Industrie : ArcelorMittal met un coup d’arrêt à son projet de décarbonation

Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’Industrie, a annoncé, le 23 novembre 2024, le report du projet de décarbonation de l’usine ArcelorMittal à Dunkerque. Une décision dictée par la conjoncture économique et les incertitudes réglementaires imposées par l’Union européenne, qui suscite des inquiétudes majeures, tant du côté des syndicats que pour l’avenir de l’industrie sidérurgique française.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 25 novembre 2024 à 12h15
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Industrie : ArcelorMittal met un coup d’arrêt à son projet de décarbonation - © Economie Matin
1,8 milliard d'eurosLe projet de décarbonation de l'usine de Dunkerque d'ArcelorMittal représente un investissement de 1,8 milliard d'euros.

1,8 milliard d'euros pour décarboner la production d'ArcelorMittal

Le projet de décarbonation d’ArcelorMittal pour son usine de Dunkerque, le plus grand haut fourneau européen, estimé à 1,8 milliard d’euros, a été mis à l'arrêt par le sidérurgiste. Annoncé il y a deux ans, ce projet avait pour objectif de réduire les émissions de carbone de la production d'ArcelorMittal, qui représentent 3 % des émissions totales de la France, en remplaçant ses hauts fourneaux à charbon par deux fours électriques. Il inclut également l’installation d’une unité de réduction directe du fer et un programme de recyclage de l’acier. Financé à hauteur de 850 millions d’euros par l’État français, ce projet vise à faire de Dunkerque un modèle européen de transition écologique industrielle.

Pourquoi cette suspension ? En premier lieu, la crise qui frappe la sidérurgie européenne : « La demande et les prix de l’acier sont à des niveaux historiquement bas », explique Marc Ferracci. La Chine surproduit de son côté, tandis que l’usine de Dunkerque ne tourne pas à pleine capacité. Autrement dit, avant de passer à la vitesse supérieure, ArcelorMittal souhaite des garanties qui puissent assurer son équilibre avant d'investir massivement dans la décarbonation de son principal site.

Des obstacles économiques et géopolitiques

ArcelorMittal a conditionné son engagement à se décarboner à des garanties, parmi lesquelles une meilleure protection contre le dumping chinois. Actuellement, 27 % de l’acier plat consommé en Europe provient de Chine à des prix ultra-compétitifs (il représentait 55% au niveau mondial en 2023), ce qui n'est pas sans répercussions pour l'ensemble de la filière européenne. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, encore en phase pilote, est jugé insuffisant par le groupe et ne permet pas d'établir une concurrence équitable, selon le sidérurgiste.

« Le groupe demande désormais des mesures de protection de l’acier européen de la part de la Commission européenne avant d’engager tout investissement de ce type en Europe », synthétisent nos confrères de Usine Nouvelle. Le ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, s’est voulu rassurant, assurant que « la France travaille avec la Commission européenne pour établir un plan d’urgence et défendre la sidérurgie au prochain Conseil européen de compétitivité. »

L'inquiétude monte chez les syndicats

Les syndicats, la CGT en particulier, craignent le pire, ArcelorMittal ayant annoncé la fermeture de deux de ses sites industriels le 19 novembre 2024 : celui de Denain et celui de Reims. « Si ce projet ne voit pas le jour, la moitié de l’usine, notamment la filière fonte, pourrait disparaître », avertit Gaëtan Lecocq, secrétaire général de la CGT à Dunkerque.

Le scénario le plus pessimiste évoqué va jusqu'à une fermeture complète du site de Dunkerque, ce qui toucherait directement 3 200 emplois en CDI et indirectement jusqu’à 9 000 postes dans le Dunkerquois. Comme le rappellent nos confrères du Figaro, pas moins d'une famille sur cinq dans la région dépend directement de l’activité d’ArcelorMittal. Le report de ce projet est un coup dur pour la décarbonation industrielle de la France, mais il témoigne aussi, et surtout, de la pression que les objectifs climatiques et la concurrence exercent sur la filière.

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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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