Le 22 novembre 2024, EDF a inauguré un chantier inédit en Corse : la construction d’une centrale électrique fonctionnant à l’huile de colza. Avec un investissement de 800 millions d’euros, cet équipement vise à moderniser le mix énergétique insulaire tout en réduisant l’empreinte carbone. Cependant, derrière cette avancée se cachent des interrogations stratégiques sur les choix énergétiques et leur impact économique.
EDF parie sur le colza en Corse : un investissement de 800 millions d’euros pour l’avenir
Une réponse stratégique aux besoins énergétiques insulaires
La Corse, région isolée avec une dépendance marquée aux énergies fossiles, amorce un virage stratégique grâce au projet de centrale du Ricanto. Remplaçant l’ancienne infrastructure du Vazzio, alimentée au fioul, cette nouvelle installation s’inscrit dans un contexte de transition énergétique et propose des gains environnementaux significatifs :
- Réduction de 75 % des émissions de dioxyde d’azote ;
- Baisse de 90 % des particules fines ;
- Suppression totale des rejets de soufre.
En plus de ces progrès environnementaux, EDF estime que la centrale permettra d’économiser 350 000 m³ d’eau par an et de réduire les émissions de CO2 de 300 000 tonnes annuellement. Ces chiffres, particulièrement remarquables, reflètent une volonté d’allier modernisation technologique et efficacité énergétique.
L’huile de colza : une ressource controversée
La centrale fonctionnera à partir de 100 000 tonnes d’huile de colza chaque année, une solution qualifiée de « biocarburant » par EDF, mais vivement critiquée par les associations environnementales. Si cette ressource représente une alternative plus propre que le fioul, elle suscite néanmoins des débats :
Pression sur les terres agricoles : La demande en colza risque d’accentuer la concurrence entre cultures alimentaires et industrielles.
Défis logistiques : L’importation, si elle s’avérait nécessaire, alourdirait l’empreinte carbone globale du projet.
Impact économique : Le coût d’approvisionnement et la gestion de la ressource posent des questions sur la viabilité financière à long terme.
Le choix du colza s’explique par l’absence d’options alternatives viables, comme le gaz naturel, abandonné après l’échec du projet Galsi reliant la Corse à l’Algérie. Néanmoins, cette dépendance au biocarburant met en lumière les limites d’un modèle trop centré sur une seule ressource.
Une transition énergétique au prix élevé
La transition énergétique corse s’accompagne d’un effort financier considérable. En plus des 800 millions d’euros consacrés à la construction de la centrale, le démantèlement de l’ancienne infrastructure du Vazzio représente un coût additionnel important. EDF projette un investissement global compris entre 1,2 et 1,3 milliard d’euros sur cinq ans pour la Corse. Cet effort financier reflète les ambitions du groupe d’assurer un approvisionnement énergétique sécurisé tout en respectant des engagements environnementaux renforcés. Le projet, qui couvrira environ 20 % des besoins énergétiques de l’île, s’inscrit dans un plan plus vaste visant à diversifier les sources d’énergie insulaire, bien que des lacunes subsistent en matière d’intégration de l’éolien et du solaire.
Si l’investissement est salué comme un pas en avant, il n’échappe pas à certaines critiques économiques. Selon Michel Fazini, secrétaire général de la CGT Énergie Corse, l’initiative est louable, mais elle appelle une réflexion plus large sur les besoins croissants en énergie. Avec l’essor des véhicules électriques, l’électrification des ports et une augmentation démographique soutenue, la pression sur le réseau insulaire devrait s’intensifier. De plus, le projet soulève des questions sur la pérennité économique du recours à l’huile de colza. Les fluctuations du marché des biocarburants, associées à des contraintes logistiques, pourraient rendre cette option moins rentable à moyen terme. Par ailleurs, le choix d’une seule source énergétique laisse peu de marge face aux imprévus économiques ou écologiques.
Comparaison technologique et environnementale
Pour illustrer les bénéfices de la nouvelle centrale du Ricanto, voici une comparaison synthétique avec l’ancienne centrale du Vazzio :
Indicateur | Centrale du Vazzio | Centrale du Ricanto |
---|---|---|
Source d’énergie | Fioul lourd | Biocarburant (colza) |
Émissions de CO2 | Élevées | Réduction de 300 000 t/an |
Particules fines | Importantes | Réduction de 90 % |
Consommation d’eau | Non optimisée | Économie de 350 000 m³/an |
Le projet de la centrale du Ricanto constitue une étape marquante dans la transition énergétique de la Corse, mais il soulève des interrogations sur la durabilité du modèle adopté. Pour répondre aux besoins croissants de l’île, un mix énergétique plus équilibré, intégrant des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, semble incontournable.
Les décisions futures de la collectivité territoriale devront également prendre en compte des problématiques d’emploi, d’approvisionnement et de coût. Sans une vision claire et intégrée, le risque d’une dépendance excessive au biocarburant pourrait fragiliser les ambitions énergétiques insulaires.