Soumis à des impératifs pluriels, et confronté à une crise majeure, le secteur du logement social se transforme et innove. Une stratégie numérique bien pilotée est au cœur des enjeux.
Logement social : a-t-il un DSI dans l’immeuble ?
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Publié le 29 septembre 2024 à 16h00
La digitalisation des organismes de logement social en France est aujourd’hui un sujet de société. Si elle a considérablement progressé ces dernières années, elle a en effet pris une dimension nouvelle. À la question provocatrice posée en titre, la réponse est donc bien évidemment positive ! Qu’il s’agisse de gestion locative, de maintenance, d’accès aux services ou d’exploitation des données, notamment pour optimiser la gestion des ressources, les technologies numériques ont bouleversé le secteur, en délivrant une large palette de services, pour le gestionnaire et pour l’habitant. Les bailleurs sociaux ont investi et continuent d’investir dans ces technologies, à hauteur de leurs moyens.
Le logement social joue un rôle central dans nos sociétés. C’est un secteur d’innovations. C’est aussi un secteur en crise dont la digitalisation s’est accélérée, en partie du fait de la crise. Pour autant, il reste beaucoup à faire, pour rattraper un retard persistant, mais aussi et surtout pour que les directions informatiques réussissent à soutenir leurs organisations dans leur dynamique de transformation, dans la mise en œuvre de leurs obligations réglementaires et mission d’intérêt général : améliorer le quotidien des 10 millions d’occupants de logements sociaux en France.
À l’origine, la transformation numérique du secteur s’est en quelque sorte imposée, à la faveur d’événements et de décisions politiques :
- La loi Elan de novembre 2018 a encouragé la concentration des acteurs et l’émergence de poids lourds, avec des capacités d’actions et d’investissements - on l’a vu - accrues. Elle a soutenu le déploiement numérique, au titre de l’amélioration du cadre de vie et de la simplification des procédures.
- La crise du logement social est également due à une réduction drastique des capacités de financement des bailleurs sociaux : les lois de financement ont grevé leurs ressources, l'explosion des taux d’intérêt a augmenté leur endettement, et l'effort de rénovation énergétique du patrimoine existant, bien que nécessaire, s'est fait « au détriment » de la production de nouveaux HLM.
- Enfin, en imposant la rénovation des logements les plus énergivores pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la loi Climat et résilience d'août 2021 a définitivement lié l’enjeu d’efficience énergétique à la transition numérique. Intégrer des outils de pilotage énergétique est en effet un moyen indispensable pour répondre à l’enjeu de réduction de la consommation d’énergie dans des bâtiments 2.0.
De nouvelles DSI dans une organisation repensée
Ces défis ont conduit les bailleurs sociaux à devoir se réinventer, les plus gros d’entre eux ouvrant la voie. Dans ces organisations de poids, au cœur du réacteur, les directions des systèmes d’information, qui n’avaient en général même pas ce nom, ont connu des évolutions marquantes, dans leur organisation et dans leur posture. Le secteur manquait de culture et de compréhension des enjeux du numérique. C’est beaucoup moins vrai, aujourd’hui :
- La fonction de RSI, au départ simple gestionnaire des équipements informatiques de son organisation, s’est transformée : des directions informatiques ou DSI regroupant parfois jusqu’à une centaine de collaborateurs ont été mises en place, avec des moyens financiers accrus, et une place revue au sein de l’organisation.
- Le rôle de ces nouvelles DSI est désormais stratégique : en déployant une vision et la mise en œuvre de schémas directeurs à 3 ou 5 ans, au service de la stratégie globale de l’organisation, le DSI a changé de posture.
- L’organisation globale a été repensée, sur la base d’un rapprochement entre l’IT et la gestion du patrimoine immobilier, de la rénovation à la construction. Jusqu’à présent, ces deux services distincts, l’un récent, l’autre historique, fonctionnaient en silos : en digitalisant le parc HLM, il devient nécessaire de faire converger les métiers, en liant les portefeuilles de projets. Et d’apprendre à travailler ensemble.
- Pédagogue, plus visible, davantage challengé, le DSI doit aujourd’hui faire la preuve de son efficacité. Il doit montrer à sa direction générale comment ce qu’il met en place contribue à la réalisation des objectifs, tout en contrôlant ses dépenses, et en s’adaptant à des cycles plus courts que dans le passé. L’acculturation IT qu’il est amené à conduire suppose aussi qu’il insuffle davantage d’agilité dans les process et les modes de fonctionnement.
L’IA générative au service de la proximité avec le locataire
Ces bouleversements sont en cours et la transformation en marche, sur tous les fronts. L’avenir va encore connaître de nombreux changements. L’IA générative, dont on parle dans tous les secteurs d’activités, offre de nouvelles opportunités dans le logement social, autant pour la qualité de service et la relation avec le locataire que pour l’optimisation des coûts de gestion liés.
Dans le secteur de l’habitat social, le locataire est au centre, avec un enjeu majeur pour son bailleur : améliorer le service en continu, tout en optimisant le temps de gestion de la relation. Un chatbot intelligent, avec un modèle de langage conversationnel connecté à une base de connaissances, permettra au gestionnaire du parc de perfectionner la qualité et les délais de réponses aux locataires, en automatisant une partie de ces réponses. Ainsi, le bailleur gagne en réactivité et précision, pour plus de satisfaction, et optimise sa gestion, en connectant les informations entre elles.
De plus, l’IA ouvre un nouveau champ des possibles dans la maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments. Nourrie d’informations en temps réel, son usage ouvre la porte à l’anticipation des pics de consommation, permettant des ajustements immédiats pour une efficacité énergétique optimale. Les locataires, informés de leur consommation via des outils conversationnels, peuvent adapter leur comportement pour économiser l'énergie, tandis que les bailleurs peuvent surveiller et optimiser les consommations à l'échelle globale. Cet usage de l’IA peut ainsi contribuer à une réduction significative de l'empreinte écologique des bâtiments, mais aussi financière.
L’IA générative peut aussi contribuer à réduire la fracture numérique par une meilleure accessibilité au plus grand nombre : lorsque l’on est éloigné du numérique, il est plus simple de dialoguer avec un chatbot sur son mobile que de surfer sur Internet. Cet enjeu de proximité s’articule avec les enjeux budgétaires et environnementaux précédemment analysés.
En conclusion, la transformation numérique du logement social, soutenue par la loi ELAN, redessine le paysage du secteur HLM. Les collectivités, dans le sillon des politiques smart cities, et les locataires, en quête de services modernisés, impulsent ce mouvement. L’innovation, toujours présente dans ce secteur, trouve un nouveau souffle grâce à la maturité digitale, devenue un facteur essentiel de différenciation.
Cependant, cette digitalisation massive entraîne des enjeux cruciaux de stockage, de structuration et de sécurisation des données. Le passage au cloud computing, bien qu’offrant flexibilité et scalabilité, pose des défis de souveraineté des données. Les données sensibles des locataires doivent être protégées contre les cyberattaques et les violations de la vie privée. Des systèmes avancés de gestion des données sont nécessaires pour organiser, analyser et exploiter ces informations, transformant ainsi les données en insights précieux.
La sécurisation des données est prioritaire. Les organismes doivent adopter des mesures robustes, incluant chiffrement, authentification renforcée et audits réguliers, tout en se conformant aux réglementations comme le RGPD pour garantir la protection des données personnelles et maintenir la confiance des locataires.
Réussir cette transition numérique est une opportunité unique pour les organismes de logement social de se réinventer, améliorer le quotidien des locataires et répondre aux défis environnementaux et économiques de demain. Dans quelques années, il sera temps de faire le bilan pour évaluer les succès de cette transformation digitale, mesurer l’impact des innovations portées par les DSI du logement social, confirmant leur contribution à une gestion locative plus efficace et durable.