Agrocarburant : « la France brûle de la nourriture pour consommer de l’énergie »

Le 11 septembre 2024, Oxfam a publié le 11 septembre 2024 un rapport sur l’impact dévastateur des agrocarburants. Cette étude révèle des faits préoccupants : les terres destinées à la production d’agrocarburants pourraient nourrir 1,6 milliard de personnes. L’ONG appelle à repenser les politiques énergétiques en France et en Europe, à l’heure où les agrocarburants, présentés comme une solution verte, aggravent les crises climatiques et alimentaires.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 11 septembre 2024 à 13h05
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10,8%Seulement 10,8% des terres cultivées sont destinées à l'agriculture biologique.

De la nourriture produite en Europe qui finit en carburant

Les agrocarburants, largement utilisés en France et dans l'Union européenne, sont au cœur du débat. Avec 86% de ses agrocarburants issus de cultures, la France domine la consommation européenne. Ce choix a engendré une augmentation de 39% de l’usage des agrocarburants entre 2013 et 2021.

L’un des aspects les plus choquants du rapport est l'impact des agrocarburants sur la faim dans le monde. Oxfam souligne que les terres utilisées pour la production de ces carburants concurrencent directement celles destinées à l’alimentation humaine. En effet, 10% de la production agricole annuelle de l’Union européenne est détournée pour produire des agrocarburants. Ainsi, en 2022, les cultures destinées aux agrocarburants auraient pu satisfaire les besoins énergétiques de base de 1,6 milliard de personnes si elles avaient été consacrées à l'alimentation. Selon Quentin Ghesquière, chargé de plaidoyer chez Oxfam, déclare sur France Inter que « la France brûle de la nourriture pour consommer de l'énergie », aggravant la crise alimentaire mondiale en augmentant le prix des denrées.

Agrocarburants et climat : une solution illusoire

Bien que souvent présentés comme une alternative écologique, les agrocarburants se révèlent en réalité être une menace pour le climat. Contrairement aux idées reçues, ces carburants émettent souvent plus de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles, notamment à cause du changement d'affectation des sols. En Europe, les terres utilisées pour ces cultures représentent l’équivalent de la superficie de l'Irlande. Ces espaces, qui pourraient servir de puits de carbone, sont transformés en champs de soja et de canne à sucre, contribuant à l’aggravation du réchauffement climatique. Oxfam déplore que l’on détourne ainsi des terres qui pourraient être utilisées pour produire de l’énergie solaire, une alternative bien moins énergivore. Il suffirait de 2,5% de ces terres pour produire la même quantité d’énergie avec des panneaux solaires.

Outre l’impact environnemental, la production d’agrocarburants est également marquée par des violations des droits humains. Des travailleurs, notamment dans des pays du Sud, sont souvent victimes de conditions de travail inhumaines. L'ONG observe des pratiques de répression des droits civiques et des violations des droits des travailleurs dans les plantations qui alimentent le marché européen. Ces injustices sociales sont une raison supplémentaire pour reconsidérer l’usage des agrocarburants.

Les recommandations d’Oxfam : mettre fin aux agrocarburants

Face à ce constat accablant, Oxfam appelle l'Union européenne et la France à agir rapidement. L’ONG recommande de mettre fin, d’ici 2030, à l'utilisation des agrocarburants provenant de cultures alimentaires. Oxfam demande également de cesser immédiatement l’utilisation de matières premières à fort risque de changement d'utilisation des sols, telles que l’huile de soja et de palme.

En France, Oxfam préconise l'introduction d'une comptabilisation et d’un reporting strict des émissions de gaz à effet de serre (GES), y compris celles liées au changement d’affectation des sols. De plus, un indicateur spécifique pour suivre l'impact des agrocarburants sur les prix alimentaires devrait être mis en place, afin de protéger les populations vulnérables des hausses excessives de prix. Enfin, l’ONG invite à inclure dans les plans nationaux sur le climat et l’énergie un reporting social pour garantir les droits des travailleurs impliqués dans les chaînes d’approvisionnement.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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