Extrait du livre de Frédéric Canevet, Adapter son business dans un monde en déconsommation, édition Eyrolles, 2024.
La déconsommation est-elle inévitable ?
Déconsommation – décroissance, un lien de facto
Si vous avez acheté ce livre, c’est que vous considérez que la déconsommation ou la décroissance sont des phénomènes qui ont une forte probabilité de survenir dans les années à venir.
Pourtant, vous avez dû vous en rendre compte, c’est loin d’être une évidence pour tous. Et en entreprise plus qu’ailleurs. C’est normal, les entreprises sont conçues et organisées pour viser la croissance. Cette course au toujours plus est liée à l’augmentation continue du PIB depuis les années 1970 (1). Ces cinquante dernières années ont façonné la manière de fonctionner des entreprises.
Dans nos sociétés modernes, une entreprise est faite pour gagner de l’argent et, si possible, croître d’année en année. Sauf difficulté financière, un directeur général aura énormément de mal à justifier une baisse du chiffre d’affaires. Les actionnaires qui investissent dans une entreprise veulent récupérer des bénéfices, et surtout pas voir fondre leur capital. Le discours sur la déconsommation ne peut donc être audible qu’à la seule condition de préserver la marge, à défaut du chiffre d’affaires.
Pourtant, il faudra se faire une raison : la croissance infinie est impossible. Les ressources énergétiques et les matières premières ne le sont pas, d’autant plus que la consommation s’accélère avec l’augmentation de la population et la sophistication des besoins. Mais ce qui est encore plus problématique, c’est que la transition énergétique s’ajoute aux autres difficultés à venir. Nous allons devoir gérer le réchauffement climatique, la réduction de la biodiversité, la pollution... avec moins de moyens pour les résoudre.
Nous faisons face à un problème systémique avec de multiples causes et effets : les phénomènes cités ci-avant sont interdépendants et s’alimentent mutuellement. Ainsi, avec moins de ressources énergétiques, nous aurons moins de moyens pour continuer à soutenir une agriculture performante lors de périodes de sécheresse à répétition, de phénomènes climatiques hors norme (2)...
Point d'attention
La science peut-elle nous sauver ? C’est ce que prédit Antoine Buéno dans son livre L’effondrement (du monde) n’aura (probablement) pas lieu (1). Selon lui, l’ingéniosité humaine va trouver des solutions inédites pour gérer les problèmes. Si cela a été vrai dans certains cas (l’énergie atomique, les engrais chimiques avec le procédé Haber- Bosch...), l’histoire montre que ce n’est pas toujours vrai, par exemple avec l’effondrement de la civilisation maya, et ce malgré son savoir-faire avancé pour l’époque (2).
C’est pourquoi ce livre se fondera sur un postulat simple : la décroissance et la déconsommation seront inévitables, même si elles ne doivent survenir que dans dix ans, trente ans ou cinquante ans. Dès lors, un chef d’entreprise doit anticiper et s’y préparer.
C’est aussi un devoir moral d’anticiper la crise à venir, car si rien n’est pensé pour amortir le choc, les fondements mêmes de notre société seront remis en question. Le désordre et le manque de préparation vont entraîner le chaos, et donc des prises de position et des changements radicaux. Si une « révolution » survient, comme l’appelle Timothée Parrique dans son livre Ralentir ou périr (3), cela va entraîner une casse sociale, économique et humaine qu’il faut tenter d’éviter, ou du moins de limiter.
La déconsommation : une vision sociétale à plusieurs niveaux
Si les limites planétaires, le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité... semblent être des faits reconnus scientifiquement, pourquoi n’y a-t-il pas un consensus sur la nécessité de la déconsommation ? Les raisons sont multiples et dépendent de plusieurs éléments. Cela peut être lié aux valeurs et croyances, certaines personnes considérant que la science pourra tout résoudre. Cette idée peut aussi être contraire aux intérêts personnels. Par exemple, un créateur d’entreprise qui croit à son idée de voyages VIP à l’autre bout du monde pourra difficilement accorder de la crédibilité à une analyse qui brisera son concept. Sans compter le manque de confiance, le doute, et toutes les théories plus ou moins complotistes dont raffole une partie de la population (1).
Faire changer les idées des climatosceptiques ne doit pas être votre priorité. Dans tout changement, il est plus efficace de travailler de manière constructive avec les éléments moteurs qui sont favorables au changement que de faire changer d’avis ceux qui y sont farouchement opposés. Vous devez plutôt embarquer avec vous ceux qui sont déjà sur ce chemin de pensée. Les autres ne changeront qu’avec le temps et les premières conséquences concrètes de la déconsommation dans leur quotidien. Il ne faut donc pas perdre son temps à débattre, mais agir et montrer l’exemple. D’autant plus que plus nous attendons, moins nous aurons de choix et de possibilités pour gérer les défis à venir.
Néanmoins, si vous souhaitez expliquer vos idées à vos collègues, voici quelques profils types (un peu caricaturaux) que vous rencontrerez, ainsi que les idées qui pourraient les faire évoluer dans leur réflexion.