Titres-restaurant : les restaurateurs restent les premiers bénéficiaires

Depuis plus de cinquante ans, les titres-restaurant incarnent un symbole du soutien aux salariés et de la vitalité de l’économie locale. Ce dispositif concerne aujourd’hui plus de cinq millions de travailleurs français, mais il traverse une période critique. Entre réformes prévues pour 2025 et débats sur son extension, l’avenir des titres-restaurant reste en suspens.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 25 novembre 2024 à 7h30
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25 EUROSDepuis le 1er octobre 2022, le plafond journalier d'utilisation des titres-restaurant est fixé à 25 euros

Mais que disent les chiffres ? Quels sont les enjeux pour les bénéficiaires et les acteurs économiques ? La Commission nationale des Titres-restaurant (CNTR) a publié une étude ce 25 novembre 2024 sur le sujet. Et force est de constater que les restaurants restent le lieu privilégié pour dépenser cet avantage salarial.

Les titres-restaurant : un pilier du quotidien des salariés français

Le titre-restaurant est plus qu’un avantage salarial. Il joue un rôle central dans la vie quotidienne des salariés, qui peuvent accéder à des repas équilibrés à moindre coût, souvent près de leur lieu de travail. Pourtant, les récents élargissements, qui permettent l’achat de produits alimentaires dans les grandes surfaces, soulèvent des inquiétudes dans le secteur de la restauration, très critique sur cette réforme depuis le début. Cette évolution, si elle répond à des besoins conjoncturels liés à l’inflation, dénature selon ses détracteurs l’objectif originel du titre-restaurant : encourager la pause déjeuner et soutenir la restauration.

Les Français dépensent leurs titres-restaurant… au restaurant !

En 2023, selon l’étude d’impact de la CNTR dévoilée par FranceInfo, les titres-restaurant ont permis d’injecter plus de 14 milliards d’euros dans l’économie, un montant qui se répartit entre différents secteurs. Les restaurants traditionnels et rapides en ont capté la plus grande part avec 8,6 milliards d’euros, tandis que les grandes surfaces et les commerces de proximité, comme les boulangers ou les traiteurs, ont bénéficié de 2,9 milliards d’euros chacun. Loin de déserter les restaurants, donc, les Français ont décidé d’utiliser les titres-restaurant un peu partout.

Pourtant, cette manne économique est menacée. Si le dispositif venait à être supprimé ou transformé en profondeur, on estime que 40 000 emplois seraient directement en danger, notamment dans le secteur de la restauration. Les commerçants indépendants, déjà fragilisés par la concurrence des grandes enseignes, pourraient également subir de lourdes pertes.

Secteur Montant injecté (2023) Part des titres-restaurant
Restauration traditionnelle 8,6 milliards d’euros 61 %
Grandes surfaces 2,9 milliards d’euros 20 %
Commerces de proximité 2,9 milliards d’euros 19 %

Ce tableau montre à quel point la restauration reste au cœur du dispositif, même si les grandes surfaces gagnent du terrain.

2025 : une réforme des titres-restaurant pour sauver... ou saboter ?

Face à ces constats, le gouvernement travaille sur une réforme pour moderniser le titre-restaurant en France. L’une des mesures phares proposées par la CNTR dans son étude consiste à recentrer son usage sur les repas consommables immédiatement, comme les plats préparés et les repas pris au restaurant. Cette distinction vise à préserver l’objectif culturel et économique du dispositif, tout en évitant que les titres-restaurant deviennent un simple substitut salarial.

Cependant, l’élargissement de leur usage aux produits alimentaires de base, tel qu’il a été permis depuis 2022, devrait être prolongé jusqu’en 2026, soit deux ans de plus. Une décision du Parlement qui suscite déjà des tensions. Les restaurateurs dénoncent de nouveau une concurrence déloyale et craignent une dilution de leurs parts de marché, tandis que les salariés plébiscitent la flexibilité offerte par cette mesure.

Les défis économiques d’une modernisation des titres-restaurant

Le débat ne se limite pas aux usages. La valeur faciale actuelle des titres-restaurant, fixée en moyenne à 8,75 euros, est jugée insuffisante pour couvrir le coût d’un repas équilibré, qui oscille entre 12 et 19 euros selon les régions. La Commission Nationale des Titres-Restaurant (CNTR) propose une revalorisation progressive, en tenant compte de l’inflation. Une telle augmentation s’accompagnerait d’une réflexion sur la part patronale, actuellement fixée à 60 % du montant des titres.

Mais les enjeux dépassent les simples considérations financières. La réforme doit aussi intégrer une transition vers une dématérialisation totale, une mesure qui simplifierait l’utilisation des titres tout en réduisant leurs coûts administratifs. Pour autant, certains craignent que cette digitalisation ne crée des inégalités entre les salariés, en particulier ceux qui travaillent dans des zones mal desservies par les infrastructures numériques.

Une remise en question structurelle ?

La CNTR met en garde contre un danger plus insidieux : la remise en cause des exonérations fiscales et sociales, qui constituent le socle du dispositif. Dans plusieurs pays européens, la suppression de ces avantages a conduit à un abandon progressif des titres-restaurant. La France pourrait-elle suivre cette trajectoire ? Pour la CNTR, la réponse doit être un non catégorique. L’organisme appelle à sanctuariser ces exonérations, afin de préserver l’attractivité du dispositif pour les employeurs et les salariés.

Les titres-restaurant, malgré leurs défis actuels, restent un pilier incontournable du paysage socio-économique français. Leur modernisation, si elle est menée avec discernement, peut non seulement pérenniser le dispositif, mais aussi renforcer son rôle dans le soutien à la restauration et au commerce de proximité. Le gouvernement et les acteurs concernés ont encore quelques années pour s’accorder sur une réforme équilibrée.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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