Le 8 novembre 2024, le Conseil d’État a annulé un décret datant de juin 2023 qui imposait l’interdiction des sacs plastiques pour les fruits et légumes frais de moins de 1,5 kg. Cette décision repose sur un « vice substantiel » dû à l’adoption prématurée du décret, sans respecter le délai de consultation imposé par l’Union européenne.
Sacs plastiques pour les fruits et légumes : l’interdiction annulée par le Conseil d’État
La réglementation sur les sacs plastiques : cadre législatif et évolutions récentes
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), promulguée le 10 février 2020, visait à réduire drastiquement l’usage des emballages plastiques en France. Parmi ses mesures phares, cette loi interdit, depuis le 1er janvier 2022, l’usage des sacs plastiques pour les fruits et légumes frais non transformés en dessous d’un poids de 1,5 kg. Les produits susceptibles de se détériorer en vrac, comme les herbes aromatiques, certaines jeunes pousses ou les petits fruits fragiles (framboises, fraises, etc.), font cependant l’objet d’exemptions.
En juin 2023, le Gouvernement a émis un décret d’application pour encadrer cette interdiction de manière plus détaillée. Cependant, ce décret a rapidement été contesté par deux syndicats professionnels, Plastalliance et Elipso, qui ont saisi le Conseil d’État pour en obtenir l’annulation. Les syndicats dénonçaient notamment un manque de coordination avec les règles européennes et une entrave aux échanges commerciaux.
Date | Événement |
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10 février 2020 | Promulgation de la loi AGEC, interdisant les sacs plastiques pour les fruits et légumes sous 1,5 kg dès 2022. |
1er janvier 2022 | Mise en application de l’interdiction, avec certaines exemptions pour les produits fragiles. |
Décembre 2022 | Le Gouvernement soumet son projet de décret à la Commission européenne pour consultation. |
8 mars 2023 | La Commission européenne demande le report du décret jusqu’en décembre 2023 pour respecter un règlement européen en cours de discussion. |
20 juin 2023 | Le Gouvernement adopte le décret, malgré la demande de report de l’UE. |
8 novembre 2024 | Le Conseil d'État annule le décret pour « vice substantiel », en raison du non-respect du délai de consultation de l’Union européenne. |
Annulation du décret de juin 2023 : le Conseil d'État sanctionne le non-respect du droit européen
Le 8 novembre 2024, le Conseil d'État a tranché : le décret interdisant les sacs plastiques pour certains fruits et légumes est annulé. Cette décision repose sur un argument juridique solide. En décembre 2022, le Gouvernement avait, comme le stipule la directive européenne 2015/1535, soumis le projet de décret à la Commission européenne. En mars 2023, la Commission a demandé un report jusqu'à décembre 2023, invoquant l'élaboration d'un règlement européen traitant des emballages inutiles, en particulier les emballages à usage unique pour les fruits et légumes frais.
Malgré cette demande formelle, le Gouvernement a adopté le décret en juin 2023 sans respecter le report de 12 mois imposé. Le Conseil d'État a alors conclu que cette adoption prématurée constituait un « vice substantiel ». Ce non-respect du droit européen empêche l'harmonisation des règles techniques, risque de créer des entraves commerciales entre États membres, et ne permet pas aux autorités européennes de statuer sur des normes communes.
Ce manquement aux obligations européennes a conduit à l'annulation pure et simple du décret. Le Conseil d'État a, par ailleurs, ordonné à l’État de verser une indemnisation de 1 500 euros à chaque syndicat requérant, conformément aux dispositions du code de justice administrative.
Point juridique | Description |
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Directive 2015/1535 | Obligation de consultation de la Commission européenne pour toute nouvelle règle technique nationale affectant les échanges commerciaux. |
Décision de report | La Commission européenne a demandé un report de 12 mois en mars 2023, en attendant un règlement européen sur les emballages à usage unique pour les fruits et légumes frais. |
Vice substantiel | Adoption du décret avant expiration du délai de consultation imposé par l’UE, entraînant des conséquences juridiques et commerciales. |
Conséquence juridique | Annulation du décret de juin 2023 et indemnisation de 1 500 euros pour chaque syndicat professionnel plaignant. |
Conséquences de la décision pour les commerçants, le Gouvernement et l’environnement
L’annulation de ce décret crée des implications diverses pour les acteurs économiques, les institutions et le public.
Pour les syndicats professionnels et les commerçants
Les syndicats Plastalliance et Elipso, représentant les industries de l’emballage plastique, ont salué cette décision. Selon eux, le décret imposait une charge supplémentaire aux producteurs d’emballages et aux commerçants.
Pour le Gouvernement français
Le Gouvernement se retrouve contraint de revoir sa stratégie. S’il souhaite réintroduire cette interdiction, il devra cette fois respecter la procédure européenne et consulter de nouveau la Commission. Ce contretemps pourrait également l’inciter à revoir d’autres réglementations en attente, afin d’éviter de nouvelles contradictions avec le droit européen.
En annulant le décret sur les sacs plastiques, le Conseil d'État a rappelé l’importance de l’alignement des politiques nationales avec le cadre européen. Alors que la lutte contre les déchets plastiques reste une priorité, les futurs projets devront s’inscrire dans une dynamique de concertation européenne, assurant ainsi une efficacité accrue pour la protection de l'environnement et une sécurité juridique pour les acteurs économiques.