge de la dette qui s'élève à 50 milliards en 2024, pourrait passer à 55 milliards en 2025, 65 milliards en 2026, et 75 milliards en 2027.

Pourquoi ? En raison du taux d'emprunt de la France. Plus l'instabilité politique perdurera, plus l'état des finances publiques françaises risque de se dégrader, et plus les prêteurs seront pessimistes à l'égard de la crédibilité économique de la France. Conséquence : le taux d'emprunt de l'État pourrait être revu à la hausse, et donc avec lui, la charge de la dette, c'est-à-dire ses intérêts. Pour donner une échelle : en 2014, la France empruntait, pour une durée de 10 ans, à 1 %. En janvier 2024, ce taux était de 2,6 %, il est en ce mois de décembre 2024, de 2,9 %. À titre de comparaison, l'Allemagne emprunte actuellement sur 10 ans à 2,1 %, le Portugal à 2,5 %.

Quelles conséquences pour les Français ?

Aujourd'hui, rares sont les pays qui ne sont pas endettés à des niveaux astronomiques, en particulier en Occident, où cela est presque devenu la norme. Celle des États-Unis, par exemple, première puissance économique au monde, s'élevait à plus de 35,8 mille milliards de dollars fin octobre 2024, représentant ainsi pas moins de 125 % de son PIB. Elle est même projetée à 136 % de son PIB d'ici à 2035. Pour autant, l'Oncle Sam, fort de l'hégémonie du dollar et de sa puissance industrielle, continue de produire en masse et le fera encore davantage avec le retour de Donald Trump dans le Bureau ovale, en témoignent ses dernières déclarations. De fait, et étant une thalassocratie, les États-Unis ne voient aucunement leur crédibilité économique remise en question.

La France, à l'inverse, en ayant fait le choix d'une économie qui donne l'avantage au secteur tertiaire - celui des services - voit son industrie, chaque jour un peu plus, partir en fumée. Si les agences de notation, telles que Moody's, venaient à abaisser la note de crédit de la France, les investisseurs pourraient envisager de se tourner là où l'herbe y est plus verte. Les crédits deviendraient moins accessibles, ce qui ralentirait les investissements privés, le pouvoir d'achat des Français, et par ricochet, la croissance économique du pays.  En conséquence, l'État n'aura d'autre choix que de mettre en place un plan budgétaire marqué par une véritable austérité - ce qui n'était pas le cas dans le projet de loi de finances de 2025 -  pour retrouver la confiance des marchés et attirer de nouveaux investisseurs. Cela se traduirait donc inévitablement par une hausse des impôts, et une baisse des dépenses, dont une partie concernerait directement des services essentiels tels que la santé, l'éducation, la sécurité, la justice...

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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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