Decathlon : les Mulliez s’offrent 1 milliard d’euros de dividendes

La décision annoncée le 30 novembre 2024 par Decathlon de verser un milliard d’euros de dividendes à son principal actionnaire, la famille Mulliez, suscite une vive polémique en France. Ce choix, alors que le contexte économique et social est particulièrement tendu, dévoile un modèle de gestion accusé de sacrifier l’intérêt collectif au profit d’une minorité.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 2 décembre 2024 à 6h09
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Decathlon : les Mulliez s’offrent 1 milliard d’euros de dividendes - © Economie Matin
14 MILLIARDS €Le chiffre d'affaires de Decathlon en 2024 pourrait atteindre 14 milliards d'euros.

Cadeau de Noël en avance : un milliard d’euros pour la famille Mulliez

Decathlon, fleuron de la grande distribution spécialisée dans les articles de sport, a justifié ce versement colossal par la nécessité de redistribuer des réserves accumulées au fil des années. L’entreprise, qui revendique une base financière solide et des performances exceptionnelles, affirme que cette redistribution s’inscrit dans une « gestion équilibrée » permettant de récompenser les actionnaires tout en investissant dans des initiatives stratégiques. La somme « est distribuée à l’ensemble des actionnaires dont les plus de 60 000 collaborateurs de l’entreprise », explique Decathlon. Reste que la famille Mulliez, détenant plus de 50 % du capital de l’enseigne, devrait en toucher minimum la moitié.

Selon des sources proches de la direction, ces fonds proviennent notamment des excédents générés par des ventes record, dopées par des événements mondiaux comme les Jeux Olympiques de Paris. Les résultats de 2024 ont en effet dépassé les prévisions initiales grâce à une augmentation de la fréquentation des magasins et une croissance des ventes en ligne, consolidant Decathlon comme leader du marché en France et à l’international. Avec un chiffre d’affaires estimé à près de 14 milliards d’euros pour 2024, la marque a vu ses bénéfices nets grimper de 18 % par rapport à 2023, atteignant environ 900 millions d’euros.

Décathlon, Auchan, Leroy Merlin… la grogne sociale monte dans la galaxie Mulliez

Les syndicats, notamment la CFDT et la CFTC, ont vivement réagi à cette annonce. Qualifiant cette décision de « choc », ils dénoncent une répartition qu’ils jugent profondément inéquitable. « La CFDT Decathlon est sous le choc de l’annonce de ce matin en comité de groupe Decathlon : un milliard d’euros de dividendes seront versés dès lundi aux actionnaires de l’association familiale Mulliez au titre de l’année 2024 »

Pour beaucoup, cette redistribution exceptionnelle est un affront. Alors que les employés réclament depuis des mois une meilleure prise en compte de leurs revendications – notamment une augmentation des salaires pour compenser l’inflation et une amélioration des conditions de travail dans les entrepôts – la direction choisit de privilégier les actionnaires familiaux. « Pas d'argent pour les négociations seniors, la mutuelle ou les NAO », souligne la CFTC. L’indignation est d’autant plus vive que les bénéfices de Decathlon ne sont pas réinvestis dans l’amélioration des infrastructures ou dans des primes significatives pour les employés.

Les enseignes du groupe Mulliez en crise, mais pas de crise pour les dividendes

Le groupe Mulliez, propriétaire de Decathlon, est également à la tête d’autres enseignes majeures comme Auchan, Leroy Merlin, Boulanger et Jules. Ce milliard d’euros versé par Decathlon intervient dans un contexte particulièrement tendu pour les autres filiales du groupe. Auchan, en particulier, fait face à une restructuration massive avec un plan social prévoyant la suppression de 2 400 emplois. « C'est particulièrement indécent quand dans le même temps des salariés n'arrivent pas à manger à leur faim, à boucler leurs fins de mois et même pour certains, sont obligés d'habiter dans leur voiture, le salaire ne suffisant pas », commente Aurélie Flisar, secrétaire générale adjointe de la fédération des services CFDT. Cette contradiction renforce les critiques.

Vers une grève massive dans la galaxie Mulliez avant Noël ?

Sur le plan financier, cette décision s’inscrit dans une logique de maximisation de la valeur pour les actionnaires. La famille Mulliez, qui contrôle directement ou indirectement Decathlon à travers une structure complexe de holdings, est l’un des plus grands bénéficiaires de cette manne. En tant qu’actionnaires majoritaires, les Mulliez touchent une part substantielle des dividendes, contribuant ainsi à accroître leur fortune personnelle.

Face à cette situation, les syndicats appellent à des actions de grande ampleur. Plusieurs mouvements de grève sont prévus dans les jours à venir, notamment pendant la période clé des fêtes de fin d’année, où Decathlon réalise une part importante de son chiffre d’affaires. Des salariés de Leroy Merlin et Auchan envisagent également de rejoindre ces protestations, appelant à une solidarité inter-enseignes. Pour les syndicats, cette crise représente une opportunité de mettre en lumière les pratiques controversées du groupe Mulliez et de poser les bases d’un dialogue social renouvelé.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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