Alors que la dette publique atteint des sommets et que la France est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif de la part des instances européennes, de nombreux députés plaident pour l’abrogation de la réforme de 2023 relevant l’âge de départ à la retraite. Bien que cette réforme ne résolve qu’une partie des enjeux de financement, elle génère tout de même des économies essentielles pour la pérennité du système de retraites. L’abandonner reviendrait à renoncer à celles-ci, et risquerait de plonger davantage la France dans une crise budgétaire. Cette décision, au-delà des questions politiques ou financières, soulève également de nombreux problèmes techniques qui n’ont pas été anticipés.
Un cataclysme retraites à l’horizon ? Les impacts inattendus de la possible abrogation
Des conséquences immédiates et impactantes pour les retraités et les partenaires sociaux
A côté du relèvement de l'âge de départ, figurent dans la réforme Borne des mesures ayant amélioré les droits à la retraite de nombreux français et sanctuarisé le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des retraites complémentaires. Si l’abrogation était votée, l'Institut de la Protection Sociale alerte sur trois situations qui devront être rapidement tranchées :
Cumul emploi-retraite libéralisé et nouveaux droits à pension :
La réforme Borne a introduit la possibilité pour les retraités ayant liquidé leur pension à taux plein de cumuler emploi et retraite tout en acquérant des droits supplémentaires grâce leurs nouvelles cotisations. Avec l'abrogation, quel sera le sort des 550 000 retraités actuellement en cumul emploi-retraite ? Risquent-ils de perdre ces droits supplémentaires pour lesquels ils avaient commencé à cotiser ?
Reconnaissance des familles nombreuses dans le calcul des droits à retraite de base des professions libérales :
Nouveauté, depuis la réforme Borne, les professions libérales avec trois enfants (jusqu’alors défavorisées) bénéficient désormais d'une bonification de 10% sur leur retraite de base. Ils sont ainsi alignés sur les autres catégories de travailleurs. Que deviendront ces droits en cas d'abrogation ? Devra-t-on demander aux bénéficiaires de rembourser les sommes déjà perçues ?
Sanctuarisation du rôle des partenaires sociaux :
La réforme de 2023 a confirmé l'autonomie des partenaires sociaux dans la gestion des retraites complémentaires. Ces régimes sont d’ailleurs mieux gérés que ceux pilotés par l'État. Avec le projet de retraite universelle, l'État avait tenté à plusieurs reprises de récupérer les réserves de ces régimes complémentaires. Avec l'abrogation de la réforme, quelle position les pouvoirs publics tiendront-ils à l'égard des partenaires sociaux pour garantir leur autonomie ?
Ces trois exemples illustrent parfaitement les répercussions que cette abrogation causerait, en déstabilisant les retraités et en fragilisant le rôle des partenaires sociaux. Elle risquerait d'entraîner de nombreux effets de bord, probablement insoupçonnés. En outre, la première conséquence serait un alourdissement immédiat de la situation financière de la France. Avec un déficit de l’État de plus de 20% chaque année, une dette de près de 3 228 milliards d'euros et une procédure pour déficit excessif engagé par les instances européennes, la France ne peut plus se permettre de prendre de tels risques.
Face à cette situation, l’Institut de la Protection Sociale demande que les propositions d’abrogation soient abandonnées. Il est crucial de concentrer les efforts sur la sécurisation du financement des retraites pour garantir un système juste et pérenne, plutôt que de se lancer dans des réformes à courte vue.