Sous leur teinte éclatante et leur étiquette promettant l’authenticité italienne, les sauces tomate que vous consommez pourraient cacher un parcours bien plus trouble. En remontant la chaîne d’approvisionnement, une enquête de la BBC éclaire des pratiques inquiétantes impliquant l’une des régions les plus controversées de la planète
Ces sauces tomate proviennent-elles d’Italie… ou de Chine ?
De l’Italie à la Chine, les tomates parcourent des milliers de kilomètres avant d’atterrir dans nos assiettes. Mais ce voyage dissimule parfois des pratiques inavouables, entre mensonges industriels et exploitation humaine.
Sauces tomate : l’ombre du Xinjiang sur nos assiettes ?
Le Xinjiang, région au nord-ouest de la Chine, produit une part significative de la tomate mondiale. Ce territoire est également tristement célèbre pour ses « camps de rééducation » où des Ouïghours, minorité musulmane persécutée, sont soumis à un travail forcé. Mamutjan, un ex-détenu, raconte : « On nous obligeait à récolter 450 kg de tomates par jour. Ceux qui échouaient étaient battus. » Son témoignage, recueilli par la BBC, fait écho à d’autres récits documentés par des ONG et les Nations Unies.
« 100 % italiennes ». Voilà une mention que l’on retrouve sur de nombreux produits vendus en supermarché pour "rassurer" les consommateurs. Pourtant, derrière ces étiquettes, la réalité est souvent bien différente. Les tomates cueillies dans le Xinjiang suivent un parcours complexe. Après un transit par train à travers plusieurs pays d'Asie centrale, elles arrivent en Italie, une nation reconnue pour ses sauces et concentrés de tomates. Là, des entreprises comme Petti les transforment, parfois sous des labels évoquant l’Italie, sans obligation de mentionner leur origine réelle. Des audits indépendants ont permis de détecter ces mélanges entre tomates locales et concentrés chinois, alimentant la controverse sur l’étiquetage trompeur et la fraude alimentaire.
Lidl se défend
Des enseignes comme Lidl et d'autres distributeurs européens ont été impliqués dans ces affaires malgré des garanties affichées sur la traçabilité. Lidl affirme à Libération avoir exclu depuis plusieurs années les tomates chinoises de ses produits. Pourtant, une enquête de la BBC a révélé des liens récents avec des fournisseurs utilisant des ingrédients controversés. Sur 64 produits testés par la BBC, 17 contenaient des tomates du Xinjiang, souvent issues de l’entreprise italienne Petti. Les tests de laboratoires spécialisés montrent que des conserves, pourtant estampillées « 100 % italiennes », pourraient contenir des tomates du Xinjiang.
L’absence de législation stricte en Europe sur l’origine des ingrédients pose un problème éthique majeur. Aux États-Unis, des mesures rigoureuses empêchent l’importation de produits issus du travail forcé. En Europe, en revanche, les fabricants s’autorégulent, laissant aux consommateurs le soin de se poser les bonnes questions. Devons-nous privilégier des produits locaux ou exiger davantage de transparence des marques ?