Les banques européennes devraient pouvoir résister à la baisse des taux

Les banques européennes sont en passe de surperformer le marché boursier européen pour la quatrième année consécutive. Sur fond de poursuite de l’assouplissement monétaire par la Banque centrale européenne, la question désormais est de savoir si les banques européennes pourront supporter un environnement de taux d’intérêt plus bas.

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Par Claudia von Türk Publié le 11 octobre 2024 à 5h30
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3%Le taux du Livret A est gelé à 3% jusqu'en 2025.

La remontée des taux d’intérêt depuis la pandémie a été une bénédiction pour les banques européennes, l’accroissement des marges nettes d’intérêt ayant dopé les revenus nets d’intérêts. Conjuguée à une discipline en matière de coûts et à de faibles niveaux de provisions pour pertes sur prêts, cette évolution a amélioré le rendement sur capitaux propres.

Les ratios de fonds propres ont également augmenté ces dernières années et la plupart des banques européennes sont confortablement capitalisées. Certaines disposent même d’un excédent de capital considérable. Par conséquent, le rendement du capital a été un élément marquant pour les investisseurs dans le secteur bancaire. Le rendement moyen des dividendes ajouté à celui des rachats d’actions devrait se traduire par un rendement total moyen supérieur à 10% en 2024-2025.

Implications pour les bénéfices

Quand bien même le bénéfice avant impôt des banques européennes au deuxième trimestre 2024 a dépassé de 10% les attentes du marché, les revenus nets d’intérêts se sont avérés conformes aux prévisions et ne génèrent plus de surprises positives. Le surcroît de bénéfices par rapport aux attentes émane de revenus provenant de sources autres que les intérêts, telles que les frais, les activités de négoce et de banque d’investissement, ou les provisions pour pertes sur prêts et les coûts.

La baisse des revenus d’intérêts est susceptible d’engendrer une dynamique moins favorable des bénéfices par action (BPA), un moteur essentiel de l’évolution du cours des titres bancaires et, pour certaines banques, pourrait même conduire à des révisions à la baisse des BPA.

Particulièrement concernées sont les banques sensibles aux taux d’intérêt, telles que les banques italiennes, espagnoles ou suédoises. En Espagne, les hypothèques sont généralement établies sur la base de l’Euribor à 12 mois, l’indice de référence du marché monétaire libellé en euros, qui a baissé. Au fil du temps, une pression sur les marges nettes d’intérêt pourrait s’ensuivre. Les banques bénéficiant d’une réévaluation des actifs immobilisés à des taux plus élevés, ou qui ont mis en place des couvertures (comme en France et au Royaume-Uni), devraient mieux résister.

Bien entendu, la baisse des taux pourrait favoriser la croissance des prêts, largement absente ces dernières années. De fait, certains signes laissent à penser que la longue période de désendettement de l’Espagne touche à sa fin. Un rebond des prêts pourrait contribuer à compenser une partie de la pression sur les marges nettes d’intérêt. Les revenus autres que les intérêts tendent également à bénéficier de la baisse des taux et de nombreuses banques ont renforcé ces activités, tout en s’efforçant de réduire leur sensibilité aux taux d’intérêt.

Partant, le cycle de révisions haussières des bénéfices semble avoir pris fin, avec même un risque de révisions à la baisse. Tant que les taux d’intérêt ne refluent pas sous la barre des 2%, la rentabilité devrait toutefois s’avérer plutôt résiliente. Nous prévoyons une stabilisation du rendement sur capitaux propres tangibles des banques cotées en bourse autour de 11% ou 12% en 2025-26, par rapport à leur niveau actuel d’environ 13%. Cela devrait soutenir la génération de fonds propres, ainsi que le rendement du capital, qui reste l’un des principaux attraits du secteur pour les investisseurs.

Renforcer la résilience

Le ralentissement de la dynamique bénéficiaire pourrait cependant conduire les dirigeants des banques à rechercher d’autres sources de bénéfices. Une situation qui pourrait se traduire par une augmentation des activités de fusion et d’acquisition (F&A). Et qui pourrait être à l’origine d’une récente offre publique d’achat hostile en Espagne, ou de l’acquisition par une banque italienne d’une participation dans une banque allemande. Dans les deux cas, des synergies de coûts existent, car ces opérations peuvent être considérées comme des transactions sur le marché national (la banque italienne possédant également une banque allemande). Les synergies y sont ainsi plus élevées. Compte tenu de la structure fragmentée du marché bancaire européen, les opérations purement transfrontalières restent complexes et les synergies plus difficiles à réaliser. Cela dit, les acquisitions complémentaires destinées à renforcer un segment d’activité ou à acquérir de nouvelles compétences sont plus fréquentes et généralement mieux accueillies par les investisseurs. Nous nous attendons à davantage d’opérations de ce type, et peut-être à davantage d’opérations intra-marché. Nous nous méfions par contre en général des F&A transfrontalières, car la création de valeur peut s’avérer ardue. Les investisseurs ne devraient donc pas tabler sur une vague de transactions transfrontalières.

La baisse des taux d’intérêt étant susceptible d’entraîner une certaine pression sur les bénéfices, les banques se sont efforcées de renforcer leur résilience en réduisant un peu leur sensibilité aux taux d’intérêt, en augmentant les revenus tirés des frais et, dans certains cas, en envisageant des acquisitions sur le marché où elles opèrent déjà. Ces mesures devraient permettre de stabiliser le rendement sur capitaux propres tangibles à des niveaux supérieurs aux niveaux historiques et, ainsi, de soutenir le rendement du capital. De l’ordre de 7%, les rendements des dividendes sont particulièrement intéressants pour les investisseurs en quête de revenus. Le secteur est également bon marché, se négociant à un multiple cours/bénéfices d’environ sept fois les estimations pour 2025, toujours inférieur à sa moyenne historique de huit fois les bénéfices. Le coût des capitaux propres demeure par ailleurs élevé en Europe, en raison des inquiétudes macroéconomiques et politiques. Pour que le mouvement haussier se poursuive, le marché a besoin d’être rassuré sur ces points – et d’avoir la confirmation que les bénéfices résisteront. Ce qui pourrait se produire grâce aux couvertures, à la revalorisation de certains actifs figurant au bilan, aux revenus provenant des frais et de la banque d’investissement. Nous privilégions les banques exposées à ces tendances et qui restituent du capital.

Pour l’heure, nous conservons une opinion neutre à l’égard du secteur financier européen et de ses établissements bancaires. Nous préférons le profil risque/rendement disponible ailleurs, notamment dans le secteur des matériaux pour son exposition à des entreprises cycliques de haute qualité, et dans le secteur de l'énergie pour ses rendements totaux attractifs.

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Cvonturk

Analyste recherche actions senior, secteur bancaire

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