La gestion du parc automobile de la gendarmerie française traverse une crise profonde, reflet des tensions budgétaires et des mutations économiques actuelles. Bien que le budget alloué à l’institution connaisse une hausse nominale, il reste insuffisant face aux pressions inflationnistes et aux contraintes structurelles. Ce contexte illustre, de manière éclatante, les limites des politiques publiques face à des besoins opérationnels croissants.
Inflation, malus et stagnation budgétaire : le parc auto de la gendarmerie en danger
Un budget sous pression, un renouvellement à l’arrêt
Malgré un budget en augmentation pour 2025, les chiffres avancés témoignent d’une incapacité à répondre aux besoins de renouvellement du parc. Selon le général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale, il faudrait remplacer 3 750 véhicules légers par an pour maintenir la flotte dans un état opérationnel satisfaisant. Or, seulement 1 850 véhicules sont prévus dans les projections budgétaires pour l’année à venir, soit moins de 50 % de la cible.
L’écart est encore plus frappant lorsque l’on considère les acquisitions réalisées en 2024 : 185 nouveaux véhicules, représentant un maigre 5 % des besoins annuels. Une telle situation compromet non seulement l’efficacité des missions de la gendarmerie, mais pose également des questions quant à la pérennité des politiques d’investissement public dans des infrastructures critiques.
Année | Budget alloué (€) | Véhicules nécessaires | Véhicules acquis | Taux de couverture (%) |
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2021 | 110 M€ | 3 700 | 3 700 | 100 % |
2022 | 105 M€ | 3 300 | 3 300 | 100 % |
2023 | 90 M€ | 2 000 | 425 | 21 % |
2024 | 85 M€ | 3 750 | 185 | 5 % |
2025* | 95 M€ | 3 750 | 1 850 | 49 % |
L’un des facteurs majeurs expliquant cet écart préoccupant réside dans l’inflation galopante. Entre 2020 et 2025, le prix moyen d’un véhicule pour la gendarmerie a presque doublé, passant de 23 000 euros à 45 000 euros. Cette flambée s’explique en partie par la modernisation des modèles, intégrant des technologies hybrides ou électriques, ainsi que par l’augmentation des coûts de production, exacerbée par les perturbations des chaînes d’approvisionnement.
Ces nouvelles motorisations, bien que vertueuses sur le plan environnemental, engendrent des coûts initiaux bien plus élevés. En parallèle, les véhicules spécialisés, indispensables pour certaines interventions, sont lourdement pénalisés par les malus écologiques. Selon le général André Petillot, un véhicule tout-terrain utilisé en Guyane peut être frappé d’un malus atteignant 100 000 euros, rendant son acquisition presque prohibitive.
Une politique publique sous le prisme de la contrainte budgétaire
La situation du parc automobile de la gendarmerie reflète les tensions structurelles des finances publiques. L’effort budgétaire, bien qu’en hausse relative, ne compense pas les contraintes liées à l’inflation et aux choix fiscaux. En effet, les malus écologiques appliqués aux véhicules spécialisés limitent fortement la capacité d’investissement. Si ces malus visent à encourager la transition énergétique, ils ne tiennent pas compte des spécificités des missions des forces de l’ordre.
Cette réalité met également en lumière une question cruciale : comment arbitrer entre la maîtrise des dépenses publiques et les besoins opérationnels des services essentiels ? À ce titre, l’exonération des malus pour certains véhicules de service, comme cela est déjà le cas pour les véhicules des sapeurs-pompiers, a été suggérée par plusieurs responsables de la gendarmerie.
Conséquences économiques et opérationnelles
L’impact de cette crise dépasse largement le cadre institutionnel. Une flotte vieillissante implique des coûts de maintenance plus élevés et une baisse de la productivité des forces de l’ordre. Par ricochet, cela crée une pression supplémentaire sur les budgets locaux et limite la capacité des gendarmes à intervenir efficacement, notamment dans les zones rurales et périurbaines.
Par ailleurs, cette situation fragilise des entreprises partenaires de l’État, comme les carrossiers spécialisés ou les fournisseurs de matériel d’équipement. Les commandes réduites en volume risquent de compromettre la viabilité de ces acteurs économiques, qui jouent un rôle crucial dans la filière industrielle nationale.