Le 28 octobre 2024, l’alarme a sonné quant aux conséquences environnementales de l’intelligence artificielle (IA), en particulier l’IA générative. Une nouvelle étude parue dans la revue Nature affirme que l’explosion de cette technologie pourrait entraîner la production de millions de tonnes de déchets électroniques chaque année, menaçant de transformer notre planète en un immense champ de déchets toxiques.
Pollution : l’IA va faire exploser le nombre de déchets électroniques
Une augmentation massive des déchets : jusqu’à 5 millions de tonnes par an pour l’IA
L’IA générative, qui permet la création de textes, d’images et de vidéos à partir d’algorithmes sophistiqués, repose sur une infrastructure lourde nécessitant des mises à jour matérielles fréquentes. Une étude publiée dans Nature Computational Science révèle que les centres de données dédiés à l’IA pourraient générer entre 1,2 et 5 millions de tonnes de déchets électroniques par an d'ici 2030. Pour donner un ordre de grandeur, cela équivaut au poids de 10 milliards d’iPhones jetés chaque année.
Les centres de données d’IA fonctionnent sur des serveurs de pointe, souvent remplacés tous les deux à cinq ans pour maintenir des performances élevées. Cette courte durée de vie des équipements, nécessaire pour faire face aux exigences croissantes des algorithmes, est la cause principale de l’accumulation des déchets électroniques. Par exemple, les plateformes de serveurs Blackwell de Nvidia, qui alimentent nombre de ces centres, pèsent en moyenne 1,36 tonne par unité, une masse qui finira tôt ou tard en décharge si elle n’est pas recyclée.
Déchets électroniques : le problème des composants toxiques
Mais le problème est encore pire que prévu. Les déchets électroniques issus de l’IA ne sont pas de simples carcasses métalliques. Ils contiennent des matériaux toxiques tels que le plomb, le mercure, et le cadmium, extrêmement nocifs pour l’environnement et la santé. En effet, 70% des déchets toxiques mondiaux sont issus des déchets électroniques, et ces matériaux, une fois dispersés dans les sols et les nappes phréatiques, représentent un danger grave pour les écosystèmes et les communautés avoisinantes. Aujourd’hui, seulement 12,5% des e-déchets sont recyclés, ce qui signifie que la majorité de ces composants finissent par polluer nos terres et nos eaux.
La gestion de ces composants dangereux reste un défi de taille. Les experts de la durabilité soulignent qu’il est essentiel de trouver des moyens de prolonger la durée de vie des équipements et de développer des technologies de recyclage sécurisées. La non-prise en compte de ces impératifs environnementaux pourrait transformer l’IA en une source d’e-déchets incontrôlable.
Vers une économie circulaire pour l’Intelligence artificielle ?
Les chercheurs recommandent l’adoption d’une économie circulaire. Cette approche consiste à minimiser les déchets en allongeant le cycle de vie des produits, en remanufacturant les composants et en recyclant les matériaux précieux. Selon les estimations de l’étude parue dans Nature Computational Science, cette stratégie pourrait réduire les déchets électroniques de l'IA de 16% à 86%, selon les scénarios.
Les principaux axes de cette économie circulaire sont les suivants :
- Prolonger l’utilisation des équipements pour limiter les besoins en nouveaux appareils ;
- Réutiliser et remanufacturer les composants pour leur donner une seconde vie ;
- Recycler les matériaux précieux tels que l’or, le cuivre et l’argent, afin de les réinjecter dans le circuit industriel.
Le défi est néanmoins de taille : la sécurité des données reste un obstacle majeur, les entreprises étant souvent obligées de détruire les appareils pour éviter tout risque de fuite d’informations sensibles. De plus, le coût de gestion des matériaux toxiques rend le recyclage peu accessible, surtout dans les pays en développement où les méthodes de traitement sécurisées sont souvent absentes.
Impact économique et social des e-déchets de l’IA
Les conséquences de l’IA sur l’environnement pourraient également avoir des répercussions économiques. Chaque année, le monde produit près de 50 millions de tonnes de déchets électroniques, une manne qui représente environ 55 milliards d’euros en métaux et autres matériaux précieux. Cependant, ce potentiel économique est largement sous-exploité : selon le Global E-Waste Monitor, seuls 22% des déchets électroniques sont formellement recyclés. La majeure partie de ces déchets termine dans des systèmes informels de recyclage, souvent dans les pays à faible revenu, où les normes de sécurité sont quasi inexistantes, entraînant des risques élevés pour la santé humaine. Ainsi, l’impact des e-déchets de l’IA crée un fardeau mondial, nécessitant une collaboration transfrontalière pour une gestion éthique et durable des déchets.
Pour éviter que l’IA ne devienne un fléau écologique, les industriels et les gouvernements doivent intensifier leurs efforts pour adopter des normes de durabilité dans la conception des équipements. Les entreprises technologiques, en particulier, peuvent jouer un rôle clé en s’engageant dans des pratiques de conception durable, qui incluent la facilité de recyclage, l’optimisation de la durée de vie des produits, et l’adoption de stratégies de recyclage dans les centres de données.