La mise en place de la zone à trafic limité (ZTL) à Paris a suscité de vives oppositions. Atteinte aux libertés individuelles, mort annoncée des commerces, engorgement des autres axes sont autant d’attaques qui n’ont cessé d’alimenter le débat citoyen et médiatique. Ces procès d’intention étaient-ils fondés ou relevaient-ils du pur dogmatisme ?
Automobile : Stop aux idées reçues sur la ZTL
Le 4 novembre dernier, la ZTL, couvrant 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements parisiens, entrait en vigueur. Défendu avec fermeté par la mairie, ce projet a été pensé pour réduire la circulation motorisée, renforcer la sécurité routière, diminuer la pollution de l’air, les nuisances sonores et rééquilibrer l’espace public en faveur des piétons et des cyclistes. Et ce, afin d’améliorer le cadre de vie des 110 000 parisiens qui vivent dans l’hypercentre, tout en valorisant le patrimoine historique de la capitale. Sans surprise, la projet a provoqué l’ire des oppositions politiques, soutenues par de nombreux citoyens. Chacun allant de son cri d'orfraie pour dénoncer une mesure liberticide, mal conçue et ô combien dangereuse pour l’économie locale. Les arguments des contempteurs étaient-ils justifiés ?
La ZTL, une atteinte grave aux libertés individuelles ?
L’un des principaux reproches qui a été fait à la ZTL est son aspect liberticide. Pourtant, seules les personnes qui traversent la zone sont affectées par la mesure : par exemple, un automobiliste qui souhaite se rendre du 14e arrondissement au 18e arrondissement, en passant par l’un des arrondissements concernés. Les restrictions ne s’attaquent qu’au trafic de transit. Les personnes qui y vivent, y travaillent, y réalisent des livraisons, une consultation médicale, se rendent dans un magasin ou même chez des amis seront exemptées de toute contrainte. Cela ne changera absolument rien au quotidien d’une grande majorité de Parisiens.
La ZTL, signe-t-elle vraiment la mort des commerces de proximité ?
Piétonnisation des centres-villes, restriction de circulation, vitesse limitée à 30 km/h… Le contre argument économique a toujours collé à la peau des dispositifs visant à réduire la place de la voiture dans les villes.
Ceci s’explique parce que les commerçants ont tendance à surestimer la part de leur clientèle se déplaçant en voiture. Les chiffres d’une enquête menée par la ville de Nancy illustrent clairement le phénomène. Les commerçants interrogés pensaient que 77 % de leurs clients venaient en voiture, alors qu'ils n'étaient en réalité que 35 %. Selon eux, les piétons ne représentaient que 11 % de leur clientèle, contre 39 % dans les faits. Ils estimaient enfin que 1 % de leur clientèle était cycliste, alors qu’elle représentait 13 % des acheteurs. Même constat à Lille dans une étude initiée par Mathieu Chassignet, ingénieur transports et mobilité à l’Ademe (Agence de la transition écologique)1 où la marche constitue le mode de déplacement de 42 % des clients, les transports en commun 28 % et la voiture 21 %.
À Paris, seulement 5 % des clients se rendent dans les commerces en voiture. Il est donc très peu probable que la ZTL nuise à l’activité des commerçants. Et ce d’autant que les automobilistes pourront toujours venir faire des achats dans la zone.
Et pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, d’autres études ont mesuré l’impact des projets favorables à la marche et au vélo sur les commerces. Au moment de l’instauration de la ZFE, les commerçants madrilènes ont dénoncé une perte de chiffre d’affaires de 15 %. L’analyse des données réelles a en fait démontré que le chiffre d’affaires du quartier avait augmenté de 8,6 % au bout d’un an.2 Des études de cas ont aussi été menées aux États-Unis et au Canada. Dans 90 % des cas, les commerces ont bénéficié d’une hausse de leur activité.3
La ZTL déplace le problème ailleurs
Certains estiment que la ZTL a pour effet de congestionner le trafic sur les autres axes. Pourtant, ici aussi, la plupart des études démontrent le contraire. Un travail de recherche a été mené sur les "Low Traffic Neighbourhoods" (LTN) à Londres. Les auteurs constatent que ces zones favorisent une baisse globale de l’usage de la voiture, au profit des modes de déplacement actifs, comme la marche et le vélo. Les LTN ont enregistré une baisse de 20 % des propriétaires de voiture et les habitants utilisaient à terme moins fréquemment leur véhicule : - 43 minutes par semaine après la mise en place de la mesure. Enfin, dans les LTN le nombre de personnes se déplaçant à vélo a augmenté de 46 %.4 Si une augmentation temporaire du trafic comprise entre 11 % et 21 % a d’abord été observée sur les routes périphériques, les flux se sont rapidement rééquilibrés. À Turin, selon une étude du CEREMA, la part modale de la voiture est passée de 78 % à 48 % en une dizaine d’années5. Une nouvelle fois les chiffres démontrent la partialité des arguments visant à discréditer l’intérêt des ZTL.
Les procès d’intention à l’encontre de la ZTL sont-ils légitimes ou dogmatiques ? Le verdict est sans appel : les critiques dont elle fait l’objet ne trouvent pas de justification. En plus d'améliorer la sécurité routière, de diminuer la pollution de l’air et les nuisances sonores, la ZTL, sans contraindre de manière excessive les déplacements de la majorité des Parisiens, contribuera à la bonne santé des commerces de proximité et favorisera la pratique des mobilités actives.
3 Economic impacts on local businesses of investments in bicycle and pedestrian infrastructure: a review of the evidence