Depuis une décennie, la France s’est imposée comme l’un des principaux demandeurs d’accès aux données des utilisateurs auprès des géants de la technologie. Entre 2013 et 2022, les autorités françaises ont sollicité les entreprises telles que Google, Meta, Apple et Microsoft pour obtenir les informations de près de 400 000 comptes, un chiffre qui place la France en cinquième position mondiale.
Surveillance des internautes : la France numéro 3 en Europe
L'explosion des requêtes gouvernementales sur l’identité des internautes : un phénomène global
À l’échelle mondiale, les demandes d’accès aux données des utilisateurs ont été multipliées par huit au cours des dix dernières années. Rien qu'en 2022, on observe une augmentation de 38 % des demandes par rapport à l'année précédente, selon le dernier rapport de Surfshark. Les gouvernements du monde entier, notamment ceux des États-Unis et de l’Union Européenne, semblent de plus en plus dépendants des informations numériques pour mener à bien des enquêtes criminelles, administratives ou civiles. « Au total, près de 9 millions de comptes ont été demandés dans 190 pays entre 2013 et 2022 », écrit Surfshark.
Aux États-Unis, les autorités ont sollicité plus de deux fois plus de comptes par habitant que l’ensemble des pays de l’Union Européenne réunis. Cette tendance mondiale est alimentée par une perception croissante des données numériques comme une ressource indispensable pour garantir la sécurité nationale. Les géants de la tech, tels que Google et Meta, ont été au cœur de cette demande et ont offert un accès à une mine d’informations privées.
La France en tête des requêtes européennes : une course à la surveillance ?
En Europe, la France se distingue par son nombre élevé de requêtes. Avec 616 comptes demandés pour 100 000 habitants, elle se classe au cinquième rang mondial et au troisième rang européen, juste derrière l’Allemagne et ses 850 comptes pour 100.000 habitants. En comparaison, la moyenne mondiale est de 103 comptes pour 100 000 habitants, soit cinq fois moins que la France.
Cette position privilégiée soulève de nombreuses interrogations. Pourquoi la France, plus que d’autres pays, juge-t-elle nécessaire de solliciter autant d'informations personnelles ? La lutte contre le terrorisme et la criminalité sont souvent invoquées comme justifications principales. Cependant, l'ampleur des demandes et leur constante augmentation laissent craindre un glissement vers une surveillance de masse qui pourrait nuire aux libertés individuelles.
Le rôle des Big Tech : transparence ou complaisance ?
Meta, Google, Apple et Microsoft, les géants de la technologie, jouent un rôle central dans cette dynamique. En France, ces entreprises ont fourni des données pour environ 221 000 demandes au cours des dix dernières années, avec un taux de divulgation de 71 %. Meta, en particulier, se distingue par le nombre le plus élevé de divulgations, avec près de 97 000 comptes concernés. De quoi conforter l’idée que l’anonymat, sur Internet, n’est qu’une pure illusion
Les géants de la technologie sont souvent critiqués pour leur manque de transparence et la facilité avec laquelle ils accèdent aux requêtes gouvernementales. D’un côté, ils sont tenus de protéger les données des utilisateurs ; de l’autre, ils doivent répondre aux exigences des autorités sous peine de sanctions. Et ça pourrait bien empirer, selon Goda Sukackaite, conseiller en matière de protection de la vie privée chez Surfshark, qui rappelle que « la récente proposition de loi du Conseil de l'Europe sur le contrôle des conversations pourrait considérablement élargir l'accès des gouvernements aux données individuelles privées. »