Dette francaise : Un problème structurel, pas seulement budgétaire

Le problème principal n’est pas uniquement budgétaire, mais bien structurel. Faut-il attendre que la situation se détériore davantage pour agir, alors que le déficit public atteint déjà 5,6 % du PIB ? En France, nous assistons à une dérive des finances publiques qui dure depuis plusieurs mois, avec des prévisions inquiétantes pour l’avenir.

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Par Jean-Luc Ginder Publié le 2 décembre 2024 à 5h30
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dette, france, macron, attal, danger, crise, - © Economie Matin
110,6%La dette de la France a atteint fin 2023 les 110,6% du PIB.

L’an dernier, le déficit était de 5,1 %, alors que la règle européenne impose un déficit inférieur à 3 %. Cette année, il est de 5,6 % et devrait atteindre 6,2 % voire 7 % l’année prochaine, peut-être même 8 %. C’est préoccupant pour la France et pour l’Europe, car la moyenne européenne est bien en dessous de 3 %. La France risque ainsi de devenir le « mauvais élève » de l’Europe.

Personne n’a intérêt à ce que la France soit faible sur le plan des finances publiques. Comment corriger cette situation au plus vite et de manière efficace ? Bercy (le ministère des Finances) souligne que le principal facteur du déficit est l’augmentation des dépenses des collectivités locales. En particulier, les dépenses de personnel dans les communes augmentent beaucoup plus vite que la croissance économique (qui est à 1 %). Mais ce n’est pas le seul problème, car l’État, pour réduire son propre budget, transfère des charges aux collectivités sans leur fournir de ressources supplémentaires. Cela aggrave la situation financière du pays.

Le risque européen et la confiance des marchés financiers

Au niveau européen, Bruxelles dépend de la France. Le véritable risque ne réside pas dans l’Europe elle-même, mais dans une éventuelle perte de confiance des investisseurs envers la France. En effet, la France ne se finance pas uniquement par ses citoyens, mais aussi par des fonds étrangers, comme les fonds de pension qui achètent de la dette publique française. C’est ici que se situe le problème. Si Bruxelles détecte un manque de confiance des investisseurs envers la France, cela pourrait avoir un effet contagieux dans toute l’Europe. Si la France devient perçue comme un risque, cela pourrait entraîner une crise de confiance pour l’ensemble de la zone euro, ce qui serait catastrophique, surtout dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, notamment avec les États-Unis.

Actuellement, plus de 50 % de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers. Cela s'explique par le fait que la France dépense plus qu’elle ne génère de recettes fiscales. Certes, les citoyens français, notamment à travers l’assurance-vie, financent une grande partie de la dette, mais cela ne suffit pas. C’est pourquoi la France doit faire appel à des investisseurs étrangers pour financer sa dette. Cela fonctionne tant que l’ensemble de la zone euro affiche une situation budgétaire relativement saine, avec un déficit inférieur à 3 %, ce qui inspire confiance. C’est ce qui permet à la dette européenne de rester attractive, mais ce scénario pourrait changer.

Le danger de la défiance envers la France et la fracture de la zone euro

Le plus grand danger réside dans la méfiance croissante envers la France au sein de la zone euro. Cela pourrait entraîner une fracture de l’Eurozone, et la France pourrait devenir le maillon faible, ce qui est particulièrement risqué. La France est à un point critique, sur le fil du rasoir, avec un premier déficit qui pourrait franchir la « ligne rouge » et entraîner une déstabilisation économique – une situation plus qu’inquiétante.

Les dernières projections des dépenses publiques pour les trois prochaines années montrent que la trajectoire budgétaire de la France se détériore. Cela explique la tension actuelle au sein du Parlement. Il est donc urgent de réformer les grands services publics. Comme le souligne la Cour des comptes, des économies massives sont nécessaires, mais cela est difficile à réaliser, surtout dans des secteurs déjà en difficulté comme l’hôpital ou l’éducation.

Des réformes structurelles plutôt que de simples économies budgétaires

Le problème n’est pas simplement une question de réductions budgétaires, mais de réformer en profondeur le fonctionnement des services publics. Investir dans des services publics qui ne fonctionnent pas ne servira à rien. Il est impératif de repenser la structure même de ces services, non pas pour des raisons politiques ou électoralistes, mais pour trouver des solutions durables. Malheureusement, ce sujet est constamment repoussé, malgré la détérioration des services publics et le mécontentement croissant des citoyens, notamment des classes moyennes, qui craignent de sombrer dans la pauvreté.

Le « ce n’est pas le moment » est une excuse qui ne peut plus durer. Si nous continuons à repousser la réforme, la crise finira par devenir une réalité. Il ne s’agit pas seulement de l’avenir financier de la France, mais aussi de la stabilité de l’ensemble de la zone euro.

Le courage politique nécessaire

Le véritable défi n’est plus uniquement économique, il s’agit d’un véritable courage politique. Il est essentiel de restaurer la confiance des citoyens, notamment des classes moyennes, qui se sentent laissées pour compte, et qui perçoivent la politique publique comme un système jetant sans cesse de l’argent dans un puits sans fond. Ce mécontentement s’est déjà exprimé lors du mouvement des « gilets jaunes ». Pourtant, la situation ne s’améliore pas, bien au contraire, et la dégradation des services publics se poursuit.

Il est donc urgent de repenser en profondeur l’organisation des services publics, afin de les rendre plus efficaces et plus adaptés aux besoins réels des citoyens. Si cette réforme continue d’être retardée, la crise, qui paraît encore lointaine, deviendra inévitable – non seulement pour la France, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe.

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Jean-Luc Ginder est économiste et essayiste spécialiste de la macro économie ainsi que de l'économie de l'Energie. Il est l'auteur du livre « Phobiamanagement » mettant en avant les effets de la peur en économie et du livre « Réflexions Economiques » (Éditions Corps et Ame, février 2018).

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