Budget 2025 : vers une nouvelle taxe sur le sucre ?

Le débat sur la taxation des produits sucrés a retrouvé le chemin de l’Assemblée nationale en octobre 2024 avec la proposition d’instaurer une taxe sur les produits transformés à haute teneur en sucre. Cet amendement, intégré au Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025, ne fait toutefois pas l’unanimité : au sein du gouvernement, la ministre de la Santé et la ministre de l’Agriculture s’écharpent.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 28 octobre 2024 à 7h00
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67%67% des consommateurs estiment que l'imposition actuelle a déjà contribué substantiellement à la hausse des prix des boissons sucrées

Taxe sur le sucre : une réponse à un problème de santé publique ?

La ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, s’est positionnée fermement en faveur de cette nouvelle taxe sur le sucre en discussion. Le 27 octobre 2024, dans une interview avec La Tribune Dimanche, elle a déclaré : « Oui, je suis favorable à des taxes sur les sucres transformés ». Objectif : s'attaquer aux effets néfastes de la consommation excessive de sucre sur la santé publique.

Geneviève Darrieussecq, qui est médecin de formation, est bien consciente des risques sanitaires associés aux sucres ajoutés, souvent responsables de l'obésité et des maladies métaboliques comme le diabète. Pour elle, la taxation de ces produits serait un levier efficace pour sensibiliser la population et encourager une alimentation plus saine. « Avant tout, il faut sensibiliser la population et l’accompagner », a-t-elle souligné, indiquant que la taxe s’inscrirait dans une stratégie plus globale de prévention en santé publique mesure s’inscrit dans une logique budgétaire claire.

Pourquoi une taxe sur le sucre ?

Le gouvernement justifie cette taxe avant tout par des préoccupations de santé publique. La consommation de sucre est un problème majeur en France, comme dans de nombreux autres pays. En 2024, les statistiques montrent que les Français consomment en moyenne 35 kilos de sucre par an, une quantité jugée excessive par de nombreux experts en santé. Les produits transformés, notamment les sodas et les confiseries, sont particulièrement pointés du doigt. Selon une étude publiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la réduction de la consommation de sucre pourrait prévenir des centaines de milliers de cas d’obésité et de diabète à l’échelle mondiale .

La France ne serait pas le premier pays à instaurer une telle taxe. Des pays comme le a Grande-Bretagne ou encore la Norvège ont déjà mis en place des taxes similaires, avec des résultats encourageants en termes de réduction de la consommation de sucre. Au Mexique, par exemple, la consommation de sodas a chuté de 7,6 % après l’introduction d’une taxe sur ces boissons en 2014, selon une étude parue dans la revue médicale The Lancet.

De l’argent pour la Sécurité sociale en pleine période d’austérité

Le gouvernement cherche à trouver des solutions pour équilibrer un budget de la Sécurité sociale mis à mal par des dépenses croissantes. Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, a affirmé que cette taxe pourrait générer « quelques centaines de millions d'euros » par an .

Ces fonds seraient dédiés au financement de la Sécurité sociale, contribuant ainsi à réduire le déficit. Cette dimension budgétaire de la taxe sur le sucre en fait une pierre angulaire du PLFSS 2025, dont la discussion a débuté à l’Assemblée nationale fin octobre 2024.

Taxe sur le sucre : les lobbys s’insurgent… une partie du gouvernement aussi

Cependant, tous les membres du gouvernement ne sont pas alignés sur cette proposition. Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, s’est vivement opposée à cette mesure. Le 26 octobre 2024, elle a déclaré dans une interview à l’agence de presse Agra : « Il ne faut pas ajouter des boulets au pied de nos entreprises au moment où elles se battent pour défendre leur position sur les marchés mondiaux ». Selon elle, une telle taxe risquerait de porter un coup dur à la compétitivité des entreprises françaises, en particulier celles du secteur agroalimentaire qui utilisent massivement du sucre, en particulier dans les aliments transformés.

Annue Genevard a mis en garde contre une taxation qu'elle juge « pas mesurée, pas calibrée, et qui peut mettre en péril des emplois ». Cette crainte est partagée par les lobbies de l'industrie agroalimentaire, qui s'inquiètent de l'impact d'une telle mesure sur leur rentabilité et sur le pouvoir d'achat des consommateurs, puisqu’elles se voient déjà obligées de reporter l’augmentation des coûts de production sur le consommateurs final afin de ne pas rogner sur leurs marges. Le syndicat des boissons sans alcool, par exemple, a publié un communiqué dénonçant les « conséquences délétères sur le pouvoir d’achat » des ménages que pourrait entraîner cette nouvelle taxe.

Un impact potentiel sur l'industrie agroalimentaire ?

La question de l’impact de cette taxe sur l’industrie agroalimentaire est centrale dans ce débat. Geneviève Darrieussecq a tenté de rassurer les artisans, notamment les pâtissiers, en précisant que l’objectif n’était pas de « les punir ou de les pénaliser ». Pour elle, il est primordial que la taxe s’accompagne d’une démarche pédagogique, notamment au sein des centres de formation des apprentis (CFA), où elle souhaite que l’on « apprenne dès le plus jeune âge à travailler avec moins de sucre » .

Geneviève Darrieussecq a également interpellé les industriels, en leur demandant de mieux jouer leur rôle dans cette transition alimentaire : « Les industriels ont aussi une responsabilité collective, et j’aimerais qu’ils trouvent des solutions pour changer leurs recettes ». Cette demande traduit une volonté de ne pas uniquement imposer une charge fiscale mais aussi d’encourager l’innovation au sein des entreprises pour réduire la teneur en sucre des produits transformés.

Quel coût pour les consommateurs et combien cela peut-il rapporter ?

Les répercussions de cette taxe sur les consommateurs sont également au centre des discussions. Si le gouvernement espère récolter plusieurs centaines de millions d’euros grâce à cette mesure, les ménages à faibles revenus pourraient être les plus affectés. En effet, les produits transformés à base de sucre sont souvent moins chers que les alternatives plus saines, ce qui les rend plus accessibles pour les familles modestes.

Les associations de consommateurs ont déjà exprimé leurs inquiétudes face à une hausse des prix qui toucherait de manière disproportionnée les ménages les plus vulnérables.

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Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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