Telegram change de cap. La célèbre messagerie chiffrée, jusque-là réfractaire à collaborer avec les autorités, a répondu à plus de 200 requêtes judiciaires françaises au troisième trimestre 2024. Un revirement inattendu pour une plateforme longtemps perçue comme un bastion de la confidentialité. Explications.
Telegram cède face aux demandes de la justice française
Une hausse spectaculaire des demandes judiciaires
Le chiffre est surprenant : 210 requêtes judiciaires par Telegram en France, entre juillet et septembre 2024, contre seulement 4 au premier trimestre 2024. Soit une hausse spectaculaire de 5 150 % ! Une collaboration inédite pour l’application de Pavel Durov, réputée pour sa résistance aux injonctions judiciaires. Jusqu'à récemment, Telegram ne donnait suite qu'à un nombre infime de demandes. Ce revirement fait suite à l'arrestation en France de son fondateur, Pavel Durov, fin août 2024, pour de nombreuses infractions liées à son application de messagerie. Depuis, la plateforme semble avoir modifié sa politique interne, fournissant désormais aux autorités françaises des informations comme les adresses IP et les numéros de téléphone de ses utilisateurs.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon le dernier rapport de transparence de Telegram, 632 utilisateurs ont vu leurs informations partagées avec les autorités françaises au cours du troisième trimestre 2024. Ce nombre est sans précédent, surtout lorsqu’on le compare aux 17 utilisateurs concernés au premier trimestre 2024. Telegram, qui se disait autrefois le protecteur absolu de la vie privée, accepte dorénavant de collaborer dans des cas de "demandes légales et valides". En d'autres termes, l'entreprise a élargi les cas de transmission de données, auparavant limités aux seuls suspects d'activités terroristes. Elle inclut à présent des infractions plus larges, en réponse aux nombreuses pressions exercées par les gouvernements européens.
Le patron de Telegram minimise l'impact
Malgré l'ampleur de ces chiffres, Pavel Durov reste catégorique : "Peu de choses ont changé". Selon le fondateur de Telegram, la coopération avec la justice n'a pas de lien direct avec ses démêlés personnels. Durov affirme que les autorités utilisent désormais les bons canaux de communication, notamment le DSA, pour formuler leurs demandes de manière appropriée. Cette déclaration laisse toutefois planer le doute. D'une part, Telegram souligne son engagement continu envers la confidentialité et la liberté de ses utilisateurs, affirmant qu'elle respecte les lois locales tant qu'elles ne "vont pas à l'encontre de [ses] valeurs". D'autre part, les changements montrent un assouplissement des règles de partage de données. Selon le PDG de 39 ans, ce serait plutôt une "rationalisation" des politiques de confidentialité dans différents pays.
Qu’en est-il des autres pays ? Telegram coopère différemment selon les territoires. En Inde, le marché le plus important de la plateforme, Telegram a répondu à plus de 2 000 demandes au troisième trimestre, tandis qu’au Brésil, le chiffre est stable à 75 réponses. Il convient aussi de rappeler que toutes ces requêtes n’ont pas forcément été formulées au cours du troisième trimestre 2024. Certaines datent d’avant le changement de politique et ont été validées récemment pour répondre aux attentes des autorités françaises. Une stratégie de communication de la part de Telegram pour apaiser les critiques ? La publication du prochain rapport de transparence, prévue en janvier 2025, nous en dira sans doute plus.