Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, ne mâche pas ses mots : « le prochain budget sera sans doute le plus délicat de la Ve République ». Dans un entretien accordé au Parisien le 7 septembre 2024, celui-ci appelle le prochain gouvernement à prendre des mesures rapides et strictes pour éviter que la France tombe dans un crise économique sans précédent.
Budget 2025 : Pierre Moscovici alerte sur le risque de shutdown de la France
« Un pays trop endetté est un pays impuissant ! »
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, tire la sonnette d'alarme sur la situation financière de la France dans un entretien au Parisien dimanche 7 septembre 2024. Avec une dette publique qui dépasse 3 100 milliards d'euros, et un déficit public qui pourrait atteindre le 5,6% de son PIB en 2024, et même 6,2% en 2025, la France fonce droit dans le mur. Le premier précisant de la Cour des comptes est catégorique : « Nous devons impérativement maîtriser notre dette, sans quoi notre situation budgétaire, déjà sérieuse, pourrait devenir dangereuse. Un pays trop endetté est un pays impuissant ! ». Il insiste sur l'urgence de présenter un budget crédible et complet, plutôt qu'une simple architecture à dépense constante. « Cela ne réduirait pas suffisamment les déficits, et la qualité de la dépense publique ne serait pas améliorée », a-t-il martelé au Parisien.
Face à cette urgence, Pierre Moscovici recommande de prendre quelques jours de plus pour déposer un projet de loi de finances 2025 sérieux, même si cela signifie le remettre une à deux semaines après le 2 octobre 2024, soit après la date limite. Après, il sera trop tard : « les textes prévoient, et c’est un impératif démocratique, qu’il y ait 70 jours de débat au Parlement » précise-t-il. Il appelle à une véritable rupture budgétaire et estime que la loi de programmation des finances publiques, qui vise à ramener le déficit à 3 % en 2027, est « caduque ». Pour atteindre cet objectif comme le souligne le premier président de la Cour des comptes, il faudrait réaliser une centaine de milliards d'euros d'économies en trois ans, ce qui, selon lui, est « brutal, difficilement faisable politiquement, peu acceptable socialement et économiquement guère cohérent ».
Un débat fiscal inévitable
Sur la question de la fiscalité, Pierre Moscovici adopte un ton franc : « le débat fiscal ne doit et ne peut pas être tabou ». Il reconnaît que la hausse des impôts n'est pas souhaitable, mais pourrait être nécessaire, tout en reconnaissant que ceux-ci asphyxient déjà les classes populaires et moyennes. « On peut faire des économies intelligentes, qui ne dégradent pas les services publics », assure-t-il. Le premier président de la Cour des Comptes appelle en effet le prochain gouvernement à cibler les prochaines coupes budgétaires, évoquant notamment les contrats d'apprentissage.
Enfin, Pierre Moscovici, comme une mise en garde à destination des parlementaires, a tenu à souligner les conséquences qu'un rejet du projet de loi de finances 2025 pourrait provoquer. Sans budget, la France pourrait se retrouver en situation de « shutdown », c'est-à-dire être complètement paralysée dans ses activités : « le gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés »Les prestations sociales (telle que la CAF ou l'Affection de longue durée (ALD)) ne seraient plus distribuées, les fonctionnaires ne seraient plus payés », avertit-il. « Le gouvernement (pourra néanmoins) demander d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés » précise Pierre Moscovici.