L’augmentation des droits de douane par les États-Unis sous la présidence de Donald Trump risque de changer les relations commerciales transatlantiques. Cette politique protectionniste vise à combler le déficit commercial américain et à stimuler l’industrie nationale, mais elle soulève des interrogations quant à son efficacité réelle. L’Europe, grande partenaire des États-Unis, se trouve face à un dilemme : réagir pour protéger ses intérêts ou opter pour une approche plus mesurée.
Election de Trump : vers une explosion des droits de douane ?
Les droits de douane comme levier inefficace pour le déficit commercial américain
Les droits de douane, tels que proposés par Donald Trump, semblent peu adaptés pour résoudre les déséquilibres commerciaux des États-Unis. Une hausse généralisée de 10 %, et jusqu’à 60 % pour les produits chinois, devrait, en théorie, rendre les produits américains plus compétitifs sur le marché intérieur. Toutefois, cette stratégie pourrait avoir un effet contraire en raison de l’impact sur la valeur du dollar. En effet, un relèvement des droits de douane pourrait provoquer une appréciation du dollar, réduisant ainsi l’impact compétitif escompté selon Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Astérès.
L’augmentation des droits de douane diminuerait la demande de devises étrangères aux États-Unis en limitant les importations. Cette baisse de la demande affaiblirait les autres devises face au dollar, renforçant mécaniquement la monnaie américaine. Parallèlement, la hausse des prix des produits importés pourrait pousser la Réserve fédérale à relever ses taux d’intérêt, rendant le dollar plus attractif pour les investisseurs étrangers. « Une telle mesure pousserait le dollar à la hausse pour deux raisons principales : la baisse des importations (à court terme) diminuerait la demande de devises étrangères de la part des Etats-Unis, donc pousserait le reste des devises à la baisse par rapport au dollar. De plus, la hausse des droits de douane entraînerait une hausse des prix à la consommation (achats de produits importés plus cher ou de produits fabriqués dans le pays à un prix plus élevé que les importations) qui conduirait la Fed à augmenter ses taux, donc à rendre les placements en dollar plus attractifs. »
L’impact des droits de douane sur l’industrie américaine
L’idée que les droits de douane stimuleraient l’industrie manufacturière américaine est elle aussi contestée. En réalité, de nombreux secteurs de production dépendent d’intrants importés (pièces, composants, matières premières), dont le coût augmenterait avec la hausse des tarifs douaniers. Cette augmentation des coûts de production risquerait d’éroder la compétitivité des produits américains sur les marchés internationaux.
De plus, l’incertitude associée à d’éventuelles mesures de rétorsion par les partenaires commerciaux des États-Unis pourrait freiner les investissements et affecter les chaînes d’approvisionnement. Au final, cette politique tarifaire pourrait générer des effets contre-productifs pour l’industrie américaine, pesant sur son accès aux marchés étrangers tout en limitant son approvisionnement à des coûts compétitifs.
La réponse de l’Europe : pourquoi éviter l’escalade tarifaire ?
Pour l’Europe, l’augmentation des droits de douane américains représente un défi. Une réaction proportionnée, sous la forme de droits de douane équivalents, pourrait paraître une solution pour défendre les intérêts européens face aux pressions commerciales américaines. « La tentation sera grande, si les Etats-Unis augmentent leurs droits de douane, de faire de même, ne serait-ce que d’un point de vue politique, pour montrer que l’Europe se « protège » face à une « agression » américaine. Mais ce n’est pas parce que Donald Trump ferait une erreur de politique économique qu’il faudrait s’empresser de faire la même. Au XIXème siècle, Frédéric Bastiat disait déjà « Ce n’est pas parce que les étrangers ont des côtes rocheuses que nous devons mettre des rochers dans nos ports » », analyse Sylvain Bersinger.
L’Union européenne, qui bénéficie d’un excédent commercial avec les États-Unis, pourrait voir cet avantage réduit si elle adopte des tarifs similaires. En effet, les exportations vers les États-Unis deviendraient moins compétitives, tandis que la hausse des tarifs sur les produits américains entraînerait une augmentation des coûts de production en Europe. Une escalade tarifaire aurait également pour effet d’accroître l’inflation en Europe, en renchérissant les produits importés et en favorisant des substitutions locales souvent plus coûteuses.
Des effets sectoriels pour l’industrie en Europe
Les droits de douane américains auront des répercussions variées selon les secteurs économiques européens. Les industries dépendantes des exportations vers les États-Unis, comme l’automobile ou l’aéronautique, pourraient voir leur compétitivité réduite, affectant leurs parts de marché outre-Atlantique. En revanche, certains secteurs pourraient profiter d’un avantage compétitif sur le marché européen, les produits américains devenant plus coûteux en raison des tarifs douaniers.
D’autres industries pourraient également subir l’impact indirect d’une appréciation du dollar, entraînant une hausse des prix de certaines matières premières, notamment le pétrole, souvent libellé en dollars. Cette hausse des coûts affecterait de manière disproportionnée les industries énergétiques et celles à forte intensité d’énergie, rendant les importations plus coûteuses pour les entreprises européennes.