Le 21 octobre 2024, une nouvelle étape a été franchie dans le conflit qui oppose l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) à la plateforme américaine Airbnb. La principale organisation patronale de l’hôtellerie en France accusait Airbnb, plateforme de location touristique de courte durée, de « concurrence déloyale ». Mais la justice en a décidé autrement.
Tourisme : accusée de concurrence déloyale, Airbnb gagne face aux hôtels
Airbnb : une concurrence qualifiée de « déloyale » par les hôteliers
Depuis plusieurs années, les hôteliers français (mais pas que) dénoncent la montée en puissance de la plateforme Airbnb, accusée de détourner une partie de leur clientèle en ne respectant pas les mêmes contraintes réglementaires et fiscales. Le secteur hôtelier reproche à Airbnb de ne pas appliquer les règles strictes imposées aux hôtels, notamment en matière de sécurité, de taxes de séjour et de gestion des données.
En 2018, l’Umih a intenté une action en justice devant le Tribunal de commerce de Paris, arguant que la plateforme provoquait une rupture d’égalité en matière de concurrence. Parmi les principaux points de discorde figurent l’absence de numéros d’enregistrement dans certaines villes, le dépassement des 120 jours légaux de location pour les résidences principales, ainsi qu’une collecte et déclaration de la taxe de séjour jugée imparfaite par les hôteliers.
En réponse, Airbnb a souligné son engagement à respecter la réglementation. En 2023, la plateforme a déclaré avoir collecté plus de 187 millions d’euros de taxes de séjour en France et s’est dotée d’outils permettant aux villes de vérifier le respect des règles sur les locations de courte durée.
La justice tranche : les hôteliers ont tort
Le verdict tant attendu est tombé le 21 octobre 2024. Le Tribunal de commerce de Paris a rejeté l’ensemble des demandes de l’Umih, estimant que les activités des hôteliers et des loueurs via Airbnb sont, dans la majorité des cas, complémentaires plutôt que concurrentes. Il n’a donc pas été prouvé que la plateforme causait un préjudice direct aux membres de l’organisation syndicale.
En conséquence, la demande de dommages-intérêts de 1,5 million d’euros formulée par l’Umih a été rejetée. De plus, l’organisation a été condamnée à verser 40 000 euros à Airbnb pour les frais de justice. Selon Airbnb, la décision confirme que la plateforme respecte les règles en vigueur et qu’elle n’a jamais été en situation de concurrence déloyale vis-à-vis des hôteliers.
« Nous saluons cette décision, qui est avant tout une victoire pour les familles françaises et qui confirme qu'Airbnb respecte les règles applicables aux plateformes », a déclaré un porte-parole d’Airbnb après le jugement.
Les hôteliers font appel : bientôt un épisode deux du feuilleton judiciaire ?
Loin d’accepter ce revers judiciaire, l’Umih a immédiatement annoncé son intention de faire appel. Jonathan Bellaïche, l’avocat de l’organisation, a affirmé que cette décision n’était qu’une étape dans un combat plus long, ajoutant que l’Umih irait « jusqu’au bout » pour obtenir justice.
La procédure pourrait ainsi se prolonger jusqu’à la Cour de cassation, alors que d’autres affaires similaires sont en cours, notamment devant le tribunal de commerce de Lisieux, où une vingtaine d’hôteliers, également représentés par l’Umih, poursuivent Airbnb pour des raisons analogues.
L’enjeu économique de cette bataille est majeur. La France représente le deuxième marché d'Airbnb après les États-Unis, avec plus d’un demi-million de personnes accueillies dans des logements Airbnb lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. La plateforme continue d’investir dans des outils pour garantir une meilleure régulation de ses activités, notamment avec la création de son réseau de co-hôtes permettant une gestion externalisée des biens.
La fiscalité d’Airbnb bientôt durcie ?
Au-delà des questions liées à la concurrence, le dossier Airbnb met également en lumière la problématique de la fiscalité sur les locations meublées touristiques. Certains amendements au projet de budget 2025 en cours de discussion à l’Assemblée nationale visent à durcir la fiscalité appliquée aux meublés touristiques, qui bénéficie aujourd’hui d’un régime fiscal plus avantageux que celui de la location longue durée.
De quoi potentiellement limiter la croissance d’Airbnb en France, puisque le gouvernement aimerait que les propriétaires, en particulier ceux qui ne louent sur les plateformes que des résidences secondaires, remettent leurs biens en location longue durée. Ce qui aurait pour effet de réduire la tension locative dans l’Hexagone.