Rapport d’activité de l’URSSAF : qu’y a t-il derrière des chiffres mirobolants de lutte contre le travail dissimulé ?

Retenons quelques chiffres : les 36 037 actions de lutte contre le travail dissimulé qui ont été engagées ont permis de générer un montant de redressements de près de 1,2 milliards d’euros en 2023, contre 788 millions en 2022 (soit 55% de mieux). Tel que présenté, ce résultat ne mérite que des félicitations. Après tout, dans notre système économique, la lutte contre le travail dissimulé est indispensable si l’on veut que soient respectées les principes d’une saine concurrence entre les entreprises.

Et pourtant, il est clair que cet arsenal utilisé par l'URSSAF ne peut que satisfaire que ceux qui n’ont jamais été une seule fois pris dans les griffes de ces organismes...

Depuis des lustres, nous ne cessons en effet de dénoncer une législation taillée sur mesure pour les organismes de recouvrement et qui a banalisé le travail dissimulé (certains praticiens n'hésitent pas à dire aujourd'hui, que 80% des entreprises pratiquent le travail dissimulé sans même le savoir), la course effrénée et zélée contre le travail au noir qui est souvent source de dérives et amène les URSSAF à pratiquer des redressements pour le moins déplacés. Sait-on ainsi que pour les cowboys de l’URSSAF, constitue du travail dissimulé le cas de « Mamie bistro » qui aide bénévolement son conjoint, du client de bar qui vient rapporter son verre au comptoir, l’entraide entre voisins, la personne qui vient aider son frère sur un marché, les laissés-pour-compte qui reçoivent un modeste pécule d’une communauté d’Emmaüs, l’entraide familiale… ? La jurisprudence foisonne de ces exemples où les URSSAF (en quête de performances, de résultats et de communication bas de gamme) se montrent intraitables vis-à-vis des contrevenants (souvent dans l’incompréhension) … Et à regarder de près la jurisprudence, on s’aperçoit que les situations poursuivies concernent rarement des grandes entreprises ou des systèmes compliqués de détachement de salariés au sein de l’Union Européenne… Pour l’URSSAF, il est plus facile et plus gratifiant au niveau des statistiques de cibler le cas du boulanger ou du restaurateur ayant fait travailler illégalement un membre de sa famille !

Ensuite, on ne dialogue pas avec les URSSAF ! Car soyons clair : un contrevenant pris dans la spirale infernale de la définition « attrape tout » du travail dissimulé, est dépouillé de ses droits. Ainsi, dans le cadre d’un contrôle diligenté par l’URSSAF, il ne se verra pas remettre la Charte du cotisant, n’aura pas accès au procès-verbal ni à son dossier ni même aux interrogatoires pratiqués. Pire, il se verra de suite retirer l’attestation de vigilance, avant même tout dialogue, étant ainsi promis à une mort certaine. Il aura tout juste le droit de saisir l’inutile Commission de recours amiable composée notamment de membres des syndicats patronaux qui opinent à tout ce que dit leur maître… Finalement, on n’est pas loin de la lettre de cachet pratiqué sous l’ancien régime.

Et cette absence de procédure contradictoire est à mettre en parallèle avec les sanctions d’une violence économique inouïe, entre redressement, majorations de retard, majorations de retard majorées, suppression des aides….Autant écraser une mouche avec un marteau…. !

Alors, oui à la lutte contre le travail dissimulé, mais pas à la sauce URSSAF, à condition de fixer une définition acceptable pour les cotisants, et des garanties pour ces derniers dans le cadre du contrôle et du contentieux ! Faute de respecter ces deux éléments cardinaux, les discours des organismes de sécurité sociale n’auront valeur que de propagande !