Biens immobiliers : passoires thermiques, le choix surprenant des acheteurs

Les dynamiques du marché immobilier en France révèlent un paradoxe captivant : les passoires thermiques, des habitations énergivores classées F ou G sur le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), se vendent plus rapidement que les habitations vertes, pourtant bien plus prisées par les nouvelles réglementations environnementales. Cette réalité soulève de nombreuses questions sur l’état actuel du marché et les motivations des acheteurs et vendeurs dans un contexte où la transition énergétique est au cœur des politiques publiques.

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Par Nicolas Egon Modifié le 21 août 2024 à 12h49
Biens immobiliers : passoires thermiques, le choix surprenant des acheteurs
15,7% En France, 15,7% des résidences principales appartiennent à la catégorie des passoires thermiques

Une visibilité accrue pour les biens immobiliers classés F ou G

Les derniers chiffres du baromètre immobilier « La Vigie » publié par GoFlint révèlent une évolution surprenante : 63 % des biens immobiliers classés F-G ont été vendus ou dépubliés au second trimestre 2024, contre seulement 34 % des biens notés A-B​. Ce constat tranche avec l'idée reçue que les passoires thermiques peinent à trouver preneur face aux habitations vertes, censées incarner l'avenir du marché immobilier.

L'un des outils analytiques utilisés par GoFlint, l'indice de viscosité, illustre bien cette tendance. Cet indice mesure la proportion de biens encore en vente après un trimestre. Un indice faible indique une vente rapide. Paradoxalement, les biens immobiliers DPE A-B affichent un indice de viscosité élevé, traduisant un stock de vente qui peine à s'écouler​. À l'inverse, les passoires thermiques enregistrent un taux d'écoulement supérieur, suggérant une demande toujours présente pour ces biens, malgré la décote importante de leur prix.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Tout d'abord, le prix joue un rôle central : une passoire thermique enregistre une décote moyenne de 19,1 % pour un appartement et de 33,4 % pour une maison par rapport à une habitation verte​. Ces écarts de prix significatifs peuvent attirer des acheteurs désireux de profiter d'un bien à moindre coût, quitte à engager des travaux de rénovation énergétique par la suite. De plus, la rareté relative des biens immobiliers sur le marché, exacerbée par la baisse des constructions neuves, contribue à la persistance de la demande pour des passoires thermiques. Cette situation est particulièrement visible en dehors de Paris, où seuls les prix des appartements classés F-G ont connu une baisse de 0,1 % entre avril et juin 2024, contre une hausse de 0,3 % pour les biens DPE C-D-E et de 0,7 % pour ceux notés A-B​.

Habitations vertes : un ralentissement surprenant

Si les habitations vertes sont souvent mises en avant pour leur faible empreinte écologique et leur performance énergétique, elles ne semblent pas susciter l'enthousiasme escompté parmi les acheteurs. En effet, au T2 2024, seulement 18 % des biens notés DPE A ont été vendus​. Ce faible taux de vente est sans doute lié à la cherté de ces biens, amplifiée par la baisse des aides publiques pour l'acquisition de logements neufs, et la complexité croissante des réglementations énergétiques.

Le faible niveau de ventes pour les biens immobiliers DPE A-B se traduit par une viscosité du stock en forte augmentation, à hauteur de 55 % au deuxième trimestre 2024​. Cette stagnation peut être attribuée à plusieurs facteurs : un coût élevé d’acquisition, une demande limitée pour les biens neufs et une hésitation des acheteurs face aux réformes énergétiques en cours. Par ailleurs, la baisse des réservations de logements neufs, chiffrée à 22,4 % en mai 2024 par le Ministère de la Transition écologique, reflète cette tendance à la prudence​.

Ces tendances mettent en lumière un marché immobilier français en pleine mutation, où les critères économiques semblent parfois l'emporter sur les considérations environnementales. Si les passoires thermiques continuent de se vendre rapidement, c'est peut-être le signe que les acheteurs privilégient encore le prix immédiat à l'efficacité énergétique à long terme. Toutefois, cette tendance pourrait être éphémère, avec des ajustements futurs liés aux politiques publiques de plus en plus contraignantes en matière de performance énergétique. Il conviendra d'observer comment les mesures gouvernementales à venir, telles que l'interdiction progressive de la location des passoires thermiques et l'extension des incitations pour la rénovation énergétique, influenceront ces dynamiques à moyen terme. Le marché pourrait alors voir une inversion de ces tendances actuelles, avec une hausse de la demande pour les habitations vertes, renforcée par une conscience écologique croissante et un cadre législatif de plus en plus strict.

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