Épargne : pourquoi les Français laissent à nouveau leur argent dormir sur leur compte courant ?

Le retour des dépôts à vue : un signe de méfiance ou de sécurité ?

Les derniers chiffres de la Banque de France sont sans équivoque : les dépôts à vue, ces sommes qui dorment sur les comptes courants, repartent à la hausse, une première depuis l'été 2022. Au mois de juin 2024, ces dépôts atteignent 554 milliards d’euros, en progression après avoir stagné juste en dessous de 550 milliards entre février et mai. Cette reprise surprend alors que les taux d’intérêt, particulièrement attractifs pour les placements sécurisés comme les Livrets A, ont poussé de nombreux épargnants à déplacer leurs économies vers des produits plus rémunérateurs. Pourtant, face à l’incertitude économique, beaucoup choisissent la sécurité de la liquidité immédiate, une décision qui pourrait aussi traduire une certaine méfiance envers les marchés financiers. Le patrimoine financier des ménages a atteint 6 267,6 milliards d'euros au premier trimestre, selon les dernières données disponibles. Un record.

L’inflation pourrait bien être l’une des raisons majeures de ce retour aux dépôts à vue. Selon l’économiste Philippe Crevel au micro d'Europe 1, l'inflation érode la valeur réelle de l’argent placé sur des comptes non rémunérés. En clair, garder son argent sur un compte courant fait perdre de l’argent. Cependant, dans un contexte où les Français se montrent de plus en plus inquiets, tant sur le plan économique que politique, l’idée de disposer d’une réserve accessible à tout moment semble rassurante. Pour ceux qui possèdent un Livret A déjà plafonné ou qui hésitent à investir en Bourse, laisser son argent dormir, même à perte, devient une option par défaut.

Épargne : les banques sous pression 

Si les épargnants jouent la carte de la sécurité, les banques, elles, pourraient bien voir d’un mauvais œil cette tendance. Les dépôts à vue, peu ou pas rémunérés (à peine 0,07% en moyenne), sont une manne pour les banques, leur permettant de financer d’autres activités plus lucratives. Mais cette situation n’est pas sans risque : un trop grand afflux de liquidités pourrait peser sur leur rentabilité, surtout dans un contexte où les autres formes de placements, plus rémunératrices, peinent à attirer les épargnants. Pour les banques, il s’agit désormais de trouver un équilibre entre attirer les dépôts et gérer une rentabilité en berne.

Alors que les dépôts à vue augmentent, les autres produits d’épargne continuent de connaître de diverses fortunes. Le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) ont enregistré des performances plus modérées cette année, malgré une collecte nette positive en juin. De leur côté, les fonds euros de l’assurance vie reprennent des couleurs, bénéficiant d’un regain d’intérêt de la part des épargnants, tandis que les fonds immobiliers souffrent de dévaluations et de retraits massifs. Selon France Assureurs, les épargnants ont continué à alimenter leurs contrats en juin, pour le sixième mois d'affilée, avec des cotisations en hausse de 13 % depuis le début de l'année. L’épargne des ménages français reste donc dynamique, mais les choix des épargnants reflètent un arbitrage prudent, marqué par une recherche de sécurité et de rendement dans un environnement incertain.