La dénutrition reste encore largement méconnue
En France, ce ne sont pas moins de 2 millions de personnes qui souffrent de dénutrition, une pathologie qui affecte en particulier les enfants en situation de handicap et les adultes atteints de maladies graves. Pourtant, selon l'enquête réalisée par le Collectif de lutte contre la dénutrition (CLD) et la Fédération des Services à la Personne et de Proximité (Fédésap), seulement 66 % des professionnels de l’aide à domicile ne considèrent toujours pas la dénutrition comme une maladie alors même que 9 sur 10 d'entre eux avoue avoir entendu parler de cette pathologie..
Pis, pour 75 % pensent qu’il est normal de maigrir lorsqu’on est atteint d’un cancer ou d’une maladie grave. Une méconnaissance qui comme le souligne l'étude, peut avoir de graves conséquences pour les patients : sans prise en charge, la dénutrition affaiblit le système immunitaire, ce qui augmente la dépendance à un traitement, et favorise les maladies chroniques. « La perte de poids et le manque d’appétit ne doivent pas être perçus comme des conséquences inévitables de certaines pathologies, mais bien comme des signes d’une maladie à part entière », insiste le docteur Agathe Raynaud-Simon, présidente du CLD et médecin-chef au CHU Bichat.
Les idées reçues sont tenaces : 45 % des professionnels estiment qu’il est « normal de perdre du poids en vieillissant », et 28 % pensent que les personnes âgées ont besoin de manger moins de viande ». Des « clichés » qui freinent l’identification des risques et, in fine, retardent les diagnostics et mettent en danger la vie du patient. Pourtant, comme le rappelle le Collectif de lutte contre la dénutrition, des mesures simples comme la pesée régulière permettraient de détecter les premiers signes de la maladie.
8 professionnels sur 10 ne sont pas formés
L’enquête révèle également un problème structurel : 80 % des professionnels de l’aide à domicile n’ont jamais été formés à la dénutrition. Seule la moitié d’entre eux se sent capable de signaler un risque au médecin traitant. Pourtant, la demande est forte : 63 % des intervenants souhaitent bénéficier d’une formation adaptée, selon les données recueillies.
Ce déficit d’information contribue à une prise en charge tardive, alors même que 30 % des patients hospitalisés souffrent déjà de dénutrition. Comme le souligne encore l'étude du CLD, la dénutrition frappe particulièrement les personnes fragiles : 40 % des malades d’Alzheimer et 40 % des patients atteints de cancer en sont victimes, mais aussi 2/3 des enfants et adultes polyhandicapés.
C'est donc un appel à rompre le silence et à agir que lance le Collectif de lutte contre la dénutrition (CLD). Ce n’est qu’en mobilisant tous les acteurs – professionnels de santé, intervenants à domicile, aidants familiaux – que cette maladie pourra être reconnue et combattue, et que les patients pourront être mieux protégés et mieux accompagnés contre cette maladie silencieuse.